Accueil Monde Après le Qatargate, le Russiagate et maintenant le Chinagate ?

Après le Qatargate, le Russiagate et maintenant le Chinagate ?

General view of the European Parliament hemicycle in Brussels

Une nouvelle affaire de corruption et d’ingérence étrangère secoue le Parlement européen. Il s’agit cette fois d’un assistant parlementaire allemand qui aurait transmis des informations à la Chine. Un scandale qui survient après d’autres histoires de corruption, présumées ou avérées, mettant en cause les institutions européennes et leurs élus.

C’est un nouveau coup de tonnerre a l’hémicycle européen, déjà secoué par le Qatargate, impliquant il y a un an une dizaine de personnes, dont la vice-présidente grecque du Parlement et un ex-député. Cette fois, c’est la Chine et l’attaché parlementaire d’une figure de l’extrême-droite allemande, l’eurodéputé AFD Maximilian Krah, tête de liste de l’AFD pour les élections du 9 juin, qui sont en cause.
Selon les enquêteurs allemands, l’assistant parlementaire aurait fourni à la Chine des informations sur des négociations au sein du Parlement européen. Sachant que Maximilian Krah est membre de la commission du Commerce international du Parlement européen, ce n’est pas totalement anodin.
Cette nouvelle affaire suit de quelques semaines seulement un autre scandale lié à des eurodéputés, scandale impliquant non pas la Chine mais la Russie. Elle a débuté en République tchèque avec un média en ligne pro-russe Voice of Europe, qui a invité à plusieurs reprises des parlementaires européens d’extrême droite.

Plusieurs eurodéputés rémunérés

Selon la justice belge, plusieurs de ces eurodéputés ont été rémunérés par la Russie. Selon le journal allemand Der Spiegel, les parlementaires auraient reçu de l’argent soit directement sous forme liquide, soit par cryptomonnaie.
Toujours selon la presse allemande, les eurodéputés d’extrême droite appartiennent à six pays, dont la France.
Ces informations sont encore partielles, mais de nombreux eurodéputés à Strasbourg souhaitent que toute la lumière soit faite avant le scrutin du 9 juin, afin que les électeurs européens puissent voter en connaissance de cause, expliquent-ils.
Car à Strasbourg, avec cette nouvelle affaire d’ingérence étrangère, les eurodéputés oscillent entre sidération et colère – de nombreuses fois, des parlementaires européens sont venus à la tribune de l’hémicycle assurer que « plus rien ne sera jamais comme avant ».
En septembre dernier, ils ont voté un dispositif destiné à renforcer les règles d’intégrité, de transparence et de responsabilité. En vain.
Le résultat, c’est qu’un quart des députés européens reçoivent des rémunérations annexes de lobbies, de puissances étrangères, d’entreprises.
À qui rendront-ils des comptes ? À ceux qui les payent ou aux citoyens qui les ont élus ? Raison pour laquelle le combat pour l’éthique devra être au cœur du prochain mandat.

Pékin nie toute implication

Le lundi 22 avril, trois personnes étaient arrêtées, se voyant reprocher de livrer des informations à Pékin. Et le soir, c’était au tour de ce Germano-Chinois travaillant pour la tête du parti d’extrême droite AfD, déjà secoué par d’autres affaires.
Le lendemain, Pékin a nié tout « prétendu espionnage chinois » et dénonce une « calomnie », après l’arrestation de ce collaborateur de l’AfD au Parlement européen, soupçonné d’être un espion chinois.
« La théorie de la menace d’un prétendu espionnage chinois n’est pas une chose nouvelle dans l’opinion publique européenne », souligne le porte-parole de la diplomatie chinoise, Wang Wenbin. Théorie destinée à « détruire l’atmosphère de coopération entre la Chine et l’Europe ».
L’assistant parlementaire en question, Jian Guo – qui a été suspendu –, se voit reprocher par le parquet fédéral allemand d’avoir, à plusieurs reprises depuis le début de l’année, transmis des informations internes sur des négociations et des décisions du Parlement européen aux services secrets chinois.

Des infrastructures de l’UE ciblées

D’après le magazine Der Spiegel, il s’agit de détails au sujet de l’influence de Pékin sur les infrastructures de l’Union européenne, comme d’une résolution de l’UE sur les persécutions contre le mouvement Falun Gong en Chine.
Les relations de l’assistant parlementaire avec son pays d’origine ne sont pas nouvelles. Il a en effet organisé l’an dernier des voyages en Chine pour de jeunes cadres du parti d’extrême droite.
L’affaire prend une dimension particulière, car Jian Guo travaille depuis cinq ans aux côtés de Maximilian Krah, tête de liste de l’AfD pour les européennes de juin, également cité dans une autre affaire, celle de financement par un média pro-russe de responsables d’extrême droite de différents pays européens.
Le mardi 23 avril, la ministre de l’Intérieur allemande a qualifié l’arrestation du Germano-Chinois d’« extrêmement grave ».

Une enquête sur les ingérences étrangères

Le groupe des Verts au Parlement européen réclame, lui, une enquête rapide sur les ingérences étrangères au sein de l’institution. « Avec un «Chinagate» qui s’ajoute à un «Russiagate», le Parlement européen doit accélérer son enquête », a indiqué le groupe, réclamant que des résultats préliminaires soient publiés avant les élections européennes qui auront lieu du 6 au 9 juin.
« Nous savons que ce type d’enquête peut parfois prendre beaucoup de temps, mais pour nous, il est crucial que les citoyens européens sachent en allant voter s’il y a eu de la corruption, s’il y a eu des ingérences ici au Parlement européen de la part de la Chine, ou de la part de la Russie », plaide l’eurodéputée écologiste Terry Reintke.
« Je demande donc aux autorités du Parlement de collaborer avec les autorités nationales concernées pour tenter de trouver une conclusion à cette affaire le plus rapidement possible, et cela avant même les élections européennes », ajoute-t-elle.
Avec ce nouvel exemple d’ingérence étrangère au sein du Parlement européen, après le « Qatargate » et le « Russiagate », « c’est une affaire qui montre la profondeur des liens entre les régimes autoritaires russes, et peut-être chinois, et les partis d’extrême droite européens, qu’ils soient en Allemagne ou ailleurs », estime Pascal Canfin, eurodéputé Renew au Parlement de Strasbourg. Et il faut, ajoute-t-il, « que les électeurs européens aient conscience qu’en votant pour ces partis, ils votent pour la Russie, ils votent pour la Chine, contre notre intérêt ».
Pascal Canfin espère que tout cela sera su avant les élections européennes : « J’espère que tout ça sortira avant les élections. On ne peut pas avoir une sorte de débat démocratique tronqué où des éléments aussi importants ne seraient pas révélés aux électeurs européens. Donc oui, il faut que ça sorte le plus rapidement possible, parce que cette critique-là de la menace que font peser les partis d’extrême droite sur notre démocratie européenne, on le dit depuis des mois.
Et donc, tout ce qui va dans ce sens, tous les faits qui, malheureusement, nous donnent raison, doivent sortir avant les élections ».

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