Par David Gakunzi / Mémoire du Monde noir
Nicolas Guillén :
Sang-mêlé
Né en 1902, Nicolas Guillén, poète, journaliste et communiste a révolutionné la littérature hispanophone en y introduisant les thèmes de la misère et de la condition des nègres. Trente ans avant Castro, il a dénoncé le vrai visage des Caraïbes, déchirant ainsi le mensonge de l’exotisme.
Une lance à la pointe empoisonnée un tambour de cuir et de bois. Son aïeul noir, un chapelet autour d’un coup large, une grise armure guerrière. Son aïeul blanc, un sang-mêlé, sa parole lui vient sèche des forêts et un soleil rouge coule dans ses reins. Son poing est fort. Son poing est tendre aussi, sur le ton du Son il peint, il peint le monde tel qu’il est et tel qu’il le rêve.
Il peint les Caraïbes, les West Indies, noix de coco, sable blanc et mer bleue, tabac et eau-de-vie.
Le peuple du all right où rien ne va. Le peuple du very well où tout va mal.
Hô : Demain l’éléphant perdra ses tripes
Homme politique vietnamien né en 1890 et mort le 3 septembre 1969, Hô Chi Minh a dirigé la lutte contre le colonialisme dans son pays. Sur sa route de militant, il s’est lié d’amitié à Paris avec des Africains avec lesquels il a animé une mouvance anticoloniale du PCF.
Un regard vif et bienveillant, un front haut, une barbiche, une silhouette frêle enveloppée dans une vareuse de toile bise ; des sandales en pneu ; oncle Hô est un Vietnamien comme tant d’autres : modeste, frugal, avec un langage simple et concret, parsemé d’images à consonances bibliques.
Sous 20 noms de guerre il a mené le combat le plus long contre l’ordre des puissants.
Quand l’oncle Sam s’abattit sur sa terre, Oncle Hô, l’avertit en souriant : « Aujourd’hui c’est la sauterelle qui se mesure à l’éléphant. Mais demain l’éléphant perdra ses tripes. »
Richard Wright :
Black boy
Né le 4 septembre 1908 dans une plantation du Mississippi et mort à Paris en 1960, Richard Wright est le pionnier d’une génération de romancier noirs américains engagés. En usant des mots du langage populaire Wright a su restituer plus que quiconque la condition et les traumatismes créés sur son peuple par la ségrégation.
« On a assez écrit sur les nymphes il faut regarder plus profond, suivre les gens dans les traces du temps » ; ce Black Boy est le miroir de son époque. Il ne craint ni le FBI ni la CIA. Il déteste cordialement les oncles Tom et les dogmes. Sans répit il combat avec sa plume brigands et marchands. D’un seul mot il sonne l’alarme et la charge. Il vient de Harlem. Il connaît le poids des larmes qu’on verse à Harlem. A Harlem on dit de lui Wright is Right.
Création du PAIGC :
Le moment est venu
Le 5 septembre 1956 le parti africain pour l’indépendance de la Guinée-Bissau et des îles du Cap-Vert est créé sous l’impulsion de Amilcar Cabral et de Arestides Perreira. Ce parti sera le fer de lance de la lutte pour l’indépendance de ce pays.
Six hommes entrent furtivement dans une bicoque à Bissau. Réunion clandestine. À l’ordre du jour : « Que faire pour déboulonner l’oppression coloniale portugaise ? »
Entre la quiétude immobile et donc l’abandon prolongé de leurs concitoyens à une vie de misérables et la révolte si nécessaire armée, les 6 hommes ont fait le choix. Celui d’agir sur leur histoire.
Les fervents patriotes ce sont eux. Sans parole vaine ils ont composé un manifeste dont la puissance égale une armée en arme : « Le moment est venu de préparer notre peuple à assumer une époque décisive de son histoire. Celle de la lutte pour la libération de tous les Guinéens et Cap-Verdiens, sans distinction de sexe, de tribu ou de couleur. Pour engager cette lutte, le peuple a besoin d’une direction : c’est le Parti qui sera organisé clandestinement, afin d’échapper à la vigilance policière des colonialistes. »
Six hommes se sont réunis et voilà revenue sur leur terre la gloire ancienne.
Peter Tosh :
Stepping Razzor
Né le 9 octobre 1944 en Jamaïque, Peter Tosh est l’un des membres fondateurs des Wailers le groupe le plus célèbre de reggae. Après avoir assuré les harmonies vocales, tenu la guitare solo et composé pour ce groupe, Peter Tosh entame sa carrière solo en 1974. Avec un son reggae heavy et rebel il sillonne le monde avant d’être assassiné le 11 septembre 1987 à Kingston à cause de ses idées engagées.
Dread il était pour un idéal. Tout le monde veut aller au ciel mais personne ne veut mourir. Tout le monde réclame la paix. Je ne veux pas de paix mais l’égalité et la justice.
Cool il était pour un idéal. Ne te tourmente pas à cause des malfaiteurs ni ne sois envieux des ouvriers de l’injustice cars ils seront bientôt fauchés comme le foin et ils se faneront comme l’herbe. Conquérant il était pour la fraternité. Ne t’inquiète pas d’où tu viens. Qu’importe ta nationalité, Africaine est ton identité. Qu’importe ta couleur : tu ne seras pas rejeté.
Qu’importe ta religion : c’est de la ségrégation. Tu es Africain !
Aussi dangereux qu’une lame de rasoir sur pied de guerre il était. Qui voulait vivre devait bien le traiter. Aussi rudement que des poings ses chansons frappaient au visage des faux dieux.
Agostino Neto :
Poète-Président
Né le 21 septembre 1922 près de Luanda, Agostino Neto fut à la fois médecin, homme d’action, père de l’indépendance de l’Angola et l’un des plus grands poètes d’Afrique. Premier président de l’Angola, il est mort le 10 septembre 1979 des suites d’une opération chirurgicale.
Sa vie ? Mais ce fut une grande épopée. Ses poèmes ? Plus beaux les uns que les autres.
Son cœur ? Tendresse. Sa pensée ? Une permanence d’interrogations. Son amante ? Seulement la justice.
S’il n’eût été que juste et poète, s’il n’eût été qu’un cœur sensible, s’il n’eût été qu’un homme, on ne l’aurait pas pleuré.
Mais c’était la mémoire d’une foi, la foi en la renaissance de l’Angola.
Pierre Mulele :
Comme un sein stérile
Né en 1929 dans le Bandundu et exécuté par le régime zaïrois en 1968, Pierre Mulele fut un compagnon de Lumumba. Après l’assassinat de celui-ci, il reprend le flambeau de la résistance, et anime une guérilla paysanne dans le pays qui connaît son apogée en 1964, avant de s’essouffler.
Il a la bravoure et la noblesse du lion, l’élan et la vigilance de la panthère, l’astuce du renard et la vitesse d’attaque du loup. C’est un bon guerrier.
Armé d’une interrogation, il hante les forêts du Congo : « Si on égorge un juste et que ses bourreaux jettent son cadavre dans la boue, te tairas-tu ou te mettras-tu en colère ?
Pour ressusciter Lumumba il hante les forêts du Congo : « Si tu vois que dans ton pays on y traite l’homme d’honneur avec mépris, quitte ta maison et prends le maquis. La révolte est alors comme un terre féconde et la soumission comme un sein stérile. »