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Réchauffement climatique : des dommages économiques six fois plus importants

Des milliers de personnes ont manifesté à Paris pour réclamer des mesures urgentes contre le réchauffement climatique, le 16 mars 2019. (Image d’archive : Charles Platiau / REUTERS)

Deux études réévaluent à la hausse l’impact économique du changement climatique. Les auteurs montrent que les dégâts économiques causés par le réchauffement climatique seront bien supérieurs aux budgets à investir pour réduire les émissions de gaz à effet de serre.

Dans un document de travail mis en ligne en mai par le National bureau of Economic research (NBER), deux chercheurs apportent une nouvelle estimation des dommages causés par le réchauffement climatique sur l’économie mondiale.
« On a regardé comment l’activité économique réagissait quand la température moyenne mondiale montait, explique Adrien Bilal, économiste à l’Université d’Harvard, aux États-Unis, et coauteur de l’étude. On a trouvé des effets six fois plus importants sur l’activité économique que les estimations précédentes, basées sur les températures locales, par pays.
Pour résumer, c’est que quand la température moyenne mondiale augmente de 1°C, ça implique une réduction du PIB et de l’activité économique mondiale de 12%. C’est vraiment substantiel ».
Bien que ce document de travail ne soit pas encore validé par les pairs, ces résultats ont suscité beaucoup d’intérêt dans la communauté scientifique. En avril, une équipe allemande avait livré sa propre estimation, publiée dans la revue scientifique Nature. Cette étude a suivi tout le processus de relecture. Ses résultats sont donc plus solides. Les auteurs estiment à 19% la réduction du PIB d’ici 2050 par rapport à un monde sans changement climatique. Une baisse incompressible que seules des mesures d’adaptation pourraient inverser.

L’impact des événements climatiques extrêmes

« Ce qui est très clair, souligne Maximilian Kotz, post-doctorant à l’Institut de recherche sur l’impact du changement climatique, à Potsdam en Allemagne, et coauteur de l’étude, c’est que les choix que nous faisons aujourd’hui auront un énorme impact sur l’ampleur des dommages économiques que nous verrons entre 2050 et 2100. Les dommages seront beaucoup plus importants si l’on continue à suivre cette voie des émissions élevées ».
Le point commun de ces deux études, c’est que les auteurs ont cherché à mieux prendre en compte les effets économiques des évènements climatiques extrêmes, comme les inondations, les canicules ou les cyclones.
L’équipe américaine a choisi de regarder l’effet des températures moyennes mondiales sur l’économie. Pour leur part, les chercheurs allemands sont descendus à l’échelle très locale, en prenant en compte non seulement les variations des températures moyennes locales, mais aussi les extrêmes des températures et les précipitations.

Les pays du Sud seront les plus touchés

Pour Maximilian Kotz, « les auteurs ont une approche très différente de la nôtre, mais ils arrivent à des conclusions assez similaires. On arrive au même ordre de grandeur de l’impact économique du réchauffement climatique ».
Une augmentation de 1°C de la température moyenne et un déclin du PIB mondial de 12% selon l’étude américaine et 19% pour l’étude allemande, c’est à peu près ce que l’on va vivre entre 2024 et 2050, et ce sont des estimations qui restent du même ordre de grandeur.
Les deux études montrent que ce sont les économies des pays du Sud, les pays les plus chauds, qui souffriront le plus. L’Afrique, l’Amérique du Sud et l’Asie du Sud-Est seront les plus touchées, alors qu’elles ont le moins contribué au changement climatique, et qu’elles comptent les pays les plus pauvres actuellement.
« La productivité au travail et la productivité agricole commencent à diminuer au-delà de températures autour de 20 ou 30°C. Et ces pays sont déjà proches de ces seuils de température », explique Maximilian Kotz.

La transition peut s’autofinancer

« Le message à retenir, pour les décideurs politiques et économiques, c’est que le changement climatique a des conséquences économiques importantes, qui vont s’aggraver si on ne réduit pas nos émissions de gaz à effet de serre », poursuit-il. Ces impacts économiques du changement climatique que l’on va connaître dans les 25 prochaines années, ils sont déjà plus élevés que les coûts nécessaires pour atteindre les objectifs de l’Accord de Paris ».
Les chercheurs espèrent que ces nouveaux résultats pourront peser, pour faire pencher la balance en faveur des mesures de transition, dans les pays les plus émetteurs de carbone.
« Étant donné les coûts très importants du changement climatique qu’on trouve, appuie Adrien Bilal, ça implique que les économies qui ont une production substantielle comme les États-Unis, la Chine ou l’Union européenne, peuvent maintenant penser que l’analyse coût-bénéfice des politiques climatiques devient favorable, même s’ils ne se préoccupent que des impacts sur leur propre économie ».
Il détaille : « Par exemple, aux États-Unis, le coût de la décarbonation, c’est à peu près 80 dollars par tonne de carbone. Et donc, avant, si le gouvernement américain ne se préoccupait que de l’impact du changement climatique sur sa propre économie – qui était évalué à 30 dollars par tonne de carbone – l’analyse coût-bénéfice n’était pas favorable à la mise en place de politiques publiques pour réduire les émissions.
Mais nos résultats impliquent que le changement climatique coûtera 200 dollars par tonne de carbone émise à l’économie américaine seule. Un coût supérieur au coût de la décarbonation, du point de vue des Etats-Unis ».

L’importance de l’évaluation de l’impact du réchauffement

Cela veut donc dire que la lutte contre le changement climatique peut largement être autofinancée par les pays les plus émetteurs de gaz à effet de serre. Chaque tonne de carbone qui n’est pas rejetée dans l’air rapporte plus que le budget investi pour éviter son émission.
L’équipe américaine conclut que dans un scénario à +3°C, la production économique et la consommation mondiales diminueraient de moitié en 2100 par rapport à un monde sans changement climatique. Cela veut dire que plus on attend pour réduire les émissions de gaz à effet de serre, plus la transition sera difficile à financer. Notamment parce que les recettes fiscales vont diminuer.
Plus les données scientifiques sur le changement climatique s’accumulent, plus les économistes pourront préciser leurs estimations. Avec des conséquences majeures sur les choix de politiques publiques.

João Lourenço cherche 5,5 milliards de dollars face à la sécheresse en Afrique australe

La SADC, la Communauté de développement de l’Afrique australe, lance un appel de fond de 5,5 milliards de dollars, pour soutenir les 61 millions de personnes touchées par la sécheresse. Cet appel a été lancé le 20 mai par le président de l’Angola João Lourenço, qui est à la tête de la SADC.
La sècheresse exceptionnelle qui frappe l’Afrique australe fait des ravages. Les températures ont battu des records ces derniers mois. Le Malawi, la Zambie, et le Zimbabwe ont déjà déclaré l’état de catastrophe nationale. Les récoltes s’annoncent au plus bas, avec un risque de pénuries. La moitié des récoltes de maïs, la céréale à la base de la nourriture locale, est perdue.
Selon la FAO, l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture, près de 16 millions de personnes dans la région manquent de nourriture. Le faible niveau d’eau des barrages hydrauliques crée également de graves pénuries d’électricité, indispensable à l’exploitation des gisements de minerai, comme le cuivre en Zambie. Face à l’urgence, le Bureau des Nations unies pour les Affaires humanitaires a promis 33 millions de dollars. La FAO, elle, s’engage sur 10 millions.

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