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Hilde Vautmans : « Les Congolais à Kinshasa sont d’avis que les sanctions européennes ont fait la grande différence et ont ouvert des portes »

Le Président Tshisekedi et le groupe des députés européens à l’issue de leurs entretiens

Une importante délégation des députés européens vient de séjourner en République démocratique du Congo, après les sanctions sévères infligées par Bruxelles au Rwanda, un pays qui agresse la RDC de manière récurrente depuis 30 ans derrière des groupes armés pour des raisons économiques. Onésha Africa, à l’affût de l’actualité, a rencontré le lundi 23 juin à Bruxelles, au Parlement européen, Mme Hilde Vautmans, coprésidente de la délégation Europe-Afrique, qui a conduit le groupe de eurodéputés à Kinshasa

Onésha Afrika : On vous a vue en République démocratique du Congo où vous êtes arrivée le 27 mai à la tête d’une délégation des députés européens. Quel a été l’objet de votre séjour ?

Hilde Vautmans : « J’ai présidé une mission avec 12 députés européens de différents pays et de différents partis. Vous savez, dès l’aggravation du conflit en RDC, nous avons voté deux résolutions très fortes au Parlement européen contre le Rwanda. Aussi, nous avons voulu nous rendre sur place pour parler avec la classe politique, la population, l’opposition et surtout transmettre un message clair, à savoir que l’Europe est à vos côtés.
L’Union européenne est un partenaire fiable et sur place, je voulais parler des différents défis auxquels le Congo fait face. Premièrement bien sûr, on voulait parler de l’agression du Rwanda dans l’Est du Congo, du Mémorandum of Understanding sur les minéraux qu’on a conclu avec le Congo mais aussi avec le Rwanda, dont nous avons demandé la suspension. On voulait aussi parler de la violence faite aux femmes. Je connais bien le docteur Mukwege qui soigne les femmes victimes de violences et que nous avons souvent reçu à la Commission européenne. Je voulais voir comment on peut aider les femmes violées et parler de la situation humanitaire catastrophique.

L’eurodéputée Hilde Vautmans, avec la Première Dame de la RDC, Mme Denise Nyakeru Tshisekedi

À Kinshasa, nous avons été reçus pendant longtemps en bilatéral par le Président Félix Tshisekedi, nous avons discuté avec des ministres, l’opposition et même la femme du président. Nous avons effectué plusieurs visites, qui nous ont permis de parler avec la population, notamment à l’hôpital Panzi à Kinshasa, à l’école du député fédéral belge Pierre Kompany, à l’hôpital Renaissance, une impressionnante infrastructure rénovée. Autant de contacts qui me donnent l’énergie, la connaissance aussi, pour continuer à me battre pour de bonnes relations entre l’Europe et l’Afrique ».
À la question de savoir ce qui reste à entreprendre pour une paix véritable en RDC, après la résolution de Strasbourg qu’elle a personnellement initiée et qui a permis à la Commission européenne de sanctionner le Rwanda qui agresse la RDC derrière le M23, Mme Vautmans pointe les différentes initiatives en cours. « Maintenant, on voit très bien qu’il y a plusieurs discussions pour arriver à une paix. Les yeux sont surtout tournés vers Washington. Pour moi, il faut activer l’accord Addis Abeba, avec ses nombreux partenaires, plusieurs pays intéressés et aussi les sociétés civiles à mettre autour de la table. Car le conflit ne concerne pas seulement la RDC et le Rwanda. D’autres pays sont aussi impliqués.

Voir comment l’Europe peut aider, avec la fin des activités de l’USAID

C’est la richesse qui est à l’origine de cette guerre qui dure depuis 30 ans. On doit en parler sous différents angles. On doit parler de l’impunité, car on ne peut pas arriver à une paix durable quand ceux qui ont commis les violences restent impunis. C’est depuis 15 ans que le rapport Mapping existe, qui identifie nommément des criminels. Les agresseurs doivent être punis. Mais il faut aussi parler avec le Rwanda, l’Ouganda et le Burundi, comme avec la Chine. L’Europe, pour moi, doit y jouer un rôle beaucoup plus intense. Des résolutions ont été votées, mais elles doivent être suivies d’effets.
Le message que les Congolais m’ont donné pendant notre visite de travail en RDC, c’est que la résolution votée à Strasbourg, suivie des sanctions, a fait la grande différence et a ouvert des portes. Le Rwanda a commencé à bouger, m’a-t-on dit là-bas. Maintenant il faut voir s’il ne faut pas élargir les sanctions, identifier plus de personnes, plus de sociétés, que les sanctions soient appliquées et que les responsables des atrocités soient traduits en justice. Pour moi c’est crucial.
Nous avons effectué le débriefing de notre voyage il y a une semaine à Strasbourg et envisagé un suivi. Nous avons discuté de la situation humanitaire, au sujet de laquelle je suis très inquiète après la suspension de l’aide de l’USAID. Ça risque de coûter des vies humaines, car l’impact de l’USAID est énorme en RDC. Nous devons maintenant voir ce que l’Europe peut faire en faveur des enfants, pour les malades, le VIH et la malaria notamment et sauver des vies. Je ne veux pas que les gens meurent parce que Donald Trump a décidé que l’USAID arrête ses activités. C’est même criminel.
Par ailleurs, en dehors des résolutions pour lesquelles on doit s’assurer qu’elles sont exécutées, il faut également voir comment aider les femmes victimes de violences sexuelles. A ce sujet, l’hôpital Panzi fait un excellent travail et il faut voir comment nous pouvons contribuer. Il y a aussi le mémorandum sur les minéraux, avec la suspension préconisée pour le Rwanda. Mais il faut voir aussi comment appliquer la feuille de route pour le Congo afin d’assurer la transparence.

Une autre mission du Parlement européen à Kinshasa en octobre

Troisièmement, il faut penser à la situation humanitaire. À mon avis, il faut peut-être convoquer une conférence internationale avec l’Europe et tous les pays concernés dans l’Accord d’Addis Abeba, dans la perspective d’une paix durable. Je peux déjà vous annoncer qu’au mois d’octobre, une autre émission du Parlement européen se rendra en RDC, à laquelle je prendrai part. Il sera surtout question de coopération, du développement et de la situation humanitaire. À cet effet, j’ai déjà eu un entretien avec la vice-présidente de la Commission européenne et Haute représentante de l’Union pour les Affaires étrangères et la Politique de sécurité, Mme Kaja Kallas, comme avec la commissaire à l’Action humanitaire Hadja Labib. Je compte également rencontrer les commissaires Stéphane Séjourné, chargé de la Prospérité et de la Stratégie industrielle, et Jozef Sikela des Partenariats internationaux afin de discuter avec eux de l’accord sur les minéraux. Je promets au peuple congolais d’y veiller, car cela fait quand même 30 ans que durent les violences en RDC et il faut y mettre un terme.
Quant à l’accord entre la RDC et le Rwanda sous l’égide des États-Unis, je crois qu’il faut encourager toute action qui peut concourir à mettre fin aux atrocités dans l’est du Congo et à amener à la paix. Mais à mon avis, Washington ne constitue qu’une partie de la solution. Je ne pense pas qu’avec l’accord qui est négocié, tout va être résolu : ni le M23 ni l’opposition ne sont autour de la table, j’ai lu le texte posté et beaucoup de questions ne sont pas résolues. C’est un début, mais on doit continuer. Et c’est là que l’Europe peut jouer un rôle plus fort. Pour moi, honnêtement, l’Europe et l’Afrique ont besoin l’une de l’autre. C’est très clair. Quand on considère d’un côté les États-Unis, de l’autre Poutine et la Chine, l’Europe et l’Afrique sont entre les deux. À deux, on est très fort ».
À une question sur le contenu de l’Accord de Washington, Mme Hilde Vautmans a fait savoir que l’Europe n’a pas plus d’infos que ce qu’on lit dans la presse. « Mais le texte sera bien publié un jour et j’espère bien sûr que le Parlement et le Sénat congolais pourront jouer leur rôle de contrôle ».

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