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Boxe : L’Afrique, terre des champions. Martin Bakole, le nouveau Foreman

Martin Bakole a enregistré sa 20e victoire en carrière (Source : sportnewsafrica.com)

Alors que la République démocratique du Congo s’apprête à célébrer les 50 ans du mythique « Combat du siècle » entre les deux géants de la boxe mondiale Mohammed Ali et George Foreman, le poids lourd congolais Martin Bakole impose sa griffe dans la catégorie reine.

L’Afrique est une terre de champions, dans tous les sports et dans tous les sens du terme. Que ce soit dans le football, avec d’immenses talents comme le Libérien George Weah, les Camerounais Roger Milla ou Samuel Eto’o, l’Ivoirien Didier Drogba, l’athlétisme où l’Afrique survole littéralement le marathon, notamment avec le kenyan Kipchoge, triple médaillé olympique, mais aussi la sprinteuse namibienne Christine Mboma, ou encore dans d’autres domaines comme le basket avec le Congolais Mutombo Dikembe, la galaxie des sportifs africains ne cesse de briller.
Cependant, c’est dans la boxe en particulier que nombre d’Africains ont pu exprimer leur talent et gravir les échelons de la célébrité.

Battling Siki, le pionnier

Vainqueur de l’idole française Georges Carpentier en 1924, le Sénégalais Battling Siki a ouvert la voie, suivi de l’immense champion du monde des poids moyens et des mi-lourds le Nigérian Dick Tiger, battant en terre américaine Gene Fullmer pour le 1er titre, puis José Torres pour le second dans les années 60.
L’émergence de l’Afrique sur les rings mondiaux s’est poursuivie depuis les années 70. On peut citer l’Ougandais Cornelius Boza Edwards, champion du monde des Super-plumes WBC, Corrie Sanders le Sud-africain champion du monde des poids lourds WBO ou encore Azumah Nelson le Ghanéen, surnommé « le professeur » pour son incroyable boxe scientifique, champion du monde WBC des plumes et super plumes. Sans oublier le poids moyen ougandais John « The Beast » Mugabi, qui livra un combat épique contre le plus grand champion du monde des poids moyens « Marvellous » Marvin Hagler.
Les Congolais ne sont pas en reste, avec des grands noms comme Jo Kimpuani, une fois champion d’Afrique, trois fois champion d’Europe, la première fois le 19 mai 1979, et deux fois vice-champion du monde super-legers, ou encore Sumbu Kalambay, champion d’Europe (1987, 1990-92), puis champion du monde poids moyens WBA (1987-89).

Il y a 50 ans : The rumble in the jungle

Il y a maintenant 50 ans à Kinshasa, République du Zaïre, aujourd’hui République démocratique du Congo, se déroulait « le combat du siècle » entre Mohammed Ali, champion à la quête de rédemption qui a abandonné son nom de Cassius Clay depuis sa conversion à l’islam, et le colosse invaincu George Foreman. Combat d’une magnitude incroyable de par son symbolisme, le lieu qui l’accueillait mettant l’Afrique au centre du monde, ensuite par les montants astronomiques des bourses payées par le Maréchal Mobutu – 5 millions de dollars à chaque boxeur – et surtout la mobilisation mondiale qu’il a suscitée. Un milliard de téléspectateurs dans le monde et une floppée d’artistes musiciens internationalement reconnus faisant le spectacle à l’occasion du Festival de musique Zaïre’74, comme James Brown, Myriam Makeba, Sister Sledge ou encore BB King. Sans omettre les vedettes locales, comme Rochereau Tabu Ley, Kiamuangana Mateta, le Showman Gaby Lita Bembo ou Franco Luambo Makiadi.

When we were Kings

Le président zaïrois Mobutu Sese Seko, au centre, lève les bras du champion des poids lourds George Foreman, à gauche, et de Muhammad Ali, à droite, à Kinshasa, au Zaïre, aujourd’hui RDC, le 22 septembre 1974.
(Horst Faas/AP Photo)

Devant 100 000 personnes dans un Stade du 20 Mai plein à craquer cette nuit du mardi 29 au mercredi 30 octobre 1974, Ali envoie au tapis George Foreman, l’incontestable champion du monde qui avait pulvérisé Joe Frazier un an plus tôt.
À l’époque, Foreman est un jeune champion, tandis que Mohammed Ali a perdu son titre 10 ans plus tôt. En se servant du prétexte de la ségrégation raciale aux États-Unis, l’agent sportif Don King parvient à convaincre le président Mobutu d’organiser le combat au Zaïre. Athlètes mais aussi artistes noirs se félicitent alors de rentrer à la maison, dans la mouvance du mouvement Back-to-Africa.
Pour le maréchal Mobutu, c’est l’occasion de donner la preuve que l’Afrique est capable d’accueillir des grands événements. La population zaïroise est toute rangée derrière Mohammed Ali, surtout que George Foreman se fait accompagner d’un berger allemand, qui rappelle le chien si terrifiant du colon belge. Le combat a lieu à 4 heures du matin afin de coller aux heures de grande audience aux États-Unis.
Spécialistes et parieurs donnent gagnant George Foreman, une montagne de muscles de 25 ans, fort de ses 40 victoires par KO en 40 combats, en trois rounds tout au plus, et libérant sur le ring une force brute. Il est à 3 contre 1 auprès des bookmakers.
De son côté, Mohammed Ali, 32 ans, est moins rapide que dans ses belles années. Mais il a profité de ses nombreux bains de foule pour communier avec ses inconditionnels fans congolais qui le dopent aux cris d’« Ali boma ye » (Ali, tue-le), un slogan qui va être scandé tout au long du combat.
En toute discretion, Ali s’était aussi forgé une stratégie que même son coach, Angelo Dundee, ignorait : faire durer le combat, Foreman ayant bouclé tous ses combats avant le 4ème round, résister aux coups portés au corps et surtout s’aider des cordes pour éviter de tomber face à la lourdeur des punchs de l’adversaire.
Malgré les remontrances de son entraîneur lorsqu’il s’appuyait sur les cordes, le subterfuge marche. Le combat, au cours duquel le champion s’épuise à cogner sans réserve sur son adversaire, arrive au 8ème round, Foreman complètement esquinté. À 30 secondes de la fin du round, l’incroyable se produit : Mohammed Ali choque le monde entier en envoyant son indéboulonnable adversaire au tapis, au terme d’un fulgurant enchaînement de directs de gauche-droite bien ajustés.
600 journalistes assurent le retentissement mondial de l’événement, synonyme de consécration pour Ali qui reconquiert en Afrique le titre de champion du monde des Poids lourds. Deux documentaires immortalisent l’événement, « When we were Kings » réalisé en 1996 et « Soul Power » en 2008, en dehors de multiples publications.

L’enfant du pays, Martin Bakole

Martin Bakole après sa victoire face à l’Ukrainien Ihor ‘Hulk’ Shevadzutskyi en trois rounds à la G2A Arena en Pologne (Image : 365dm.com)

Dans l’entretemps, l’Afrique a également ses champions en gestation. L’un des plus grands espoirs confirmés de la catégorie explose littéralement en mai 2022 sur la scène pugilistique mondialeen battant le champion olympique français Tony Yoka. Il s’agit du Congolais Martin Bakole qui, depuis, continue sa marche en avant.
Une force de la nature, 1,98 mètre pour 120 kg, doté d’un punch dévastateur, d’un jab précis, puissant et d’une bonne technique.
Martin Bakole n’a connu qu’une seule défaite, en 2018 face à Michael Hunter, à cette époque un des boxeurs les plus prometteurs. Il est trahi par une erreur de jeunesse, ayant eu du mal à répartir son effort et de profiter des moments où il avait l’avantage. Il apprit de cette défaite et n’a plus cessé de progresser, battant Yoka et mettant Carlos Takam KO.
Sparring-partner de la crème des poids lourds mondiaux, des Britanniques Anthony Joshua, ancien champion du monde qui combat pour le titre mondial des poids lourds IBF le 21 septembre contre Daniel Dubois, ou encore Tyson Fury l’ancien champion du monde des poids lourds WBC, tous ne tarissent pas d’éloges sur sa puissance, sa technique et son endurance.
Le 3 août dernier à Los Angeles, il s’est définitivement imposé comme le poids lourd le plus redouté de la planète. Affrontant Jared Anderson, invaincu en 17 combats, dont 16 par KO, et le plus grand espoir américain des lourds, Bakole a balayé son adversaire en cinq rounds, l’envoyant trois fois au tapis et forçant l’arbitre à arrêter le combat.
Depuis lors, les experts sont dithyrambiques sur le puncheur congolais. La comparaison est lâchée. Pour nombre d’observateurs, Martin Bakole est le nouveau George Foreman. De par sa puissance de frappe, lourde et dévastatrice tout comme celle de l’homme qui atomisa à deux reprises Joe Frazier, ensuite par son style, cette manière de positionner sa main gauche près de la hanche si le jab de l’adversaire est faible et surgir avec un crochet du gauche puissant.
Bakole réclame à corps et à cri un combat pour le championnat du monde des lourds contre le vainqueur de Joshua-Dubois du 21 septembre ou face au vainqueur de la revanche Usyk-Fury fixée au 21 décembre 2024.

Un championnat du monde pour le Congolais

Le Saoudien Turki Alalshikh, le nouveau « taulier » de la boxe mondiale et président de l’Autorité générale du divertissement, lui a cependant organisé pour le 21 décembre prochain un dernier combat à Riyadh avant celui pour le titre mondial.
Bakole, aujourd’hui classé N°1 pour la WBA, fera face au redoutable champion chinois Zang Zhilei, récent vainqueur de l’ancien champion du monde Deontay Wilder par KO au 5ème round. Puncheur lourd également, le Chinois de 41 ans est redoutable pendant les 6 premiers rounds comme le démontrent ses deux victoires par KO au 6ème et 3ème round contre Joe Joyce le challenger britannique. Cependant, il a tendance à manquer de souffle dans les derniers rounds comme l’a prouvé son combat contre Joseph Parker, perdu aux points alors qu’il avait envoyé son adversaire au sol à deux reprises.
En toute logique, plus jeune, techniquement plus doué et disposant d’un punch supérieur, Martin Bakole devrait l’emporter et ainsi s’ouvrir la voie vers un combat pour le titre mondial.
Dans cette perspective, les autorités congolaises doivent prendre l’initiative de demander au nouvel homme fort de la boxe, le Saoudien, d’organiser en 2025 le championnat du monde de l’enfant du pays, Martin Bakole le nouveau Foreman, à Kinshasa afin que l’on entende à nouveau résonner dans la moiteur de la nuit les cris de soutien des Congolais au champion de leur choix. Cette fois-ci, cela ne sera plus « Ali boma ye » mais plutôt « Bakole boma ye » quel que soit son adversaire, pour entrer dans la légende.

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