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Russie – Ukraine : La tactique du « hachoir à viande » et les soldats nord-coréens

Vladimir Poutine aux côtés de Kim Jong-un, en Corée du Nord. Crédit : Gavriil GRIGOROV / POOL / AFP

La guerre d’invasion que la Russie mène en Ukraine depuis plus de 1000 jours – nous l’avons signalé dans notre dernière édition – ne cesse d’apporter chaque jour son lot d’incongruités. De l’invasion surprise à la résistance héroïque des hommes de Zelensky, suivie de l’attaque du territoire russe par des missiles tirés depuis Kiev, nous passons aujourd’hui à l’entrée en lice des militaires nords aux côtés des amis russes.

Dans l’est de l’Ukraine, l’officier ukrainien « Goth » allume sa pipe, insensible aux explosions autour de lui, stressé pour une autre raison : ses hommes meurent en cédant du terrain aux soldats russes, qui vague après vague déferlent, en dépit de lourdes pertes. « On perd du terrain face à de la chair à canon », constate-t-il, amer.
Dans sa zone de la région de Donetsk, non loin de Kourakhové, l’ennemi ne cesse d’avancer en prenant, selon des estimations, 725 km2 rien qu’en novembre, soit ses plus grands gains territoriaux depuis les premières semaines de l’invasion russe de l’Ukraine lancée en février 2022. Des avancées obtenues pourtant aux prix d’immenses pertes : 53 hommes par kilomètre carré de territoire saisi, selon les estimations de l’Institut américain pour l’étude de la guerre (ISW).
Selon les Ukrainiens, l’une des tactiques russes consiste à envoyer de petits groupes de trois à cinq soldats couverts par l’artillerie pour creuser des tranchées près des positions ukrainiennes. Les survivants, s’il y en a, seront rejoints par d’autres, et ainsi de suite, formant une vague d’assaut « constant », affirme le commandant « Goth ».
Une approche qui fonctionne, selon lui, dans la mesure où le commandement russe ne semble guère se soucier de ses pertes et que l’armée ukrainienne est en sous-nombre et n’a pas la puissance de feu nécessaire pour détruire les canons russes. « On tuera les trois qui attaquent, puis les suivants, et après trois jours d’efforts ils perdront peut-être dix soldats, mais l’artillerie (russe) nous fera reculer », résume Goth.

La Russie ne communique pas sur ses pertes, bien supérieures aux 43 000 soldats ukrainiens tués

La Russie « crée des trous dans notre défense », déplore cet ancien marin civil de 26 ans. « On tente de les combler avec les drones explosifs ». C’est le travail de Kourt, qui dirige une unité de la 28ème brigade, vers Toretsk, une autre zone où Moscou est à l’offensive. Ses pilotes sont des as, mais cela ne suffit plus : « Nous combattons une armée quatre fois plus peuplée », regrette le commandant.
« Cinquante pour cent, c’est de la chair » à canon, « des anciens prisonniers, des gens issus des castes inférieures » dont « la Russie n’a pas du tout besoin », affirme-t-il.
Cette méthode, qualifiée de « hachoir à viande » par Evguéni Prigojine, le chef de la milice russe Wagner, a été utilisée dans les assauts de Bakhmout et d’Avdiïvka, villes de l’est de l’Ukraine, rasées de la carte en 2023 et début 2024. Les pertes massives côté russe à Bakhmout étaient d’ailleurs l’une des causes de la mutinerie de Prigojine en juin 2023.
La Russie ne communique pas ses pertes militaires. Mais en novembre, une responsable russe a laissé échapper avoir reçu quelque 48 000 demandes de tests ADN de membres de la famille de soldats combattant en Ukraine et cherchant un proche. Un rare aperçu de l’ampleur potentielle des pertes militaires.
De son côté, le président ukrainien Volodymyr Zelensky a pour la première fois dévoilé vendredi le chiffre global des pertes ukrainiennes : 43 000 soldats ukrainiens tués et 370 000 blessés depuis le début de l’invasion. Les pertes russes sont considérées comme bien supérieures.


Au moins 3 000 soldats nord-coréens déjà tués en Ukraine

Soldats nord-coréens en Ukraine : un saut dans l’internationalisation de la guerre (Source : resolutionpermanente.fr). Crédit photo : Flickr/ Uwe Brodrecht

« Selon de premières informations, le nombre des soldats nord-coréens tués ou blessés dans la région de Koursk a déjà dépassé 3.000 », a déclaré le président Zelensky sur X. Ces chiffres dépassent de loin les estimations de l’état-major de l’armée sud-coréenne, qui a fait état le 16 décembre de plus de 1 100 militaires nord-coréens tués ou blessés en se battant contre l’Ukraine aux côtés de la Russie.
Confrontée depuis bientôt trois ans à l’invasion russe, l’Ukraine a lancé début août une attaque surprise dans la région de Koursk, la première offensive terrestre en territoire russe depuis la Deuxième guerre mondiale. Elle en contrôle toujours une petite partie. Plusieurs milliers de soldats nord-coréens ont été envoyés en Russie ces dernières semaines pour appuyer les forces russes, selon les Occidentaux.
Kiev comme Séoul craignent que Pyongyang soit prêt à fournir de nouvelles troupes et armes à la Russie. « ll y a des risques que la Corée du Nord envoie des troupes et des équipements militaires supplémentaires à l’armée russe », prévient Zelensky.
L’état-major de l’armée sud-coréenne a également dit avoir observé des préparatifs qui lui font croire que la Corée du Nord s’apprête à envoyer de nouvelles troupes en Russie, en renfort ou pour relever celles qui combattent déjà. Les renseignements informent que le Nord « est en train de produire et de livrer des drones pouvant s’autodétruire » à la Russie, a-t-il ajouté.
Selon l’Ukraine, l’armée russe a déclenché mi-décembre « des opérations offensives intenses dans la région de Koursk, utilisant activement des unités de l’armée nord-coréenne », qui ont déjà « subi de lourdes pertes ».

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