Les prix mondiaux des denrées alimentaires ont encore progressé vigoureusement en octobre, selon la FAO, l’organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture. À tel point qu’ils atteignent leur plus haut niveau depuis juillet 2011. Le prix du panier de base est en hausse de plus de 31% sur un an.

Le prix du panier de base continue de se rapprocher du niveau record enregistré en février 2011. Il est notamment tiré vers le haut par les céréales. Les récoltes réduites dans les principaux pays exportateurs ont fait grimper le blé et les autres grandes céréales ne sont pas en reste. 

Pourtant, l’organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) s’attend à une production céréalière record en 2021, alors qu’il y a plus de plus en plus de bouches à nourrir. La consommation alimentaire de blé devrait donc augmenter. Autre hausse attendue, celle de l’utilisation industrielle et fourragère du maïs. 

Les huiles végétales ont également bondi pour atteindre un plus haut historique. La pénurie de main-d’œuvre en Malaisie suscite des craintes sur la production d’huile de palme.

Chute du cours mondial du porc

Or, dans le même temps, les tarifs de l’énergie flambent tout comme celui du fret. Des coûts très corrélés à ceux de l’alimentaire. 

On ne peut pas dire pour autant que tout augmente, du moins pas d’un mois sur l’autre. La FAO constate une inflexion de l’indice des prix de la viande. En cause, la chute du cours mondial du porc, entraîné vers le fond par la réduction des achats de la Chine. 

Certains États « achètent plus que de besoin »

Pour Sébastien Abis, directeur général du club de réflexion sur l’agriculture Demeter, « on produit de plus en plus dans le monde, c’est vrai. Mais en fait, on consomme aussi de plus en plus. Parce que la croissance de la démographie mondiale se poursuit, parce que les consommateurs partout dans le monde sont très exigeants. Ils veulent évidemment plus de quantité mais ils veulent aussi de la qualité. Depuis deux ans, vous avez un renchérissement des prix alimentaires qui suit celui du fret logistique. Et nous avons eu un peu plus d’accidents climatiques que les années précédentes. Et tout ça fait un cocktail un peu explosif. »

Sébastien Abis veut aussi souligner « le comportement des acteurs, dans le sens où un certain nombre d’États dans le monde ou d’acteurs privés achètent plus de nourriture que de besoin de manière préventive. « Je fais des courses sur le marché mondial au cas où le commerce se dégrade, au cas où la logistique devient encore plus compliquée, au cas où les récoltes ne sont pas à la hauteur des enjeux. » C’est ce que font un certain nombre de pays ces derniers mois. Et tout cela concourt à un renchérissement des matières premières agricoles. On est sur des pics très hauts et très inquiétants pour la sécurité alimentaire mondiale, et donc la stabilité géopolitique de certains pays. »

L’Afrique particulièrement touchée

Certains pays vont plus souffrir que d’autres de cette hausse, en particulier sur le continent africain, explique Sébastien Abis. « Il y a des pays aujourd’hui où la croissance démographique dépasse de très loin la croissance de la production agricole domestique. Et en plus, nous avons malheureusement parfois des pays qui sont en instabilité politique et géopolitique, où certains territoires agricoles ne peuvent pas produire à la hauteur de leur potentiel, parce qu’ils sont tenus par des forces sociales radicales ou terroristes. Pour avoir du développement agricole, nous avons besoin d’avoir de la paix. »

« Maintenant, poursuit l’analyste, nous avons aussi des régions sur le continent africain qui souffrent d’une insécurité alimentaire structurelle parce que ce sont des zones pauvres en eau, pauvres en terre qui subissent les changements climatiques. Et c’est vrai que l’Afrique du Nord ou le Moyen-Orient, si l’on élargit même un peu, sont des zones où les contraintes géographiques limitent drastiquement la capacité agricole de ces pays. Il y a des facteurs géopolitiques, il y a des facteurs géographiques, il y a les facteurs démographiques. Et lorsque tout cela se combine non vertueusement, vous avez une situation qui est particulièrement mûre pour déclencher une crise. »

Pourquoi les prix des denrées alimentaires s’envolent?

Partout dans le monde, se nourrir coûte de plus en plus cher. Comment expliquer une telle inflation des produits alimentaires et faut-il s’en inquiéter ?

Pour les plus pauvres, la situation est déjà alarmante. Au Brésil, où près d’un habitant sur deux vit en dessous du seuil de pauvreté, les familles les plus modestes rognent déjà sur les dépenses de viande. Le bœuf a augmenté de 30% en un an, trois fois plus que l’inflation. Les deux tiers des ménages ont réduit leur portion carnée, un tiers rationne même leur portion de riz et de haricots, d’après un récent sondage. Au Royaume-Uni, l’inflation alimentaire pourrait dépasser les 10% dans les prochaines semaines, prédisent les industriels, effarés par l’envolée actuelle des prix. En Chine, c’est la hausse d’un ingrédient de base de toutes les cuisines du pays qui envoie le signal de l’inflation : le principal fabricant de la sauce soja vient d’annoncer une augmentation de 7%. L’indice de la FAO du mois de septembre est affolant : les prix alimentaires ont augmenté de 30% par rapport à l’année dernière, ils n’ont jamais été aussi hauts depuis la crise alimentaire de 2011.

Comment expliquer cette envolée ?

Les causes sont multiples et elles s’additionnent. Il y a dans chaque pays des facteurs spécifiques ; au Brésil, on attribue la hausse à la mauvaise gouvernance de Bolsonaro, on parle de « Bolsocaro », « caro » pour « cher » ; aux États-Unis, la consolidation de l’industrie de la viande, où une poignée de sociétés contrôle le marché et propulse les prix, et au Royaume-Uni, le Brexit est en grande partie responsable du chaos dans les échanges commerciaux qui font flamber le panier des ménages. Et il y a des facteurs universels. La facture de la sortie du Covid, par exemple, qui se répercute en cascade sur l’agro-alimentaire : l’énergie et le fret ont fortement augmenté, les intrants et la main-d’œuvre manquent aux champs.

L’agriculture plus que jamais à la merci de la météo

La météo, qui a toujours le dernier mot. La sécheresse, les inondations ou le gel, selon les latitudes, ces phénomènes ont fortement endommagé la production d’huiles végétales, de sucre, de céréales cette année et leurs cours mondiaux ont donc fortement augmenté. Dernier puissant facteur de hausse : les achats massifs de la Chine, qui importe encore plus qu’à l’accoutumée, notamment beaucoup de soja et de maïs pour reconstituer ses élevages de cochons décimés par la peste porcine. Pour des raisons climatiques ou économiques, les pays du Sud dépendent fortement des importations pour se nourrir, ils sont donc très affectés par la hausse des marchés. Les produits alimentaires représentent 10% du total des échanges commerciaux.

Cette inflation alimentaire va-t-elle disparaître avec la fin de la pandémie ?

Les négociants en matières premières agricoles sont optimistes. D’après eux, les goulets d’étranglement qui pénalisent toute l’économie seront résorbés d’ici au mieux un an, la tension devrait donc retomber. En revanche, les experts du développement sont plus réservés. Ils soulignent que cette inflation alimentaire s’inscrit dans une tendance lourde, sensible depuis le début des années 2000. Entre autres, parce que les avaries climatiques sont de plus en plus fréquentes et imprévisibles. Mais aussi parce que la demande est de plus en plus forte avec l’augmentation de la population et la hausse du niveau de vie dans les pays émergents. Cette inflation alimentaire ne va pas sans heurts. Elle a provoqué des émeutes de la faim en 2011, des mouvements de colère qui ont été l’un des carburants des printemps arabes.

Avec le niveau actuel de production des hydrocarbures, il sera impossible de limiter le réchauffement à 1,5°C, prévient le programme des Nations unies pour l’environnement

Une nouvelle alerte à 15 jours de l’ouverture de la COP26. L’agence se base sur les prévisions des États, qui comptent sur la hausse de la production de pétrole, de gaz et de charbon pour satisfaire leurs besoins énergétiques. Selon le rapport, depuis le début de la pandémie de Covid-19, les pays du G20 ont programmé des dépenses de 300 milliards de dollars pour les énergies fossiles, c’est plus que l’enveloppe dédiée aux renouvelables.

Le FMI revoit ses prévisions de croissance à la baisse pour l’Asie

À cause du Covid, qui fait encore des ravages dans cette partie du monde, dans les pays où l’accès au vaccin est insuffisant. Avec une croissance à 6,5%, l’Asie restera cette année la région la plus prospère.

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