Alors que le président tunisien Kaïs Saïed n’était plus apparu en public depuis le 22 mars, il est réapparu le 3 avril, dans une vidéo diffusée par ses services, dans laquelle il dément toute vacance du pouvoir.

Pendant son absence prolongée de la scène politique, la principale coalition de l’opposition s’est posé des questions sur son état de santé. Le leader du Front de salut national (FSN), la principale coalition d’opposition, avait appelé le gouvernement à communiquer clairement sur les raisons de « l’absence » du président, assurant pour sa part détenir des informations sur des « problèmes de santé » de Kaïs Saied.

Au niveau de l’opinion publique, on a perçu un grand énervement, les spéculations allant en sens divers sur le fait qu’il aurait eu des problèmes de santé graves. Dans la vidéo, Kaïs Saïed a fustigé le « degré de folie jamais connu en Tunisie », précisant lui-même : « Le président s’est absenté deux ou trois jours, il a attrapé froid et ça devient un problème, une vacance du pouvoir, un vide ? Ces gens ne méritent que mépris », a-t-il dit en recevant la Première ministre Najla Bouden.

Autre son de cloche dans les rangs du FSN où on affirme avoir été « informé dès le premier jour que le président Saïed souffrait de problèmes de santé, mais nous n’avons pas réagi, estimant que tout le monde pouvait avoir un problème de santé passager », a reconnu le président de la coalition Ahmed Néjib Chebbi, le 3 avril au cours d’une conférence de presse à Tunis.

Rappelons qu’en cas de vacance de pouvoir provisoire, c’est à la cheffe du gouvernement Najla Bouden de diriger les affaires du pays aux termes de la Constitution. Mais en cas de vacance permanente, comme dans le cas d’un décès ou d’une maladie grave provoquant un empêchement pour diriger le pays, la Tunisie serait confrontée à une « grande catastrophe » en raison d’un vide législatif, a prévenu le chef de la principale opposition.

En effet, la nouvelle Constitution promulguée en 2022 stipule que c’est le président de la Cour constitutionnelle qui doit remplacer le chef de l’État jusqu’à la tenue d’une nouvelle élection présidentielle. Or cette instance n’a jamais été mise en place.

De réels problèmes de santé

Habituellement omniprésent sur la scène politique où il concentre tous les pouvoirs, Kaïs Saïed, 65 ans, a été élu démocratiquement en 2019, avant de limoger, le 25 juillet 2021, son Premier ministre et de dissoudre l’organe législatif. Le nouveau Parlement mis en place n’a réellement aucune prérogative, le président continuant de diriger le pays par décrets.

La réapparition de Kaïs Saied na pas réussi à couper court aux rumeurs et spéculations. Faute d’informations, les réseaux sociaux ont pris le relai, avec des « vœux de bon rétablissement » ou des messages évoquant une « tachycardie ventriculaire polymorphe avec torsades de pointes ». D’autres sources affirment que le président aurait eu un malaise qui aurait nécessité son admission à l’hôpital militaire de Tunis. Depuis, son état se serait amélioré et il serait actuellement de retour à Carthage, sous contrôle médical.

Mais les Tunisiens n’ont pas oublié le précédent survenu lors des hospitalisations de Béji Caïd Essebsi, héritier de Bourguiba à la présidence, et les incertitudes apparues à son décès alors président en exercice, en juillet 2019 en l’absence d’une Cour constitutionnelle, et qui ont conduit à une présidentielle anticipée remportée par Saied.

Les plus optimistes estiment que cette absence pourrait être une réaction à la pression internationale qui enjoint le président à signer l’accord pour un prêt du Fonds monétaire international, conditionné à des réformes que le président perçoit comme une ingérence.

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