Le sommet Afrique-Turquie s’est clôturé le samedi 18 décembre, avec la signature d’un plan de coopération pour les cinq années à venir. 16 présidents et chefs de gouvernements ont fait le déplacement, comme Félix-Antoine Tshisekedi Tshilombo, Paul Kagame, Macky Sall ou encore Muhammadu Buhari, ainsi qu’une centaine de ministres.

Une quarantaine de pays du continent africain étaient représentés et la feuille de route 2022-2026 a été validée entre la Turquie et la Zlecaf (Zone de libre-échange continentale africaine).
C’est dans une déclaration d’une dizaine de pages qui a été signée à la fin du sommet que les grands axes de travail des prochaines années sont détaillés: paix, sécurité, infrastructures, commerce, industrie, éducation… Cela va aussi de la pêche à la poste, en passant par la formation des forces de défense.
C’est notamment sur la sécurité que Moussa Faki, le président de la Commission de l’Union africaine, a insisté: « Nous avons plaidé auprès du Conseil de sécurité depuis bientôt 10 ans déjà, mais nous n’avons pas pu obtenir de financements pérennes sur les ressources des Nations Unies ».

Le président de la RDC Félix Tshisekedi, président en exercice de l’UA, a lui aussi insisté sur les besoins d’investissement. L’expertise et l’accompagnement souhaités par les pays d’Afrique – ministères, institutions et secteur privé – sont déjà mobilisés, affirme pour sa part Receyp Tayyip Erdogan.
La question de la lutte contre le terrorisme et de la sécurité a aussi été largement évoquée, notamment en ce qui concerne la vente d’armes et de véhicules turcs au continent.
Lors de son intervention à huis clos, le ministre des Affaires étrangères tchadien a aussi précisé avoir lancé un appel pour que le partenariat turc puisse soutenir les efforts des pays qui ont mis en place des forces ad hoc, comme la force multinationale mixte dans le cadre du bassin du lac Tchad. 

La Turquie dispose de matériel militaire qui a fait ses preuves sur le terrain. « Donc, s’il y a lieu de doter encore le continent de blindés légers, on ne manquera pas de revenir en Turquie car du point de vue efficacité et prix, c’est plus intéressant. Et si les moyens le permettent, on ne refuserait pas d’avoir des drones aussi », a promis le ministre tchadien.
De son côté, le président Erdogan a mis en exergue « les approches hautaines, prétentieuses et orientalistes » des autres partenaires. Il a estimé qu’il était essentiel que le continent africain soit représenté de manière permanente au Conseil de sécurité de l’ONU.
« C’est une grande injustice qu’il n’y ait pas de représentant aux Nations Unies parmi les 5, alors que l’Afrique compte 1,3 milliard d’habitants », s’est indigné Recep Tayyip Erdogan qui ajoute:
« Pour que l’Afrique puisse être représentée à juste titre au Conseil de sécurité, je suis convaincu qu’il nous faut être solidaire. Malgré ceux qui profitent de ce statu quo, nous sommes décidés à lutter contre cette injustice ».

Le président Tshisekedi préconise des projets concrets

De son côté, le chef de l’État congolais Félix Tshisekedi a salué les efforts de la Turquie, mais s’est voulu pragmatique: « J’aimerais rappeler que les grands axes de notre coopération nécessitent des projets concrets à impact visible pour le bien-être général de nos populations respectives ».
En effet, le principe d’une coopération équitable, gagnant-gagnant, a été le point central des discours des dirigeants. Le président turc a conclu le sommet par une nouvelle invitation aux pays du continent pour le 2ème forum de la diplomatie organisé à Antalia, en mars prochain. Il a également promis d’envoyer 15 millions de doses de vaccins anti-Covid en Afrique, laissée pour compte dans la distribution mondiale malgré l’apparition et l’identification pour la première fois du nouveau variant Omicron en Afrique du Sud.

Opération séduction envers le continent africain

Le 3ème Sommet de partenariat Afrique-Turquie s’est ouvert le vendredi 17 décembre, à Istanbul. Au menu des discussions: tracer les axes de l’action turco-africaine des années à venir, avant le grand rendez-vous des chefs d’État le samedi 18 décembre.
Vingt-six ministres des Affaires étrangères et seize présidents et chefs de gouvernement devaient faire le déplacement. C’est le ministre des Affaires étrangères turc, Mevlüt Tchavoucholou, qui a ouvert ce sommet de deux jours. Il a mis en avant l’effort de son pays dans la lutte contre le Covid-19 sur le continent africain et a annoncé l’envoi prochain d’un premier lot de 2,5 millions doses de vaccins.

Mevlüt Tchavoucholou a réaffirmé aussi la volonté de la Turquie d’œuvrer dans le domaine de la sécurité :
« Nous allons renforcer nos relations, nos liens pour consolider la paix en Afrique. Nous allons continuer, en augmentant, notre soutien dans le combat mené contre le terrorisme. À cette occasion, nous remercions les pays qui nous ont aidés contre Fettö, un mouvement terroriste turc. Pour instaurer une paix durable, cela est possible avec une continuité dans la politique. Aussi, nous sommes contre les changements de pouvoir par les coups d’État ».

Alors que les pays d’Afrique se montrent de plus en plus critiques et se disent, dans les coulisses, souvent insatisfaits de leurs partenariats traditionnels avec les pays occidentaux, la Turquie se positionne comme une alternative.
« Chers amis, nous sommes fiers de dire que nous n’avons pas de passé colonial, lance le ministre des Affaires étrangères turc. Nous allons continuer à avancer malgré ceux qui pensent que l’Afrique rime toujours avec sous-développement, coup d’État et pauvreté. Parce que nous, nous croyons en l’Afrique ».

Rester proche des alliés historiques

Symbole de l’essor de la coopération turco-africaine: des dizaines de drapeaux multicolores sont déployés dans la salle de réception des ministres. De fortes délégations qui, souligne le ministre des Affaires étrangères congolais Adolphe Lutundula Apala, montre à l’évidence la confiance africaine envers le partenaire « stratégique turc ».
Les chefs d’État et de gouvernement sont arrivés un à un à Istanbul… Neuf ont déjà tenus des rencontres bilatérales avec le président Erdogan. Parmi eux Félix Tshisekedi, Paul Kagame, Mohamed Ould Ghazouani ou encore Mohammed Younes Menfi.

L’objectif est le resserrement des relations avec les partenaires traditionnels comme la Somalie. Son chef d’État, Mohamed Abdullahi Mohamed, a d’ailleurs rencontré en tête-à-tête le président Recep Tayyip Erdogan le vendredi 17 décembre.
Abiy Ahmed, Premier ministre éthiopien, a, lui aussi, fait le déplacement, alors qu’il ne parvient pas à juguler la rébellion tigréenne. Il a plus que jamais besoin du soutien de son partenaire turc, déjà très impliqué à ses côtés.

Créer de nouveaux liens

L’occasion était également propice pour créer des liens avec des diplomaties moins proches, comme la Centrafrique, l’un des seuls États qui n’accueillent pas encore d’ambassade turque sur leur territoire. Ce pays, qui se voit mis sous pression par les bailleurs, a ainsi intérêt à diversifier ses partenariats. Par ailleurs beaucoup espèrent trouver dans le président Erdogan un allié dans la lutte contre le terrorisme ou les groupes armés qui sévissent sur leurs territoires, à l’instar de la RDC.

Pour la Turquie, le continent africain est aussi une source de potentialités commerciales importantes au moment où Ankara est confronté à une grave crise économique. La Turquie espère, dans un futur proche, doubler le montant de ses échanges commerciaux.
C’est une opération qui consacre cette politique africaine de la Turquie, qui s’est traduite au départ par l’activation de relations diplomatiques. La Turquie avait relativement peu de postes diplomatiques en Afrique. Aujourd’hui, c’est assurément le pays qui a le plus de représentations diplomatiques.

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