
Depuis sa résurgence fin 2021, le M23 soutenu par le Rwanda poursuit ses hostilités dans l’Est de la RDC avec une incroyable violence. Les rebelles, soutenus en troupes et en matériel par le Rwanda voisin, gagnent de l’espace principalement dans les provinces du Nord-Kivu et du Sud-Kivu, avec son lot de carnages.
La chute de Goma le 26 janvier 2025, suivie de l’ouverture d’un nouveau front vers le Sud-Kivu ayant débouché sur la prise de Bukavu le 14 février 2025, a amplifié le conflit et aggravé la situation sécuritaire. « C’est toute la région qui est menacée », a averti le président burundais Evariste Ndayishimiye qui alertait la Communauté internationale et accusait Kigali de nourrir des appétits expansionnistes dans sa mégalomanie.
Concernant la chute de Goma, alors que les combats s’intensifiaient aux alentours, quelques faits pouvaient prévenir sur sa chute : l’assassinat du gouverneur militaire ainsi que la coupure d’eau et d’électricité par les terroristes. Un mode opératoire conforme à la « stratégie d’encerclement ou de guérilla du FPR », le même qui fut utilisé lors de la prise de Kinshasa en 1997 avec l’AFDL.
Mais pourquoi avoir déclenché d’intenses combats dans une ville de près de deux millions d’habitants et plus de deux campements surpeuplés de réfugiés d’un côté, de l’autre la présence des forces régulières et leurs alliés sans aucune voie de sortie, forçant Fardc et Wazalendo à se battre dos au mur sinon rendre les armes ?
Goma était militairement assiégée par les Forces spéciales RDF et ses supplétifs du M23 depuis la soirée du 26 janvier 2025, pilonant la ville à l’arme lourde.
Dans la matinée du lundi 27 janvier, des soldats d’élite des Forces spéciales rwandaises, lourdement armés et couverts par des drones activés depuis Gisenyi, étaient visibles dans les rues, ouvrant plusieurs fronts mais se heurtant à la résistance farouche de certaines brigades.
L’aéroport international de Goma abritait la plus grande forteresse des FARDC, avec une unité baptisée « Tigre rouge ». Pour les déloger, Kigali a dépêché un nombre envoisinant 10 mille hommes entrés par la Grande Barrière, à en croire le rapport des experts des Nations Unies. Les rescapés des quartiers proches de l’aéroport, également devenus des mouroirs, font état de plusieurs morts des deux côtés ce jour-là.
Des marchands ambulants pris au piège
Une autre attaque s’est déroulée sur l’axe Rond-Point Siniers-Virunga. Ce coin du centre-ville souvent occupé par des marchands ambulants s’est transformé en champ de bataille. C’était le bastion des mercenaires roumains, qui étaient toujours accompagnés des unités snipers des FARDC. Ces jeunes gens ayant rejeté toute idée de se rallier aux rebelles ont farouchement résisté jusqu’à détruire des drones téléguidés depuis les collines surplombant la ville voisine.
Un autre camp militaire des FARDC était érigé sur le Mont Goma, non loin du QG de la 34ème Région militaire et des installations de la RTNC. Le Camp Katindo, un autre campement militaire de la ville n’a pas été du reste. Il abrite l’hôpital militaire, dont la morgue, récemment réhabilitée par la Fondation Denise Nyakeru, est la plus importante de la province. Des échauffourées y ont éclaté avec une brutalité inimaginable.
Le quartier Kituku a aussi connu des affrontements d’une intensité rare. Situé au bord du lac, il est connu pour son marché de petits poissons appelés « sambaza ». C’est aussi le plus important port après le port Bisengimana. Des unités importantes des forces régulières s’y étaient repliées dans l’objectif de trouver un bateau pouvant les évacuer vers Bukavu. Des violents combats s’y sont déroulés contre l’offensive RDF en provenance de Saké, un autre lieu stratégique dans la cartographie des guerres dans la région. Les unités n’ont abdiqué qu’après un manque criant de munitions et un cessez-le-feu négocié par la Monusco déployée dans le cadre des opérations Springbok.
De même, des soldats issus des nombreux fronts et quelques Wazalendo s’étaient regroupés à l’extrême Nord de la ville, sur l’axe Turunga sans une moindre voie de sortie. Là, des tirs à l’arme lourde ont duré trois jours.
De grands moyens pour effacer les traces des massacres

Si le bilan de 7 000 personnes tuées n’a jamais été reconnu par Kigali, l’on sait par contre que d’énormes moyens ont été engagés par les RDF pour effacer les traces du forfait. « Il s’agissait plutôt de 773 morts essentiellement des FARDC et des Wazalendo », a tenté de faire croire le M23.
Des déplacés internes vivant dans les campements érigés en périphérie avaient afflué vers le centre-ville, craignant les bombes des RDF. Le raid sur Goma est malheureusement intervenu pendant que ceux-ci erraient dans les rues.
Et que dire de ces bébés bombardés dans les couveuses de l’hôpital Charité maternelle ? Ou l’incendie criminel de la prison centrale de Munzenze où une centaine des prisonniers ont péri, dont des femmes avec enfants ? Alors que les terroristes ADF responsables de massacres en territoire de Beni et ses environs et incarcérés dans cette prison, prenaient le large.
Pendant les différentes rebellions rwandaises, le modus operandi a toujours coïncidé avec des massacres gratuits. En 2023, on a signalé les massacres de Kishishe en territoire de Rutshuru, pour la conquête des sites des minerais rares. En 1998, à Makobola et Kasiki au Sud-Kivu, des femmes ont été enterrées vivantes. Les agents de la Division du ministère de la Santé du Nord-Kivu affirment avoir inhumé près de 8 500 corps.
Assassinats gratuits des jeunes
Cette fois-ci, des jeunes gens ont été criblés de balles pour non détention d’identité. Dans le camp de Katindo, les corps de 10 jeunes ont été découverts le 22 février 2025 entassés dans une bâtisse inachevée, parmi eux des enfants de moins de 18 ans, pour « refus de recrutement forcé », expliquent leurs proches.
Dans la nuit du 11 mars, une mère et ses huit enfants sont enlevés. Plus grave encore, le bombardement dans la nuit du 26 février par un drone d’un bar vers Ngangi Don-Bosco, un quartier situé au Nord de la ville, tuant plus de 100 personnes innocentes accusées d’être porteuses d’armes.
Par ailleurs, toutes les voix qui tenteraient de s’élever sont tues de force. Delcat Idinco, un artiste musicien révolutionnaire, en a fait les frais. Il a été criblé de balles dans l’après-midi du 13 février 2025.
L’armée rwandaise n’a pas dérogé à son modus operandi. Après la prise de Goma, des véhicules de luxe appartenant à des privés ont été emportés au-delà des frontières. Des maisons d’officiels mais aussi de privés privilégiés ont été saccagées et beaucoup d’autres squattées par les leaders du M23.
Recrutement forcé de 5 000 prisonniers et attaques d’hôpitaux

Au lendemain des affrontements, les troupes régulières ayant résisté dans la ville, avec le soutien des Wazalendo et des mercenaires roumains de Congo Protection, ont fini par déposer les armes.
Abandonnés par leur commandement, les jeunes soldats se sont tournés vers la Monusco et les forces de la SADEC pour espérer trouver secours. Ils ont fini par se rendre au M23 après avoir passé quelques jours dans des cachettes. Le M23 les a ressemblés au Stade de l’Unité de Goma pour ensuite les envoyer au centre de formation de Rumangabo.
Quant aux commandants qui ont déserté le champ de bataille, ils ont été arrêtés et transférés à Kinshasa, où leur procès s’est ouvert le 13 mars 2025.
Par ailleurs, au moins 112 personnes ont été sorties des hôpitaux CBCA Ndosho et emmenées vers une destination inconnue, au motif qu’elles étaient des militaires ou des Wazalendo.
Pillages et arrestations dans les hôpitaux

Peu avant, dans la nuit du 28 février au 1er mars, une opération nocturne similaire s’était déroulée à l’hôpital Heal Africa. Des membres du personnel soignant et des malades ont été embarqués et des coups de feu ont été tirés en plein hôpital.
Le 26 février, plusieurs établissements scolaires ont été attaqués. Pour les « nouvelles autorités de l’administration parallèle » installée par le M23, des militaires et des Wazalendo s’y étaient dissimulés. Certains écoliers ont été emmenés dans des camions du M23.
La rage des militaires rwandais s’est aussi déversée sur la seule école des Techniques modernes de Goma, avec des bancs brisés, les laboratoires pillés. L’École du Cinquantenaire ne payait plus de mine. De même que la tour de contrôle de l’aéroport de Goma, totalement saccagée et rendue inopérante.
À signaler aussi le meurtre dans soirée du jeudi 13 mars d’un jeune homme dont le seul péché était ses tatouages au bras.
Appel pressant de la société civile aux envahisseurs
Après la chute de Bukavu, la société civile de la place, par le truchement de l’archevêque catholique Mgr Maroy Rusengo, avait adressé un mémorandum aux autorités politico-administratives.
« Ce peuple de Dieu de l’archidiocèse de Bukavu vous supplie, avec toutes les autorités tant civiles que militaires au niveau provincial, national et international qui peuvent nous entendre, de lui éviter un autre bain de sang qui ne cprofite à personne humainement parlant », avait imploré le prelat.
Néanmoins, cet appel pressant n’a pas empêché les terroristes du M23 de massacrer à Kavumu des enfants qui avaient ramassé des armes de combattants ayant fui la cité. Sans compter les 17 morts enregistrés lors d’un rassemblement organisé par le M23 à Bukavu où des explosifs largués à l’aveuglette sur des personnes obligées de venir écouter les libérateurs autoproclamés, avaient transformé la scène en champ de guerre.
Sans oublier des cas de tueries ciblées, des enlèvements, dont celui du recteur de l’USK-Bukavu, le professeur Hubert Watongoka Lutala, à son domicile le 11 mars, et les nombreux pillages dont les 7 000 tonnes des denrées du Programme alimentaire mondial. Mais jusqu’à présent, les populations de l’Est restent solidaires et travaillent pour faire échec à l’agression rwandaise.