Le 1er novembre 2023 restera marqué dans les annales de l’histoire des relations entre l’Allemagne et la Tanzanie. Le président allemand Frank-Walter Steinmeier, en visite dans ce pays africain, a demandé pardon pour les crimes coloniaux commis par son pays au début du XXème siècle.
Entre 1905 et 1907, les troupes coloniales allemandes ont massacré entre 200 000 et 300 000 représentants des Maji-Maji après un soulèvement de ces derniers, selon des estimations fournies par les historiens.
« Je m’incline devant les victimes de la domination coloniale allemande. Et en tant que président allemand, je voudrais demander pardon pour ce que les Allemands ont fait subir ici à vos ancêtres », a laissé entendre Frank-Walter Steinmeier.
Cet acte de contrition a le mérite d’apaiser les cœurs et d’engager, entre la deux nations, une nouvelle ère de coopération et de développement.
Lors de sa visite, Frank-Walter Steinmeier a rencontré les descendants du chef Songea Mbano, un chef de la rébellion à l’époque, pendu et décapité par les Allemands avec 66 de ses combattants.
Ses descendants sont toujours à la recherche du crâne de ce chef, très probablement transporté ensuite en Allemagne dans un musée ou une collection ethnologique, comme de nombreux ossements d’Africains à l’époque coloniale, en vue d’être étudiés.
Interrogé au téléphone par l’AFP, John Mbano, avocat de 36 ans vivant à Songea, a salué le discours du président. « Nous avons pleuré pendant des années. Maintenant il est temps d’arrêter de pleurer et d’ouvrir un nouveau chapitre de bonnes relations entre la Tanzanie et l’Allemagne », a dit John Mbano, après avoir rencontré M. Steinmeier avec d’autres membres de sa famille, dont son frère Michael Mbano, maire de Songea.
Hommage au courageux chef Songea Mbano
Dans son discours, M. Steinmeier s’est adressé personnellement aux descendants, disant avoir « honte de ce que les soldats coloniaux allemands ont fait subir ». Il a rendu hommage au « courageux » chef Songea Mbano qui a refusé de trahir son peuple : les colons allemands lui avaient proposé de le laisser en vie à condition qu’il les serve.
L’association allemande Berlin Postcolonial, qui milite depuis des années pour améliorer le travail de mémoire sur la colonisation, a regretté que M. Steinmeier n’ait pas « promis dans son discours de rendre à la Tanzanie tous les objets volés » par l’Allemagne pendant cette période.
Le président allemand a cependant évoqué à Dar es-Salaam, aux côtés de son homologue tanzanienne Samia Suluhu Hassan, la possibilité « de rapatrier des biens culturels et des restes humains ». À Songea, il a promis que son pays allait davantage se pencher sur la période coloniale. Dans les écoles notamment, elle est longtemps passée au second plan en raison de la priorité accordée au IIIème Reich et aux horreurs nazies.
L’empire colonial allemand, plus petit que ceux des Français ou des Britanniques, s’étendait sur plusieurs pays africains, dont le Burundi, le Rwanda, la Tanzanie, la Namibie et le Cameroun. Il a cessé d’exister après la défaite de l’Allemagne lors de la Première Guerre mondiale. Au cours des deux dernières décennies, l’Allemagne a entamé un travail de mémoire sur le sujet, qui l’a conduit à procéder à des restitutions, notamment en Namibie, colonisée de 1884 à 1915, où Berlin a reconnu en mai 2021 avoir commis « un génocide ».