Le président centrafricain s’est exprimé, le vendredi 12 août dans un message à la nation, à la veille du 62ème anniversaire de l’indépendance de son pays.
À cette occasion, il s’est dépeint en défenseur de la souveraineté du pays et, sur le sujet de la loi fondamentale, qui crée des remous à Bangui, « sensible aux aspirations profondes du peuple ». Le 13 août est l’occasion de « rallumer la flamme de l’espérance », attaque Faustin-Archange Touadéra, « la manifestation de notre volonté commune de construire un État souverain et démocratique », poursuit-il.
« Nous voulons prouver que nous sommes un peuple qui sait d’où il vient, un peuple qui sait où il va, un peuple qui sait ce qu’il veut ». Et selon le chef de l’État, ce que veut le peuple centrafricain, c’est un référendum constitutionnel.
« Depuis le dialogue républicain, en mars dernier, de plus en plus de voix s’élèvent pour exiger la révision », selon lui. « Notre corpus juridique n’est pas immuable. Il doit s’adapter aux évolutions sociales, politiques, techniques et environnementales tant nationales qu’internationales », estime-t-il encore.
« La représentation nationale s’est montrée sensible aux aspirations profondes du peuple manifestées à travers des pétitions et marches de soutien ». C’est donc pour cela que l’Assemblée « a demandé au gouvernement de déclencher la procédure du référendum », a-t-il expliqué.
« Je ne ferai rien sans la volonté du peuple, détenteur de la souveraineté nationale. Je ne saurais demeurer indifférent aux cris de cœurs de mon peuple qui est dépositaire par excellence du pouvoir souverain. Je vous ai écouté. Je prends acte de vos sollicitations pressantes qui me sont parvenues de partout réclamant une nouvelle Constitution », a assuré Faustin-Archange Toudéra.
Et de conclure : « Il appartiendra au gouvernement d’en aviser et de donner suite à la demande de l’Assemblée nationale, je veux dire, à votre demande. »
Serge Ghislain Djorie, le ministre de la Communication et porte-parole du gouvernement, justifie cette révision de la Constitution par certains articles qui contiennent des références injustifiées au précédent gouvernement de transition. « Il ne faut, en aucun cas, mentionner le terme »transition » dans une Constitution. Il faut que l’on soit honnête envers nous-mêmes et envers le reste du monde. Quand il y a eu une erreur matérielle, il faut s’asseoir tranquillement, dire que l’on a pêché et corriger », a-t-il expliqué.
Une «escroquerie politique» pour Martin Ziguélé
Cette annonce n’est pas une surprise. Depuis quelques mois, elle fait l’objet de critiques de l’opposition. Joint par RFI, Martin Ziguélé, président du parti MLPC et ancien Premier ministre dénonce une « escroquerie politique » de la part du chef de l’État pour s’octroyer un troisième mandat.
« Il y a eu des manifestations qui ont été organisées, le week-end dernier, par les préfets et des sous-préfets, dans des localités à l’intérieur du pays, avec des députés de la majorité qui ont été dépêchés sur le terrain. C’était une mise en scène pour accréditer l’idée selon laquelle la modification de la Constitution ou une révision de la Constitution viendrait d’une demande populaire.
C’est vraiment une escroquerie politique. Le président Touadéra, ni en 2015 lors de la campagne électorale ni en 2020 lors de la dernière campagne, n’a évoqué un quelconque problème qu’il a dans l’exercice de ses fonctions de président de la République ou dans le fonctionnement des institutions issues de cette constitution.
Personne n’a dit en quoi la Constitution actuelle empêche le président de la République de réaliser quand même les engagements sur lesquels il a été réélu. D’ailleurs, la question de la sécurité, la question de l’économie, de la misère, de la cherté de la vie, des voies de transport ou encore des infrastructures… mille et un problèmes que nous avons dans ce pays et on nous dit que c’est la Constitution qui est la priorité, qu’il faut la réviser. On ne voit pas le lien qu’il y a dans la Constitution et les problèmes actuels », estime-t-il.
Crépin Mboli-Goumba, président du parti d’opposition Patrie et ancien candidat à la présidentielle de 2020, dénonce lui aussi une manœuvre du pouvoir pour ouvrir la voie à un troisième mandat du président Faustin-Archange Touadéra.
« L’arrière-pensée du président Touadéra est d’écarter certains candidats qui lui poseraient problème. Or, la limitation du nombre de mandats présidentiels et les conditions d’éligibilité relèvent de dispositions intangibles, qui ne peuvent donc pas être modifiées par la Constitution de notre pays. On ne voit pas comment le président de la République pourrait modifier la Constitution en se fondant sur la violation de cette même Constitution ».
« J’ai bon espoir que la Cour constitutionnelle saura dire non. Ce serait une décision historique. Il s’agit de protéger la démocratie. »
Le président Faustin-Archange Touadéra a par ailleurs mis en avant l’adoption de la loi sur les cryptomonnaies, une « opportunité inouïe » pour le pays selon lui, et la récente levée de l’embargo de l’ONU sur les armes à destination de l’armée, qui constituait, à son avis, « une prise en otage » du pays.
Il a nommément remercié certains pays et dirigeants amis, les troupes de la Minusca et les « forces bilatérales » russes et rwandaises.