Accueil Politique La 119ème session ministérielle de l’OEACP : Des enjeux cruciaux et stratégiques

La 119ème session ministérielle de l’OEACP : Des enjeux cruciaux et stratégiques

Le Secrétariat de l’OEACP accueille de personnalités de haut niveau de l’OEACP (image d’illustration)

La 119ème session du Conseil des ministres de l’Organisation des États d’Afrique, des Caraïbes et du Pacifique (OEACP), tenue à Bruxelles du 23 au 25 mai 2025, et qui a coïncidé avec le 50ème anniversaire de l’organisation, a déterminé des orientations stratégiques pour répondre aux défis contemporains.

Présidée par la ministre des Affaires étrangères de l’Eswatini, Mme Pholile Shakantu, la session a déploré la très faible participation ministérielle : une dizaine de ministres sur les 79 attendus. La République démocratique du Congo y a dépêché son ambassadeur au Benelux et auprès de l’Union européenne, le Pr Christian Ndongala Nkunku.
Malgré cette situation, les participants ont concentré leurs échanges sur des enjeux cruciaux, notamment la viabilité financière de l’organisation, les réformes institutionnelles et la mise en œuvre du nouvel Accord de Samoa.
Le lancement des commémorations du jubilé d’or, avec un programme et un calendrier d’un an, a constitué une occasion de réfléchir à l’histoire d’unité et de solidarité de l’OEACP, tout en insistant sur la nécessité d’une transformation et d’un renouveau, dans un contexte de bouleversements mondiaux : dérèglement climatique, instabilité géopolitique, inégalités croissantes, endettement et déclin de l’aide au développement.
L’organisation fait face à une grave contrainte financière qui pèse sur le Secrétariat général, avec des salaires impayés et une dette dépassant les 9 millions d’euros. Cette structure, dirigée par le nouveau Secrétaire général, le Tchadien Musa Saleh Patraki, entré en fonctions le 10 mars 2025, opère sous un sous-financement chronique et une capacité limitée, ce qui compromet son efficacité.
Il est d’ailleurs question de réduire drastiquement la taille du personnel qui devrait passer de 120 à 40 unités, selon une source interne. Les États membres ont été instamment priés de s’acquitter de leurs contributions statutaires et d’apporter un soutien volontaire pour stabiliser le Secrétariat général. Dans le même ordre d’idées, le Roi Swati III de l’Eswatini a été désigné pour mobiliser des financements tant internes qu’externes.

Vendre ou réhabiliter la Maison ACP ?

Bientôt un mémorandum d’entente entre l’Organisation des États d’Afrique, des Caraïbes et du Pacifique (OEACP) et l’OEACP. (Image d’illustration/Source : africa-press.net)

Concernant l’éventualité de vendre la Maison ACP et de construire un nouveau siège, toujours à Bruxelles, certains États membres se sont opposés à cette décision, en raison des coûts et des délais, préconisant plutôt la rénovation des installations existantes. Une contribution collective de 30 000 € par État membre en 2025-2026 a été proposée pour rénover les installations existantes. Finalement, il a été décidé d’attendre le résultat de nouvelles consultations du comité des ambassadeurs.
La 119ème session est aussi revenue sur l’utilisation « non autorisée » de 1,546 million d’euros provenant du Fonds de dotation et d’affectation spéciale de l’OEACP par le Secrétariat, le Conseil d’administration du Fonds exigeant une responsabilité et la séparation de ses comptes de ceux du Secrétariat. Ce Conseil d’administration a même suggéré d’utiliser le produit d’une éventuelle vente du siège pour rembourser le Fonds, confronté à des obstacles juridiques et opérationnels et à l’absence de directeur, due à des contraintes financières.
Dans le même cadre, des appels ont été lancés pour une amélioration de la gouvernance, de la gestion financière et de la structure organisationnelle. Une proposition a été faite de créer une unité juridique et d’éliminer les redondances pour accroître l’efficacité.
Certains États membres ont souligné l’urgence d’embaucher un auditeur interne et un contrôleur financier pour assurer la transparence, liant cette mesure au rétablissement de la confiance avec des partenaires tels que l’UE. Comme fondement des réformes, les participants ont soutenu les recommandations du Groupe de gestion de crise des ambassadeurs et un groupe de travail ministériel a été suggéré pour en superviser la mise en œuvre.

L’Accord de Samoa jugé vital

Le Conseil des ministres a jugé « vital » l’Accord de Samoa, signé en novembre 2023, pour un partenariat renouvelé avec l’UE sur le développement durable, le commerce et la gouvernance. Le Secrétaire général a appelé à sa pleine ratification et exhorté tous les pays à accélérer le processus. En Afrique, Madagascar, le Cameroun, l’Eswatini, le Mozambique et le Botswana l’ont déjà ratifié.
Cependant, une mise en œuvre effective dudit accord est liée au renforcement des capacités internes et à la stabilité financière, la reprise potentielle du financement de l’UE étant conditionnée à des réformes telles que les audits et les ajustements de la base de coûts.
Les délégués ont abordé des questions mondiales telles que le changement climatique, l’insécurité alimentaire et la volatilité économique, soulignant le rôle de l’OEACP dans la défense des intérêts de ses 79 États membres, soit 40% de la population mondiale.

Faire face à la crise existentielle de l’OEACP

La 119ème session s’est achevée sur une volonté collective de faire face à la crise existentielle de l’OEACP. Les participants ont souligné la nécessité d’une volonté politique, d’une discipline financière et d’une réforme stratégique pour assurer la survie et l’impact de l’organisation au cours des 50 prochaines années.
La région des Caraïbes a appelé à une « voix unifiée » pour influencer les forums multilatéraux. Le Secrétaire général et les États membres ont été chargés de traduire la rhétorique en résultats concrets, le 50ème anniversaire servant de moment charnière pour le renouveau.
L’Accord de Georgetown, capitale du Guyana, qui avait institué le groupe ACP, avait été signé en 1975, puis révisé en décembre 2019. L’objectif initial était de coordonner la coopération de ses membres avec les États européens et de peser davantage dans les négociations des accords de coopération avec la Communauté européenne. L’organisation compte 79 États membres : 47 pays d’Afrique, 16 des Caraïbes ainsi que 15 du Pacifique et la République des Maldives.

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