Moody’s, Standard and Poor’s, et Fitch Ratings, des noms inconnus que seuls les initiés du monde de la finance internationale et des marchés des capitaux connaissent. Ces noms désignent les trois plus importantes agences de notation, qui se partagent 94% du marché mondial.

En dehors de ces « big three », l’agence chinoise Dagong fait figure de parent pauvre, avec ses 4% des parts de marché. Mais qu’entend-on par « Agence de notation », « the credit rating agency » ?
Cette expression désigne des entreprises privées, dont le rôle et la mission consistent à analyser et gérer les risques financiers, à apprécier le risque de solvabilité des dettes, autrement dit le risque de non remboursement des dettes d’un emprunteur, qu’il s’agisse d’un État, d’une entreprise ou d’un produit financier. 

Les agences de notation apportent aux investisseurs, aux détenteurs des capitaux, c’est-à-dire à ces gens qui prennent le risque de prêter leur argent, à travers les analyses financières et économiques, des informations sur la qualité d’un émetteur, d’un emprunteur.
Dans une formulation accessible au plus grand nombre, nous traduirions l’idée autrement. Sur les marchés des capitaux se trouvent deux acteurs principaux: d’une part les investisseurs ou les créanciers, ceux qui apportent l’argent et qui constituent « l’offre » et, de l’autre des entreprises ou des États qui veulent emprunter, les émetteurs, la « demande ».
Quand on souhaite emprunter sur un marché, on émet des obligations, et il faut alors trouver des acheteurs.

Le principe est que l’opération de prêt comporte un risque plus ou moins élevé lié à la capacité de l’emprunteur de rembourser selon les modalités arrêtées. C’est ici qu’intervient l’agence de notation.
Puisons, dans le monde de la banque, de quoi illustrer le rôle de ce troisième acteur-clef des marchés des capitaux. Vous ne pouvez demander à votre banquier un crédit sans fournir des fiches de salaires et d’autres garanties.
Le rapport fait par l’agence de notation équivaut à ces garanties, fiches de salaires, hypothèque d’un bien, qu’un client présente à son banquier.

Comment l’agence apprécie ?

Il est clair que la mondialisation des financements et l’ampleur des marchés fait que les investisseurs, détenteurs de capitaux, ne connaissent pas les émetteurs de titres et ne possèdent ni les compétences techniques ni les moyens financiers pour procéder, eux-mêmes, à l’analyse des risques.
Cette fonction est donc déléguée à ces acteurs spécialisés que sont les agences de notation. Celles-ci utilisent les services de plusieurs milliers d’experts de haut niveau, rompus dans l’analyse des données économico-financières des États et des entreprises, qui veulent lever des fonds sur un marché donné.
Moody’s compte un effectif d’environ 4 000 employés ; Standard and Poor’s 10 000 et Fitch group 4 000.

A la demande et sur financement de l’émetteur (emprunteur), ces agences produisent une information indispensable, facile à interpréter, et émettent des notes, qui synthétisent en quelque sorte leur évaluation.

Les notations en question

Elles se présentent comme suit: AAA chez Standard and Poor’s et Aaa chez Moodys, sont les meilleures notes, et traduisent un très faible risque de non-remboursement, et donc la qualité de crédit la meilleure.

Désigne, s’il s’agit par exemple d’une entreprise, un défaut de paiement, un dépôt de bilan, la mise sous contrôle judiciaire. Entre ces deux extrêmes s’intercallent des notes intermédiaires B et C, avec leurs différentes échelles. Ces différentes notes déterminent la qualité et la hauteur du risque et, par conséquent, la hauteur des taux d’intérêt. Plus la note est mauvaise et s’approche de la zone D, plus le risque encouru est grand, plus les taux d’intérêt sont élevés.
Impossible de trouver des investisseurs sans la notation d’une de ces agences. Les agences de notation sont incontournables, car aucun investisseur sérieux ne traitera avec un État ou une entreprise qui n’aura pas été préalablement noté. 
  
La fiabilité des analyses
                                                         
La crédibilité de ces entreprises privées, créées au début 20ème siècle, repose essentiellement sur leur longue expérience dans cette activité, tandis que le sérieux de leurs analyses répond généralement aux critères de fiabilité, d’objectivité, d’indépendance et de transparence.                                         

Mais il faut reconnaître que ces agences ne sont pas infaillibles. Un exemple: trois jours avant l’effondrement de la plus gosse banque américaine, Goldman Sachs, en 2008, elle avait obtenu, par erreur, la note parfaite triple A.

De même, Standard and Poor’s avait annoncé, en novembre 2011, l’abaissement de la note de la dette souveraine de la France, avant de démentir et de reconnaître une erreur. Ce qui a contribué à démystifier les agences et à jeter un discrédit sur elles. Mais, si les grands opérateurs financiers internationaux, ou certains grands pays comme la France ne sont pas assujettis à la notation comme des esclaves, nos pays africains ont absolument besoin de cette reconnaissance, qui leur donne une sorte de brevet de bonne conduite et de respectabilité.

La RD Congo notée bonne élève

Aussi, les responsables congolais ne peuvent que se réjouir de la publication, par Moody’s, le 18 octobre 2021, de son rapport annonçant qu’avec l’attribution à ce pays de la note Caa1, son statut passe de « stable » à « positif ».

Dans son rapport, Moody’s considère solides les perspectives économiques de la RDC, grâce aux performances du secteur minier et positif le potentiel d’amélioration de la résilience économique grâce à la mise en œuvre des réformes structurelles dans le cadre du programme actuel du Fonds Monétaire International et à l’augmentation des réserves officielles de devises étrangères, qui devraient continuer à s’accumuler au cours  des prochaines années.

Mobilisation des recettes intérieures

Cette appréciation par Moody’s des performances réalisées par le gouvernement du Premier ministre Sama Lukonde, mis en place par le président Félix Antoine Tshisekedi, après la rupture de la coalition FCC-Cach dans laquelle le nouveau pouvoir avait créé un partenariat avec l’ancien, s’appuie aussi sur d’autres actions, notamment l’amélioration de l’exécution du budget en recettes, l’encadrement plus strict des dépenses et la redynamisation de la lutte contre la corruption dans le cadre de l’action volontariste de l’Inspection générale des Finances. Mais aussi l’accroissement spectaculaire des réserves de changes, qui ont dépassé pour la première fois 3 milliards contre 700 millions en 2020 et les projections laissent penser qu’elles atteindront 5 milliards d’ici 2025.

Dans le même régi s’inscrit l’augmentation de la production du secteur minier, de 9,7%, qui a permis de compenser la contraction, de 1,3%, du reste de l’activité économique des suites du choc du coronavirus, spécialement grâce à la hausse record de la production de cuivre, qui a atteint près de 1,6 million de tonnes en 2020.       

A signaler aussi la perspective de l’entrée en phase de production de la mine de Kamoa-Kakula, qui devrait permettre à la RDC de dépasser les 2,5 tonnes au cours de la prochaine décennie.

Dans ces efforts s’inscrivent également la volonté affichée par le président congolais de revisiter les contrats miniers et forestiers, dont le caractère léonin a été relevé par certaines organisations de la société civile, les perspectives de croissance du PIB qui se situent à 6% pour la période 2021-2025 ainsi que la disponibilité et l’engagement des autorités à mettre en œuvre les réformes structurelles incluses dans le programme triennal de 1,5 milliard de dollars du FMI.

Le géant sort du coma, mais prudence !

Le tableau élogieux dressé ici ne doit pas occulter un certain nombre d’écueils. L’économie de la RDC est encore structurellement très faible ; la pauvreté et la misère des populations constituent un danger d’explosion ; l’environnement politique, où nombre d’acteurs n’ont pas pris la mesure des défis communs à relever et se complaisent dans des postures négativistes, empêche une meilleure cohésion qui aurait pu fédérer toutes les énergies vers le seul objectif de maintien et de renforcement des acquis.

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