Le 27 juin 2025, le gouvernement de la République démocratique du Congo a signé, sous la médiation américaine, une Déclaration de principes visant à mettre fin au conflit avec le Rwanda, qui soutient la rébellion du M23. Dans la même foulée est intervenue, le week-end du 19 juillet 2025 à Doha, la signature d’autre texte par lequel la délégation de Kinshasa et les représentants du M23/AFC se sont engagés dans un esprit de compromis à cesser les hostilités et parvenir à un accord de paix durable.
Après les actes de Washington et Doha, aboutissement logique des efforts inlassables dont les bases ont été jetées à Luanda et à Nairobi, quelle est la situation sur le terrain ? Quelle est l’appréciation des populations soumises à l’administration parallèle des rebelles ? Il va sans mot dire que la partie congolaise n’a ménagé aucun effort pour parvenir à un quelconque accord pouvant pacifier la partie orientale de son territoire sous menace de plusieurs guerres d’une violence rare depuis bientôt trois décennies.
Sur le front diplomatique, le gouvernement congolais s’y emploie d’arrache-pied sous l’égide de la légendaire ministre d’État Thérèse Kayikwamba Wagner. Le commandant suprême des FARDC n’a pas non plus reculé dans sa vision de la montée en puissance de ses troupes. La prise en charge des opérations et la revalorisation de la solde des militaires ont été placées au cœur de la politique de défense. Sa mission traditionnelle, la protection des frontières qui garantit la souveraineté d’un État, qui est non négociable.
Tout ceci n’a pas empêché le chef de l’État Félix Tshisekedi de donner la chance à la paix à travers un engagement solennellement de résoudre le conflit par la voie pacifique sans exclure tout cas de figure en cas de force majeure. L’on peut insinuer que la RDC se sent prête sur tous les fronts. Comme le déclare son Président, « le dialogue n’est pas une faiblesse ». La RDC s’est alignée sur la philosophique de résolution pacifique défendue ardemment dans la sous-région ainsi que dans le concert des Nations en vue d’éviter la régionalisation du conflit.
Dans ce contexte, le Kinshasa a répondu présente à toutes les étapes de la recherche de la solution à la crise tant au niveau sous régional qu’international. Même lorsque son interlocuteur lui faisait faux bond ! Les présidents de deux pays sont également attendus à Washington en vue d’un accord définitif.
Controverse autour de l’interprétation de la Déclarations de principes signée à Doha

Des sorties médiatiques nourries ont immédiatement accompagné l’épisode de Doha. Du côté de Kinshasa comme celui des rebelles ainsi que d’autres intervenants, des interprétations diverses ont inondé les médias à propos des clauses de la Déclaration de principes signée sous la médiation du gouvernement qatari.
Le porte-parole du gouvernement congolais s’est appesanti sur le retrait des troupes rebelles et la réhabilitation de l’autorité de l’État. « Ces principes non négociables » auraient été logiquement défendus depuis le début lors de toutes les discussions sur la paix dans l’Est de la RDC à en croire le ministre congolais de la Communication et médias Patrick Muyaya. Celui-ci a expliqué devant les caméras que « le document se base le respect strict de la Constitution de la RDC, des chartes des Nations Unies et de l’Union africaine, du droit international et des résolutions du Conseil de sécurité, notamment la résolution 2773, en conformité avec l’accord de Washington ».
Pour le secrétaire général adjoint aux opérations de paix de l’ONU, « le retrait des troupes du M23 longtemps réclamé par Kinshasa n’est plus à l’ordre du jour ». Selon ses allégations, il insiste que « la Monusco peut encore jouer un rôle y compris sur les zones où sont présents les rebelles du M23 ». On peut lire à travers ce propos un appétit de repositionnement de la Monusco à vouloir se maintenir en dépit des multiples contestations populaires. Depuis son implantation en RDC, la mission des Nations Unies n’a jamais présenté un bilan convaincant, nonobstant ses changements de stratégies à l’instar du fameux chapitre 7. Il sied de rappeler que peu avant la chute de Goma, les casques bleus de la Monusco avaient lancé l’opération Springbok vite muée en éléphant blanc. Cela lui a encore valu des critiques acerbes alors qu’elle participait activement à la compilation des renseignements dans la centrale de commandement des opérations basée à l’aéroport International de Goma.
Polémiques après l’escalade verbale du porte-parole militaire de la rébellion

Pour la partie rebelle, il n’est pas question de retrait des troupes. « L’autorité de l’État est mieux définie dans la zone sous l’AFC », selon les dires de Lawrence Kanyuka, porte-parole militaire du M23. Cette position a rapidement été soutenue par l’armée numérique du M23, vilipendant sans raison le gouvernement congolais. Dans son point de presse, il accuse Kinshasa de faire l’hypocrite alors qu’il prépare la guerre.
Peut-on s’attendre à des avancées sur le terrain ? « C’est une lueur d’espoir. La mention du cessez-le-feu dans cette Déclaration de principes apaise les esprits des habitants. Nous attendons la fin concrète de la guerre », a confié un habitant de Goma. Dans cette ville touristique où est basé le directoire du mouvement rebelle, comme à Bukavu, les habitants sont confrontés à une souffrance extrême. Le circuit bancaire reste toujours bloqué. « Nous avons plus besoin de vie que de politique. L’ouverture des banques d’abord, nous avons besoin de vivre », confie un jeune de Bukavu.
Par ailleurs, l’appareil sécuritaire des rebelles continue d’user des méthodes de brutalité sur les populations. Certes, le gouverneur parallèle du M23/AFC au Nord-Kivu a annoncé le 19 juillet l’ouverture de la prison centrale de Munzenze. Jusque-là, tout fonctionnait sans administration pénitentiaire. Les personnes arrêtées arbitrairement étaient conduits vers des destinations inconnues et étaient souvent portées disparues.
« On est en train de dialoguer mais le M23 continue à recruter et à forcer les jeunes à rejoindre ses rangs », se lamente un activiste de Goma. « Sur le terrain, rien n’a changé, le discours du mouvement est resté le même. La question sur le retrait des troupes dérange quelque part », selon ce jeune rencontré sur les rues de Virunga, un quartier populaire de la ville de Goma.
Des rassemblements de sensibilisation et des campagnes se poursuivent. Des recrutements forcés aussi. Au quartier Mabanga, à Goma, l’on a reporté des cas d’enlèvements, probablement pour un recrutement forcé. Un autre habitant de Bukavu a peur que les parties soient incapables de trouver un compromis, à considérer la situation sur le terrain. Selon lui, « les rebelles continuent à maintenir la pression sur Uvira au Sud-Kivu ».
Des rumeurs sur un probable fédéralisme
« Nous avons peur de perdre notre identité. Nous sommes dans un « pseudo-État » qui combat notre État, la Nation congolaise. Le Rwanda qui niait sa participation commence à s’afficher. Une manière d’endosser sa responsabilité », s’indigne un habitant de Bukavu qui ajoute : « Il y aurait des rumeurs selon lesquelles le M23 aurait réclamé la gestion du Nord et du Sud-Kivu pendant 8 ans. Il n’y a pas de fumée sans feu, dit-on ».
La désinformation sur les réseaux sociaux est devenue un instrument de mesure du niveau de manipulation des populations par les nouveaux occupants. Ces intox savamment concoctés n’ont pour objectif que de préparer l’opinion. Le champ de bataille est devenu « multi-front ».
Dès sa prise de fonction y a bientôt six ans, Félix Tshisekedi a toujours exprimé sa volonté à donner une réponse définitive à la crise à l’Est. Cette tâche est sans doute difficile et nécessite la participation de tous. Le chef de l’État congolais demeure favorable à toute initiative de paix. L’engagement des parties à l’appliquer les accords donneront plus de clarté sur le destin de nombreux Congolais résidant dans les zones en crise.