Le 20 janvier 2025, Donald Trump prêtera serment en tant que 47ème président des Etats-Unis. Avec une majorité écrasante de 312 grands électeurs contre 226 pour sa rivale Kamala Harris, son retour fracassant sonne comme « un désir ardent » des Américains de « se repositionner sur l’échiquier international tout en améliorant leur économie interne ». Sur les grands dossiers relatifs à l’immigration, à la coopération internationale, quels seront les rapports entre l’administration Trump et les États africains ?
Le plus gros souci des Africains suite à l’élection de Donald Trump demeure sans ambages la question de l’immigration, surtout clandestine. En effet, même s’ils ne sont pas les plus majoritaires selon les statistiques de la police des frontières, il n’en demeure pas moins qu’ils sont des dizaines de milliers ayant franchi la frontière sud du pays.
À en croire les derniers chiffres de Pew Research, publiés en 2021, il y avait quelque 10,5 millions d’étrangers illégaux aux États-Unis en 2017, soit près d’un quart (23 %) des personnes nées à l’étranger présentes dans le pays et 3 % de la population globale. Durant la même année de 2021, d’avril à septembre, Les Mexicains constituaient la première nationalité de migrants interpellés à la frontière, suivis des Honduriens, des Guatémaltèques et des Salvadoriens. Cependant, les migrants « d’autres nationalités », pour reprendre la nomenclature du CBP, ont pris une part prépondérante dernièrement. Ils sont plus de six fois plus nombreux en août (61 484) qu’en janvier (9 671). Haïtiens, mais aussi Équatoriens fuyant la pauvreté et l’instabilité de leurs pays, se déplacent en nombre pour déposer une demande d’asile aux États-Unis.
Trump promet la plus grande déportation de l’histoire
On le sait, lors de sa campagne électorale, le candidat républicain n’a cessé de clamer qu’il « engagera la plus grande et massive déportation jamais eue dans l’histoire des États-Unis ». À cet effet, le chiffre de 11 millions de personnes est cité.
Selon les informations de sources fiables, les plus visés par la déportation de masse sont les personnes ayant un antécédent criminel. Pour les services fédéraux des États-Unis, des milliers de personnes ont des antécédents judiciaires et criminels sans statut légal avec des ordres de déportation non respectés. À ceux-ci s’ajoutent les individus, sans antécédent criminel mais, ayant un ordre de déportation des juges. L’on estime à plus d’un million de personnes ayant cet ordre et ne l’ont jamais exécuté. Ils demeurent sur le territoire américain sans statut légal.
Aussi, visera-t-on les récents immigrés entrés par la frontière mexicaine. Dans ce lot, il faut savoir que ceux qui ont déjà introduit une demande d’asile devant une Cour de Justice ne sont pas concernés. Dans ces cas spécifiques, seule la décision du juge aura force de loi. De ce fait, les Africains ayant déposé leur demande d’asile auprès d’un juge d’immigration ne doivent pas craindre une déportation.
Supprimer le « catch and release » et la nationalité à la naissance

En outre, d’autres actions viendront renforcer la lutte contre l’immigration irrégulière. Le président Donald Trump prévoit de mettre fin à ce qu’on appelle « catch and release », littéralement « arrêter et relaxer ». Ce système permettait à ceux qui ont été interpellés à la frontière d’être détenus pendant quelques heures ou quelques jours puis relaxés à l’intérieur des États-Unis. Ils pouvaient donc continuer à demander l’asile en étant à l’intérieur du pays. À sa prise de pouvoir, Trump veut faire en sorte que lorsqu’un individu est interpellé à la frontière, il est automatiquement rapatrié d’où il vient.
La politique anti-migration de Trump s’attaquera aussi à l’obtention de la nationalité aux nouvelles naissances sur le sol américain. De cette disposition, tout enfant né de parents immigrants, n’ayant pas la green card ou n’étant pas citoyen américain, ne bénéficie pas automatiquement de la nationalité américaine. Aux termes du projet de Donald Trump, pour qu’un nouveau-né ait la nationalité américaine à sa naissance, il faut qu’au moins l’un des parents ait la nationalité ou un statut légal aux États-Unis. Ici, il faut préciser que ce projet aura du mal à passer, car des organisations de la société civile telles que ACLU (American civil Liberties Union Foundation) sont prêtes à le combattre sur les plans juridiques.
Un autre sujet important dans le domaine de l’immigration irrégulière est le désir du 47ème président de mettre fin au statut TPS (Temporary Protection Status), « le statut de protection temporaire ». Il a été accordé aux Haïtiens et aux Vénézuéliens remplissant les conditions.
Réinstaurer le « Muslim ban »

Le fameux mur à la frontière reprendra de plus belle sa construction si le Congrès donne son quitus. Sans oublier son coût faramineux. D’ailleurs, le projet de déportation massive va coûter aux contribuables américains la bagatelle somme de plus de 88 milliards de dollars américains.
Le premier impact des relations entre les pays africains et l’administration Trump sera la réinstauration du « muslim ban ». Cette disposition prévoit l’interdiction pour des citoyens de nombreux pays musulmans d’entrer aux États-Unis. Le Soudan, la Lybie, la Somalie, le Tchad sont dans le viseur. Hors d’Afrique, on cite l’Iran, la Syrie, le Yemen, la Corée du Nord, l’Irak et le Vénézuela. Sur le plan de la délivrance des « cartes vertes » par la loterie communément appelé « DV lotery », le quota risque d’être revu à la baisse.
Élection de Trump quel sort pour les échanges commerciaux avec les pays africains ?

Par Jean-Cornelis Nlandu
L’élection présidentielle américaine a suscité un vif intérêt à l’échelle mondiale, et l’Afrique n’a pas été en reste. Avec la victoire de Donald Trump annoncée le 6 novembre, il y a lieu de se poser des questions sur la politique américaine qu’adoptera le nouveau locataire de la Maison blanche sur les pays africains.
D’emblée il faut reconnaître que le continent a été absent des débats de la présidentielle américaine. Sous l’administration précédente, les États-Unis ont vu leur influence en Afrique, particulièrement dans la région du Sahel, baisser clairement au profit d’autres puissances dont la Russie et la Chine. Des pays comme le Niger et le Tchad sont alles plus loin, jusqu’à préparer l’expulsion des troupes américaines stationnées sur leur sol depuis des années.
Pour sa part, Washington a récemment tenté de pallier à cette désaffection en consolidant sa présence, promettant des infrastructures au Bénin et négociant le stationnement de ses troupes au Tchad.
On ne peut pas affirmer que le retour de Trump soit de bonne augure. Déjà lors de son premier mandat, il n’a montré aucun intérêt pour l’Afrique, avec son credo « Make America great again » par rapport à nos « pays de merde », tel qu’il a osé l’affirmer. Aussi, certains experts prévoient le durcissement d’une approche plus isolationniste.
Historiquement, Trump a exprimé des opinions critiques sur l’aide aux pays africains, pour cause de ne pas partager les valeurs américaines.
Les échanges commerciaux entre les États-Unis et l’Afrique ont déjà connu une forte baisse, chutant de 100 milliards de dollars à 41 milliards entre 2008 et 2018. Les investissements privés américains en Afrique ont également diminué, ce qui soulève des inquiétudes quant à l’engagement futur des États-Unis sur le continent.
La nomination d’Elon Musk pour réduire un déficit budgétaire gigantesque

L’administration Biden pouvait se targuer d’un bilan appréciable, avec 547 accords passés en 2023 pour une valeur totale de 14,2 milliards de dollars en nouveaux échanges commerciaux et investissements bilatéraux avec des pays africains, dans le cadre de l’African Growth and Opportunity Act (AGOA) conclu en 2000 par l’administration Clinton, soit une augmentation de 60% par rapport à 2022. Une situation que Trump devra néanmoins prolonger, mais rien n’est sûr qu’elle le soit à son expiration en 2025, plusieurs pays africains ayant été exclus pour non non-respect des conditionnalités américaines, comme l’Éthiopie pour la guerre au Tigré ou encore l’Ouganda pour sa loi anti-LGBTQ+ condamnant l’homosexualité, ou encore le Niger, la Centrafrique et le Gabon.
Un signe qui ne trompe pas, Trump vient de nommer le milliardaire mégalo Elon Musk, patron de X, Tesla, Space X ou encore StarlinK et soutien numéro un de sa campagne, à la tête du nouveau département de « L’Efficacité gouvernementale ». L’objectif est de l’aider à réduire, alors de façon drastique, le gigantesque déficit budgétaire américain, chiffré à 257 milliards de dollars en octobre 2024, soit une hausse de 287% par rapport à octobre 2023.
Mais il est sûr que l’architecture de la politique commerciale de la Maison blanche va se construire autour de sa rivalité avec la Chine. Ainsi, Trump devra démontrer de vrais talents d’équilibriste entre ses ambitions de réaliser des économies, la nécessité d’approvisionnement en matières premières stratégiques et les velléités de contrer l’influence grandissante de la Chine en Afrique.
Ils nous ont également livré leurs avis
Onésha Afrika a également interrogé un journaliste et un universitaire de Bruxelles, afin de recueillir leurs réactions sur le retour fracassant de Donald Trump. Des avis partagés.
Pour M. PAT PATOMA, journaliste vedette à Radio Air libre, le retour de Trump à la Maison Blanche ne bouleverserait rien, mais clarifierait la politique américaine en Afrique, dont les grandes lignes, selon lui, ont été précisées par les autorités militaires de l’US-Africom en mars 2024.
« L’essentiel de la politique américaine sera encore basée sur les échanges en matière de sécurité, pour aider à la stabilisation des gouvernements à tendance démocratique à contrer la poussée de la présence russe et à résister tant bien que mal aux offres de la Chine pour leurs besoins colossaux en infrastructures et ainsi garantir son accès aux ressources définies comme essentielles à la sécurité nationale américaine, entre autres le chrome, le cobalt, le manganèse et le colombo-tantale », dit Pat Patoma.
Il croit savoir que « quelques pays maintiendront leur place de choix comme siège des opérations de sécurité américaine en Afrique : la Somalie, Djibouti, le Kenya, la Tanzanie, et depuis peu l’Angola et le Botswana ». La RDC n’en fait pas partie, explique-t-il tout en faisant remarquer que ce pays dispose de ressources essentielles sur lesquelles lorgne le pays de l’Oncle Sam. Or, la politique américaine dans les Grands Lacs est bien établie : pas de solution militaire, mais si nécessaire imposer une solution diplomatique, en passant par le renforcement de la confiance entre les pays concernés, selon l’administration américaine. Pat Patoma est d’avis que tous les acteurs autour de la crise de l’Est de la RDC sont des alliés primordiaux des Américains et partagent cette vision : Kenya, Rwanda, Ouganda, et surtout l’Angola qui a décidé d’accroître les relations sécuritaires avec les USA. Pour lui, Donald Trump tâchera d’y maintenir l’influence américaine, et ce de manière plus affirmée ».
« Le protectionnisme risque de produire des effets négatifs pour le continent »
Quant à M. FREDDY FISTON MAYELE, un universitaire spécialiste en Banque et Assurances, la recente élection de Donald Trump a été ressentie tel un ouragan qui a balayé toute la planète, de l’hémisphère nord au sud.
« Sur la question qui turlupine les conversations dans les chancelleries, à savoir l’impact qu’aura le retour de Trump à la tête de l’administration américaine, de nombreux observateurs avisés s’accordent à reconnaître qu’il aura un effet boule de neige dans plusieurs domaines, économique, politique, sécuritaire, géostratégique et politique », estime-t-il.
Au plan économique, son domaine de prédilection, Fiston Mayele est convaincu que « pour le continent africain, les promesses faites par le candidat Trump à ses électeurs, entre autres sur le protectionnisme américain, risquent d’entraîner un impact négatif sur les économies africaines de par le caractère extraverti de celles-ci ». Pour preuve, précise-t-il, Trump promet par exemple « une augmentation des droits des douanes sur les produits en provenance d’Afrique ». Une initiative qui, selon Fiston Mayele, pourrait occasionner une chute des balances commerciales africaines.

