Le suspense était levé depuis un temps. Il ne restait que de petits aménagements. Le Parlement britannique a enfin approuvé, dans la nuit de lundi 22 à mardi 23 avril, le projet de loi controversé d’expulsion vers le Rwanda de demandeurs d’asile entrés illégalement au Royaume-Uni.
Les deux chambres du Parlement britannique ont finalement approuvé le projet de loi, après nombre d’allers et retours représentant une interminable bataille entre la chambre haute, réticente face à ce texte controversé, et la chambre basse.
La chambre des Lords, où les conservateurs n’ont pas la majorité, a retardé l’adoption définitive du texte en le renvoyant sans cesse à la chambre des Communes avec des amendements, lesquels étaient à leur tour systématiquement rejetés par les députés. Une manœuvre dilatoire connue à Londres sous le nom de « ping pong parlementaire ».
Annoncé il y a plus d’un an sous le gouvernement de Boris Johnson, le projet d’envoyer au Rwanda les migrants arrivés illégalement au Royaume-Uni n’a jamais été mis en œuvre.
Le gouvernement conservateur de Rishi Sunak espère toujours mettre en place ce texte d’ici aux élections législatives prévues cette année et faire de ce projet le socle de sa politique de lutte contre l’immigration clandestine, malgré les multiples condamnations.
« Stop the boats »
Lors d’une visite du président Kagame au Royaume-Uni, les deux hommes avaient assuré « que les premiers vols en direction du Rwanda auront lieu au printemps ».
Le Premier ministre Rishi Sunak s’est exprimé avant le vote avec confiance lors d’une conférence de presse à Downing Street, quelques heures avant que le Parlement approuve la proposition controversée.
« Nous sommes prêts, les plans sont en place et ces vols auront lieu, quoi qu’il arrive », a-t-il déclaré. Il a également annoncé que le gouvernement avait mis une base aérienne en attente et avait réservé des avions charters commerciaux pour les premiers vols, qui débuteront dans « 10 à 12 semaines ». En clair, Londres veut faire décoller ses premiers vols vers le Rwanda en juillet, avec le premier lot de migrants à bord.
Le message est clair : d’ailleurs sur son pupitre, on peut lire sur fond rouge « stop the boats ». Le texte qui a été voté visait à répondre aux conclusions de la Cour suprême, qui avait jugé le projet initial illégal en novembre dernier.
« Kagame gouverne dans un climat de peur étouffant toute liberté »
En effet, les juges avaient estimé, se basant sur le bilan rwandais en matière de droits de l’homme, que le pays n’était pas un lieu sûr et avaient donc retoqué le texte.
De plus, si le Rwanda se targue d’être l’un des pays les plus stables du continent africain, son président Paul Kagame est accusé de gouverner dans un climat de peur, étouffant la dissidence et la liberté d’expression.
Cette nouvelle loi, adossé à un nouveau traité entre Londres et Kigali qui prévoit le versement de sommes substantielles, a fini par définir donc le Rwanda comme « un pays tiers sûr » même s’il ne l’est pas. La fin justifie les moyens.
Et si la navette parlementaire a été si longue, c’est que la chambre des Lords, où les conservateurs n’ont pas la majorité, a voulu exiger que le Rwanda ne soit pas considéré comme un pays sûr jusqu’à ce qu’un organisme de contrôle indépendant le dise.
Ils souhaitaient également que les agents, les alliés et les employés du Royaume-Uni à l’étranger, y compris les Afghans qui ont combattu aux côtés des forces armées britanniques, soient exemptés d’expulsion.
Mais les Lords ont finalement cédé aux volontés de la chambre des Communes et ont décidé de ne plus amender le texte, garantissant ainsi l’entrée en vigueur de cette loi controversée.
Un premier demandeur d’asile expulsé vers le Rwanda
Un demandeur d’asile a accepté d’être expulsé vers le Rwanda, selon plusieurs médias britanniques. Cette première expulsion, effectuée le mardi 30 avril, fait suite à l’adoption par le Parlement britannique de la loi permettant de délocaliser vers le Rwanda des migrants arrivés au Royaume-Uni illégalement.
Plus tôt le lundi 29, Rishi Sunak avait assuré que son gouvernement était « prêt » à expulser des demandeurs d’asile vers le Rwanda d’ici 10 à 12 semaines, une fois la loi adoptée, dans le cadre d’un programme basé sur le volontariat pour les migrants auxquels l’asile a été refusé.
L’homme expulsé pour le Rwanda, après le rejet de sa demande d’asile à la fin de l’année dernière, serait originaire du continent africain. Sans autre précision. Néanmoins, il a voyagé sur un vol commercial, à en croire les médias.
Le demandeur d’asile dont question a accepté d’être expulsé vers le Rwanda et de recevoir en échange un paiement oscillant autour de 3 000 livres sterling pour l’aider à pouvoir reprendre sa vie, ont indiqué des sources gouvernementales, selon le Times.
5 700 demandeurs d’asile en attente d’expulsion vers Kigali
« Nous sommes désormais en mesure d’envoyer des demandeurs d’asile au Rwanda dans le cadre de notre partenariat pour la migration et le développement économique », a indiqué un porte-parole du gouvernement britannique.
« Cet accord permet aux personnes sans statut d’immigration au Royaume-Uni d’être relocalisées dans un pays tiers sûr où elles seront aidées à reconstruire leur vie », a ajouté cette source. Cette aide est davantage financière.
Le gouvernement britannique a indiqué mardi espérer expulser vers le Rwanda « d’ici la fin de l’année » un groupe déjà identifié de 5 700 demandeurs d’asile, après l’adoption de sa loi controversée censée décourager les traversées illégales de la Manche.
Les personnes concernées ont été sélectionnées parmi plus de 57 000 individus arrivés illégalement au Royaume-Uni par la Manche entre début janvier 2022 et fin juin 2023, selon de chiffres officiels.