Véritable coup de tonnerre venu du Niger où, le 27 novembre, le président Tiani, qui assure la transition, a annulé la loi qui prévoyait des peines contre toute personne aidant des migrants à passer la frontière.
Cette décision, salue le journal Mouryya Niger, « respire les vibrations d’une réponse à l’Union européenne » en réponse, précise L’Événement Niger, « à la position de l’UE qui a voté une résolution pour exiger la mise en liberté du président déchu Mohamed Bazoum, et son rétablissement au pouvoir ».
L’abrogation de cette loi, actée par le général Tiani, est donc un témoignage supplémentaire – si besoin était -, de la dégradation des relations entre Niamey et ses anciens partenaires occidentaux. « Encore un coup de canif à la coopération avec l’UE », déplore le journal Aujourd’hui au Faso, qui parle d’un « gros pavé dans le jardin européen ».
Endiguer les flux migratoires en Europe
La loi criminalisant les migrations était même, juge L’Événement Niger, une forme d’« externalisation des frontières européennes ». Alors même que « des migrants peuvent quitter des capitales de l’espace Cédéao et effectuer librement leurs voyages », assène un membre de la société civile interrogé par le journal nigérien, « c’est quand ils arrivent [dans cette ville, la «porte du désert»] que leur projet migratoire est un interdit ».
Empêchés de franchir les limites invisibles, tracées dans le sable, qui mènent vers la Libye ou l’Algérie, des milliers de migrants se sont donc retrouvés bloqués à Agadez, devenue « un hub forcé de migrants illicites », explique Aujourd’hui au Faso.
Revers pour l’UE, satisfaction pour certaines communautés
Car une véritable économie s’était développée autour des migrations : ainsi, croit savoir L’Événement Niger qui affirme s’appuyer sur des chiffres du Conseil régional, « après 11 mois de la mise en application de la loi, en 2015, l’économie de la région avait perdu environ 65 milliards de francs CFA ».
Une manne financière tarie donc avec la loi criminalisant les migrations, qui avait permis au moins officiellement, « de mettre un terme au trafic crapuleux et criminel des passeurs et autres trafiquants de tous acabits », concède Aujourd’hui au Faso. Alors, le journal burkinabè regrette que pour seule réponse à l’Union européenne avec laquelle les relations sont devenues délétères, celui qu’il appelle ironiquement « G.I. Tiani » n’ait « pas trouvé mieux que d’ouvrir cette sorte de route de Shangri-la désertique ». Et à la fin, déplore le même membre de la société civile cité plus haut, « ce sont [les migrants] qui reçoivent le coup de bâton ».
L’Union européenne très inquiète
La commissaire européenne aux Affaires intérieures, Ylva Johansson, a réagi avec une profonde préoccupation à l’annonce de l’abrogation de la loi nigérienne sur le trafic de migrants par le pouvoir militaire du CNSP. Cette loi, en vigueur depuis 2015, criminalisait les entrées et sorties illégales de migrants sur le territoire nigérien.
Ylva Johansson regrette vivement cette décision, soulignant le risque accru de nouveaux décès dans le désert. Elle explique que l’abrogation de la loi de 2015 pourrait créer un appel d’air pour les migrants subsahariens cherchant à rejoindre les côtes européennes.
Pour l’Union européenne, cette loi avait contribué à réduire significativement le nombre de décès sur la route migratoire et à diminuer les arrivées illégales sur son territoire.
Le gouvernement nigérien, en revanche, affirme que la loi avait été votée sous l’influence de puissances étrangères, rendant illicites des activités régulières. Selon Niamey, cela constituait une contradiction flagrante avec les règles communautaires et les intérêts des citoyens nigériens.
Rétablir une économie liée à la migration
Niamey justifie sa décision par le souci de rétablir une économie liée à la migration, particulièrement présente à Agadez, contribuant largement à son développement.
La décision du CNSP peut également être interprétée comme une réaction à la pression de Bruxelles, qui a récemment exigé la libération du président nigérien, Mohamed Bazoum, tel que l’a reconnu un journal nigérien.
La commissaire européenne Ylva Johansson souligne que le seul programme maintenu par l’Union européenne est la coopération dans le cadre du régime des Nations unies pour l’évacuation des réfugiés de Libye en vue de leur réinstallation au Niger.
Cette abrogation de la loi nigérienne sur le trafic de migrants marque un tournant majeur dans la politique migratoire de la région. Les inquiétudes de l’Union européenne soulignent les enjeux humanitaires et sécuritaires qui accompagnent de telles décisions, tandis que le gouvernement nigérien défend son choix en mettant en avant la souveraineté nationale et l’influence étrangère présumée sur la législation antérieure.
La situation continuera probablement d’évoluer avec des répercussions importantes sur la dynamique migratoire en Afrique de l’Ouest.