Pour les Congolais et pour l’Afrique et même au-delà, il était « l’homme aux poumons d’acier ». L’artiste-musicien Kiamuangana Mateta alias « Verckys » s’en est allé le jeudi 13 octobre 2022 à l’âge de 78 ans.
Verckys Kiamuangana semblait venu au monde avec un saxophone dans la main, tellement il était un véritable virtuose de cet instrument à vent, aujourd’hui presque passé de mode.
Mais le saxophoniste était aussi un auteur-compositeur de talent, qui donna toute la mesure de don art avec la chanson-culte « Nakomitunaka », une réflexion métaphysique mais presque bon enfant sur la situation du peuple noir vis-à-vis du Créateur, qui lui valut à l’époque des sérieuses bisbilles avec l’Église catholique romaine, et un surcroît de célébrité.
Mais Kiamuangana Mateta était encore plus que ça. S’il débute sa carrière au sein de l’Ok Jazz de feu Grand-maitre Franco Luambo Makiadi, il comprend vite la combine. Il est ainsi parmi les premiers, à l’époque où les musiciens de la place vivent de l’amour de l’art et d’eau fraîche, à comprendre qu’il y avait de l’argent à prendre dans la musique.
Rapidement, il met sur pied son propre orchestre et s’installe avec son saxo comme première attraction de son groupe. Mais il ne s’arrête pas là. Il crée sa maison de production, les Éditions Vévé, et entreprend une nouvelle carrière de créateur des orchestres de jeunes vedettes débauchées sans état d’âme des groupes déjà bien établis sur la place de Kinshasa.
C’est l’époque des orchestres à succès tels que Bella Bella des Frères Soki, Empire Bakuba de Kabasele Yampanya, Isifi Lokole puis Langa-Langa Stars d’Evoloko Jocker, Victoria Eleison de Kester Emeneya et tant d’autres, dont il conditionnait son mécénat intéressé, à l’appartenance exclusive à son propre label.
Bien vite, il se voit affublé du sobriquet de « Wazola nzimbu » (l’homme qui aime l’argent), à cause de son apprêté à l’argent. Mais il faut plus pour décourager cet homme que l’on disait dur en affaires, en dépit de sa bonhomie et de sa proximité sociale avec tout le monde.
Ses magasins de vente des disques se retrouvent partout dans les principales villes du Congo, avec une usine de pressage de disques à Kinshasa. Le Verckys version homme d’affaires apparaît alors derrière le déjà célèbre musicien. Un immeuble de cinq niveaux sur l’avenue Kasa-Vubu vient couronner cette nouvelle facette de l’homme, dans sa commune d’enfance de Kasa-Vubu.
De cet homme touche à tout, l’histoire retiendra certainement qu’il fût l’un des artisans, si pas le premier, de la monétisation de la musique congolaise. C’est peut-être pour cette raison que ses pairs artistes l’avaient porté à la tête de la Société congolaise des auteurs-compositeurs (Socoda), au crépuscule de sa vie.
Nous, spectateurs d’un parcours exceptionnel, ne pouvons que nous incliner devant le destin d’un homme parti de rien, mais qui a frôlé les sommets. Salut l’artiste !