Les populations du Nord-Kivu et du Sud-Kivu, sous occupation des rebelles du M23 soutenu par le Rwanda, s’expriment. Les cris étouffés d’une population abandonnée qui s’inquiète et cherche désespéramment où sont les vrais patriotes pour tirer la nation d’un chaos qui s’installe. Massacres, pillages et stratégies de terreur s’enchaînent sans répit dans l’Est de la RDC malgré tous les efforts de paix.
« La réduction brutale des populations civiles apparaît comme une composante clé d’un vaste projet de balkanisation. Une entreprise cynique, dénoncée depuis des années, mais toujours en cours ». Un habitant de Goma dénonce sous anonymat une « prédation organisée » des États complices du chaos qui alimentent l’instabilité pour mieux piller les minerais stratégiques du pays. Ce sont les populations de l’Est qui paient le tribut depuis près de 30 ans.
Le Rwanda est pointé du doigt. Selon plusieurs rapports, des stratégies d’épuration ethnique ont été sournoisement mises en œuvre pour soutenir un plan d’occupation territoriale. Dans le territoire de Rutshuru, des ONG de défense des droits humains rapportent plusieurs centaines de morts. Face à cette hécatombe, les États-Unis ont convoqué un Conseil de sécurité spécial à l’ONU. Avec quel résultat ?
L’accord de paix signé à Washington par les gouvernements rwandais et congolais comme la déclaration de principes paraphée par la rébellion du M23/AFC tardent à apporter des résultats palpables sur le terrain. Les populations congolaises continuent de subir des graves atrocités, notamment au Nord-Kivu et au Sud-Kivu. Le mouvement rebelle soutenu par Kigali tient de main de fer ces pans de territoire conquis et y a installé une administration parallèle, jusqu’à bouleverser l’ordre du pouvoir coutumier ancestral.
Les victimes réduites au silence par la puissance de la baïonnette ne cessent de se plaindre sur la qualité du leadership ainsi que le patriotisme dans le chef des Congolais en général et des dirigeants en particulier. Le M23 est en train de refonder l’ordre antérieur sur fond d’une cruauté sans précédent. Une domination qui risque de déboucher sur une nouvelle société et d’inverser les valeurs culturelles et existentielles.
« Les populations dénoncent l’absence de leadership face à l’agression »
« J’ai été sidéré d’entendre un ancien ministre national et candidat aux dernières législatives dans la circonscription de Beni au Nord-Kivu tenir un discours contre une nation qui lui a tout donné. Pourtant originaire de la Province qui souffre dans son âme, il a porté sans rire la voix de la machine criminelle qui fait couler le sang de ses propres frères, devant les caméras du monde ». Ce désormais « afande » (titre de commandant des troupes dans les rébellions FPR) des troupes du M23 affirmait, lors d’un meeting rebelle à Lubero qu’il conduirait lui-même « une offensive sanglante pour prendre les villes de Butembo-Beni jusqu’à Bunia ». Il n’aura pas fait exception, les exemples de ces pantins congolais sont légion depuis la première rébellion de la longue série qui endeuille la RDC depuis 1996.
Au Sud-Kivu, on a aperçu un ancien gouverneur aux côtés du directoire de la rébellion. « Des leaders sur lesquels on pouvait compter sont ceux qui s’affichent en première ligne recherchant à tout prix le pouvoir au mépris des principes démocratiques qu’ils ont chantés hier. Le pouvoir est plus précieux pour eux que la vie des citoyens ». Le jeune de Bukavu qui l’affirme sous anonymat estime que la nation et sa souveraineté sont reléguées au second plan, au profit d’intérêts privés.
À Kinshasa, on semble taxer l’ensemble des ressortissants des zones occupées de complicité. Des documents de voyage sont frappés de restriction. Selon la position occupée, on s’expose à divers traitements dans les zones sous administration légale. Ainsi, un point focal de Journalistes en danger (JED) et ancien directeur provincial de la Radiotélévision nationale au Nord-Kivu serait détenu dans la capitale alors qu’il pensait y trouver refuge. Par ailleurs, les populations restent encore victimes d’un système bancaire bloqué, sans justification. Des agents de l’État en fuite à Kinshasa éprouvent d’énormes difficultés, leurs dossiers ne trouvant jamais d’issue favorable.
Entre méfiance et résignation en attendant des actes forts du gouvernement central
« On ne peut plus rien faire. Tout est taxé. Ils cherchent l’argent partout. Ils continuent à tuer et à piller », chuchote une femme dans les rues de Birere à Goma transformées en marché. Les revendeurs de boissons sont obligés de recourir aux trafiquants rwandais, qui circulent librement sur les territoires congolais sous contrôle du M23 en train d’écouler des caisses de boissons.
La taxe d’assainissement a aussi grimpé : 2 USD sont exigés à chaque ménage pour l’évacuation des déchets. Les anciennes entreprises opérant dans ce secteur ont été sommées de fermer, laissant le monopole aux seules personnes ayant les faveurs de Kigali, qui réalisent des fortunes sur le dos des populations locales. Un autre fait insolite, le marché juteux de la commercialisation des cercueils face au nombre des Congolais tués. Un fabriquant des cercueils s’est plaint devant la presse que ce secteur est depuis soumis à une surtaxation insupportable. Aussi, le marché devient plus intéressant de l’autre côté de la frontière.
De son côté, l’armée numérique des occupants allègue que la courbe des décès décroît visiblement, nonobstant les nombreuses alertes des ONG telle Human Rights Watch. Une façon de cracher sur les morts des Congolais. Dans cette activité débordante du soft power, des officines des rebelles servent de relais aux fake news. « Ils disent s’attaquer à Félix qui se trouve à Kinshasa mais massacrent au Nord-Kivu et au Sud-Kivu », lâche un activiste pro-démocratie qui alerte sur le nettoyage ethnique.
Pour lui, « tous ces massacres sont perpétrés pour faire de la place aux pseudo-réfugiés congolais en exil au Rwanda, dont le rapatriement est programmé dans l’agenda caché du M23 ». La question des réfugiés gêne et le M23 prend malicieusement une longueur d’avance. Il n’est plus un secret pour personne, dans toutes les phases du processus de balkanisation de la RDC, l’infiltration joue un rôle important. Pire, la rébellion s’emploie à falsifier l’histoire en s’attaquant aux structures profondes des communautés locales, installant des chefs coutumiers tel à Nyiragongo ou Lubero, à l’encontre des rituels traditionnels.
La patience des populations à rude épreuve

En outre, la population est sidérée face aux luttes au sein de la classe politique pour des postes, alors que les énergies devaient se mutualiser autour de l’urgence sécuritaire. De même, l’armée affaiblie au front constitue un véritable talon d’Achille, l’infiltration ayant provoqué une grave érosion des capacités d’action. Le Président de la république qui s’est engagé à désinfecter les Fardc s’est heurté à une campagne de diabolisation l’accusant de chasse aux officiers swahiliphones.
De l’autre côté, les partenaires militaires de Kinshasa adoptent une posture controversée dans la région orientale. Au nord, la collaboration entre FARDC et UPDF dans l’opération conjointe Shujaa révèle des enjeux géostratégiques autour des ressources minières. La récente déclaration du chef d’état-major de l’armée ougandaise jette une lumière crue sur des ambitions régionales. Au sud, des arrangements discrets entre l’armée burundaise et les rebelles du M23/AFC, notamment autour d’échanges de prisonniers, suscitent des inquiétudes.
La démarche de normalisation des relations entre le Burundi et le Rwanda, illustrée par un pacte de non-agression entre les forces RDF et UPDF, renforce les soupçons de convergence stratégique. L’Ouganda a rouvert son poste frontière avec les rebelles à Bunagana, au cours d’une cérémonie solennelle des officiels ougandais dont les vidéos ont été virales. Le démenti du consul ougandais en poste à Beni accusant les réseaux sociaux n’a pas réussi à convaincre.
La complexité du conflit fait penser à une dynamique régionale fluide, où les intérêts économiques, sécuritaires et politiques s’entrelacent dangereusement. La Monusco a évoqué des liens opérationnels entre les ADF/MTM et le M23/AFC, renforçant l’hypothèse d’une coordination entre groupes armés.
Si rien n’est fait, les forces occultes auront réussi leur dessein de balkanisation. Leurs discours, leurs projets et la multiplication des stratégies de diversions sont éloquents. La population reste rivée sur les négociations internationales initiées par chef de l’État pour un retour définitif de la paix. Pour elle, Washington et Doha demeurent le dernier espoir.