A moins de six mois des elections de décembre 2023, cet événement majeur dans le microcosme politique congolais que constitue la reconstitution de l’UDPS originelle sur laquelle trônait le quatuor Tshisekedi, Kibassa, Lihau et M’Bwakiem, mais cette fois-ci avec les fils, répond-elle à une stratégie de préservation du pouvoir en 2028 et, au-delà, de sa pérennisation au profit du parti cher aux parents ?

Dans les années ’90, l’Union pour la Démocratie et le Progrès Social,UDPS, est le parti phare de l’opposition radicale, cette opposition qui, par ses manifestations publiques, marches, meetings et sit-in, par ses journées villes mortes, est parvenue à contraindre le Maréchal Mobutu à quitter Kinshasa, la capitale, pour se réfugier, dans un premier temps, à bord du bateau présidentiel, le MS Kamanyola, ancré quelque part sur le fleuve Zaïre, et ensuite se retrancher à Gbadolite et Kawele, dans la province de l’Equateur, d’où il continuait à tirer les ficelles d’une stratégie de résistance au changement réclamé par les populations à l’occasion des Consultations populaires de janvier à avril 1990.

Le Maréchal Mobutu qui, jusque-là, régnait en maître absolu, avait finalement accepté, dans un discours prononcé le 24 avril 1990, la démocratisation de son régime, par la dissolution du MPR, Parti-Etat, et la restauration du multipartisme.

Entre autres changements annoncés dans ce discours historique, un fait apparemment mineur, mais, un symbole, qui valait son pesant d’or : l’abandon de l’abacost, « à bas le costume ! », imposé dans le cadre de la politique du « Recours à l’authenticité », le refus de toute sorte d’aliénation mentale et culturelle.

Une parenthèse pour relever un paradoxe : l’abacost était pourtant confectionné à Bruxelles, dans les ateliers d’un couturier belge,Arzoni. Le retour du port de la cravate en était le corollaire logique.

Mais qui est Jean-Pierre Lihau, l’un des fils en vue du quatuor ?

Le vice-premier ministre, ministre de la Fonction publique Jean-Pierre Lihau à Bunia

Marcel Lihau Ebua, père de Jean-Pierre, est l’un des plus brillants intellectuels que comptait la classe politique des années 90. Juriste constitutionaliste réputé, il a été premier président de la Cour suprême de Justice et a notamment exercé comme professeur de Droit à l’Université de Kinshasa et visiteur à la célèbre université américaine Harvard.

L’un des cofondateurs de l’UDPS, il s’est particulièrement illustré à la Conférence nationale souveraine en qualité de président de la commission constitutionnelle. Marcel Lihau est, en outre, réputé pour son intégrité morale, qui lui vaudra la révocation de l’université de  Kinshasa et de la Cour suprême, pour avoir refusé, comme Etienne Tshisekedi, de suivre Mobutu dans ses dérives dictatoriales.

Il a été marié à Sophie Kanza, la première dame devenue ministre, à laquelle Onésha Afrika a d’ailleurs consacré un article d’hommage, en janvier dernier. Et comme son père, Jean-Pierre, né en 1975, est juriste. Titulaire d’une maîtrise en Droit public et d’un master en Sciences politiques. Il a été, entre 2012 et 2019, conseiller, directeur de cabinet adjoint puis titulaire du président de l’Assemblée nationale.

Elu député en 2018, il est désigné directeur de cabinet adjoint du Premier ministre du gouvernement de la coalition FCC-CASH, Sylvestre Ilunga Ilunkamba.

Il quitte le cabinet pour conserver son mandat de député national et prend ses distances du PPRD, son parti, dont il est le premier député à répondre à l’appel du président Tshisekedi à participer aux consultations qui aboutiront à la création de l’Union Sacrée et le basculement de la majorité parlementaire.

Vice-Premier ministre en charge de la Fonction publique dans le gouvernement Sama Lukonde I et II, Lihau se signale par la régularisation des dizaines de milliers d’agents, la proposition d’un salaire décent et d’une retraite honorable, après avoir élagué des effectifs de l’administration publique, en collaboration avec l’Inspection générale des Finances, les agents fictifs et ceux qui percevaient plusieurs salaires dans différents ministères.

Il est en voie de redonner à l’administration sa considération des premières années de l’indépendance. Ceux qui se rappellent de la « Place Golgotha », l’espace devant l’immeuble de la Fonction publique où se réunissaient les agents de l’État pour exprimer leurs revendications comprennent.

Lihau, un dauphin potentiel en 2028

Avec la récente rencontre entre le secrétaire général de l’Udps et son homologue de l’aile Lihau, il ne fait aucun doute qu’un rapprochement s’opère entre les fils du quatuor qui avait marqué le paysage politique congolais.

Dans cette configuration, à l’instar, comme d’autres, du Premier ministre Sama Lukonde, dont la loyauté lui mériterait une reconnaissance, ou d’Ève Bazaiba, brillante ministre de l’Environnement, les observateurs voient bien Jean-Pierre Lihau nourrir des ambitions légitimes après le second mandat de Félix Tshisekedi, qui lui semble promis, face à son bilan largement positif et la faiblesse de l’opposition.

Dans ces conditions, pour paraphraser cet internaute, « l’Udps resterait alors au pouvoir aussi longtemps que Mobutu ou Kabila ».

Publicité