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Décapage de la peau : phénomène de mode ou symbole d’un mal être profond ?

Le décapage de la peau, communément appelé blanchiment de la peau ou décoloration de la peau, est une pratique de dépigmentation de la peau par réduction de la mélanine à l’aide de produits chimiques. Cette pratique, à dessein médicale premièrement, est utilisée pour couvrir les taches. Mais depuis des décennies, on constate qu’elle a été détournée à des fins purement esthétiques dans le but de modifier un teint foncé en un teint clair.

Le danger des crèmes vendues pour se blanchir la peau

Très populaire chez les femmes, mais aussi les hommes noirs, le blanchiment de la peau ne reste pas sans risque pour la santé et peu même causer des problèmes de santé assez graves comme le révèle cette interview parut dans le journal « Le Monde »

Fatou, sénégalaise d’une quarantaine d’années, entre dans l’une des innombrables échoppes qui vendent des produits « afro-cosmétiques », des perruques et des mèches de cheveux lisses, rue Poulet, dans le 18e arrondissement de Paris : « Bonjour monsieur, ma fille de 20 ans a des taches sur la peau, je voudrais une crème qui les efface. »

Le vendeur, d’origine indienne, lui montre le rayon très fourni des laits, savons, gels et crèmes « blanchissants » ou « éclaircissant ». Fatou fait la moue. Ces produits-là, elle les a déjà essayés, et ils ne sont pas efficaces… Il lui tend alors un pot de crème fabriquée aux Etats-Unis, de la marque Clear Essence : « Prenez ça, c’est très bien », ditil. « Dans cette marque, je préférerais la crème avec un emballage rose », répond Fatou. Le vendeur se dirige alors vers son arrière-boutique et revient avec ce qu’elle lui demande : un pot de « medicated fade creme », contenant 2 % d’hydroquinone, substance interdite dans l’Union européenne pour ses effets cancérigènes. Il le lui vend 8,50 euros.

Constatant combien il est facile de se procurer ces produits, la Mairie de Paris a lancé, début novembre, une campagne d’information sur leurs dangers, intitulée « Séduire… Oui ! Se détruire… Non ! » « Nous organisons cette campagne dans les 8e, 19e et 10e arrondissements de Paris, où vit une importante population afro-antillaise, pour essayer de modifier les comportements », indique Jean-Marie Le Guen, adjoint au maire de Paris, en charge de la santé publique et des relations avec l’Assistance publique-Hôpitaux de Paris. « Nous estimons que 15 % à 20 % des jeunes filles utiliseraient ces produits », précise-t-il. La Ville a débloqué quelque 30 000 euros pour concevoir une affiche – placée sur une trentaine de panneaux Decaux (voir ci-dessus) -, un fascicule et une petite bande dessinée, Beauté d’ébène, qui sont distribués dans les centres de protection maternelle et infantile (PMI), de santé ou les caisses d’allocations familiales

Le docteur Antoine Petit, dermatologue à l’hôpital Saint-Louis, dans le 10e arrondissement de Paris, connaît bien les dégâts que provoque, à long terme, l’éclaircissement de la peau. Il les décrit en tête du fascicule : « Taches, boutons, barbe, vergetures, peau fine comme du papier à cigarettes qui ne cicatrise plus, mauvaises odeurs…  » Sans compter l’hypertension et le diabète, liés aux substances qui vont dans le sang. « Certaines femmes arrivent quasiment défigurées », ajoute Agnès Giannotti, médecin généraliste à la Goutte-d’Or et directrice bénévole de l’association Uraca (Unité de réflexion et d’action des communautés africaines), qui, dans le 18e arrondissement, prévient les populations migrantes africaines des dangers du sida et du blanchiment de la peau. C’est à l’Uraca que travaille Fatou…

Les crèmes éclaircissantes autorisées dans le commerce étant d’une faible efficacité, nombre de femmes utilisent des produits interdits : l’hydroquinone, qu’elles peuvent se procurer sur Internet, sa vente étant encore autorisée aux

Etats-Unis, ainsi que des dérivés de la cortisone. « Beaucoup de femmes obtiennent ces dermocorticoïdes de leur médecin pour soigner une petite tache, mais les détournent ensuite de leur usage », constate le docteur Giannotti.

Il y a un an, le Conseil de Paris votait, à l’unanimité, en faveur de cette campagne, réclamée par Ian Brossat, le président du groupe communiste, après la saisie par la police de plus de 2 000 articles cosmétiques interdits dans deux boutiques du boulevard Barbès. M. Brossat avait été sensibilisé à la question par Isabelle Mananga, fondatrice de l’association Label beauté noire, qui milite depuis longtemps contre ce phénomène dans toute la France.

« Dans les lycées où je me rends, les jeunes disent que pour être à la mode, il faut avoir la peau claire, comme les chanteuses Rihanna ou Beyoncé. La réussite de Barack Obama ne facilite pas les choses, car il est métis. Le seul modèle positif noir qu’ils citent est Rama Yade. Il en faudrait beaucoup plus ! », observe Mme Mananga.

Pour Patrick Lozès, président du Conseil représentatif des associations noires (CRAN),  « le phénomène est lié à une certaine hiérarchie mélanique : les métis subissent deux fois moins de contrôles au faciès que les Noirs. Ils se disent moins souvent victimes de discrimination raciale dans la vie de tous les jours que les Noirs. Les femmes qui s’éclaircissent la peau se disent : « En étant moins noire, je vais grimper dans la hiérarchie. » Elles n’ont jamais entendu dire qu’il est positif d’être noir. »

Onésha Afrika avec Le Monde

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