
(Photo : Nigel Sibanda/The Citizen)
Ils fuient une terre qui fut autrefois leur Eldorado. Depuis plusieurs mois, un nombre croissant d’Afrikaners blancs quittent l’Afrique du Sud, invoquant des menaces, des expropriations et une insécurité croissante, pour demander l’asile… aux États-Unis.
Le mouvement migratoire, récemment mis en lumière par une décision controversée de Washington d’accorder le statut de réfugié aux Afrikaners, ouvre une nouvelle page dans l’histoire déjà complexe de l’Afrique du Sud post-apartheid.
Ce sont des familles blanches, souvent issues de milieux agricoles, qui affirment être victimes de violences ciblées, notamment dans les campagnes. Selon leurs déclarations, les réformes foncières envisagées par Pretoria et les tensions raciales croissantes les placeraient dans une situation de persécution. Un argument que l’administration Trump, dans un geste inédit, a décidé de reconnaître en leur offrant le statut de réfugié.
La décision des États-Unis n’est pas passée inaperçue. En Afrique du Sud, elle a été reçue comme une gifle diplomatique. Plusieurs analystes et responsables sud-africains dénoncent une instrumentalisation politique du discours de la persécution, rappelant que la majorité des victimes de la violence en zone rurale restent les Sud-Africains noirs.
Des historiens et chercheurs s’interrogent aussi : comment peut-on assimiler à des « réfugiés » ceux qui, historiquement, ont bénéficié du système d’apartheid, au détriment de la majorité noire du pays ?
Entre mémoire, pouvoir et réalités actuelles

(Source : thedailyguardian.com)
Cette controverse remet en lumière la difficulté de l’Afrique du Sud de se libérer complètement de ses vieux démons. Si les politiques de redistribution des terres sont nécessaires pour réparer les injustices historiques, leur mise en œuvre sans vision claire ni garanties de sécurité alimente les tensions, de leur côté, les Afrikaners qui quittent le pays affirment que leur départ n’est pas un abandon définitif mais plutôt une mise en congé temporaire, convaincus qu’un jour, ils reviendront. « We’ll be back », assurent-ils.
Ce phénomène révèle, au-delà de la question raciale, une crise de confiance dans les institutions, les politiques publiques et l’avenir du pays. L’Afrique du Sud, longtemps présentée comme un exemple de réconciliation post-conflit, se retrouve confrontée à son passé, dans un contexte mondial où les récits de persécution sont aussi devenus des armes politiques.
Échanges musclés à la Maison Blanche, mais pas de débordements entre Donald Trump et Cyril Ramaphosa

C’était une rencontre très attendue, avec une certaine inquiétude étant donné les relations notoirement difficiles entre l’Afrique du Sud et les États-Unis depuis le retour de Donald Trump à la Maison Blanche.
Le président américain a reçu le 21 mai son homologue sud-africain Cyril Ramaphosa dans le Bureau ovale. Le président sud-africain a assuré que cette entrevue s’est « très bien » passée et dit s’attendre à ce que Donald Trump assiste au G20 qui aura lieu à Johannesburg en novembre.
Devant les médias, l’échange est resté courtois même si la tension était palpable. Mais jamais les choses n’ont dérapé comme cela avait été le cas lors de la réception de Volodymyr Zelensky en février 2025.
Et pourtant, la Maison Blanche avait préparé son affaire, puisque après les politesses d’usage, Donald Trump a fait diffuser des images de réunions publiques en Afrique du sud où des leaders politiques appellent à tuer des Blancs, et d’autres d’alignement de croix dont Donald Trump a dit qu’elles étaient les sépultures de fermiers blancs.
« Il y a beaucoup de gens qui se sentent persécutés et qui viennent aux États-Unis, a assuré Donald Trump. Nous en prenons à de nombreux endroits si nous avons le sentiment qu’il y a persécution ou génocide. Nous avons beaucoup de personnes, je dois vous le dire, Monsieur le président, en général des fermiers blancs et ils fuient l’Afrique du Sud ».
Cyril Ramaphosa, a expliqué que les mouvements politiques représentés dans ces vidéos ne font pas partie de sa coalition et que ce n’est pas la politique de l’Afrique du Sud que de mettre en place ces appels à la haine. Il assure qu’il n’y a pas d’expropriation de terres agricoles sans compensation. Enfin, lui et sa délégation ont expliqué à Donald Trump que le pays fait face à un problème de criminalité qui touche certes les fermiers blancs, mais qui est général et coûte encore plus de vies à la population noire. Il a sollicité l’aide des États-Unis pour lutter contre cette criminalité endémique par des moyens technologiques et économiques à travers un partenariat renouvelé.
Une délégation sud-africaine savamment composée

Cyril Ramaphosa est venu accompagné d’une délégation très diverse, notamment par la couleur de la peau. Avec en particulier son ministre de l’Agriculture, John Steenhuisen qui, comme son nom l’indique, est un Afrikaner, la minorité soi-disant persécutée dans le pays selon l’administration américaine. Il a défendu la politique agricole sud-africaine. « Il faudrait que le président Trump écoute des Sud-africains dont certains sont de bons amis à lui, comme ceux qui sont ici. Je dirais que s’il y avait un génocide des fermiers afrikaners, je vous parie que ces messieurs ne seraient pas ici », a déclaré Cyril Ramaphosa.
Et puis le président sud-africain a su prendre son homologue par les sentiments en faisant appel à sa passion du golf avec, dans sa délégation, deux grands joueurs sud-africains, Ernie Els et Retief Goosen, ce qui a eu le don d’amadouer Donald Trump et de permettre que la rencontre se termine civilement.
Pour rappel, l’arrivée le 12 mai d’environ 50 membres de la minorité afrikaner, après que Donald Trump les a appelés à quitter leur pays et à trouver refuge aux États-Unis, a été très mal reçue à Pretoria.
Le président américain affirme, sans preuves tangibles, que les Blancs sont victimes d’un « génocide » en Afrique du Sud, le pays de l’ancien régime de l’apartheid. Il menace de snober le premier sommet du G20 sur le continent africain en novembre à Johannesburg et a fait expulser l’ambassadeur sud-africain à Washington en mars. Les États-Unis sont le deuxième partenaire commercial de Pretoria derrière la Chine.