Jadis, en Afrique et partout ailleurs, les filles étaient mariées entre l’âge de 12 et 15 ans. Elles avaient 100 % de chance de devenir mère avant 18 ans.
Actuellement, le monde voit les choses d’un autre œil : « être mère en âge adolescent est devenu sources de discriminations dans tous les domaines ».
La plupart de ces jeunes filles deviennent mères par méconnaissance des méthodes contraceptives ou simplement par naïveté ou encore par ignorance, si ce n’est par légèreté dans leur comportement. Elles revêtent le statut de filles-mères quelles qu’en soient les causes.
Elles sont devenues mères, une situation qu’elles doivent assumer toute leur vie durant. Mais, le vrai problème se situe ailleurs et il se pose et se posera toujours quand ces dernières voudront fonder un foyer. Ce qui est légitime car après tout, elles sont femmes et, ainsi, prédisposées comme toutes les autres à fonder un foyer.
Bien qu’étant fille, elle est mère. Cette dernière doit, en premier lieu, accepter sa situation et cela sans le moindre complexe. Ce qui revient à dire qu’elle a connu une transformation tant dans son physique que dans son mental. Physiquement, elle porte les stigmates de la grossesse, mais aussi les souffrances de l’accouchement, de l’allaitement et de l’éducation de son enfant, sans compter les privations de sommeil et des soucis et inquiétudes quand l’enfant avait des problèmes de santé.
Carole, mère à 16 ans
Cette jeune fille, prénommée Carole, a accepté de nous livrer son expérience.
« Comme il est de coutume en RDC, lorsqu’une fille tombe enceinte, la première chose est de la conduire auprès de la famille du garçon. Il en a été ainsi pour moi », raconte-elle.
J’ai été bien accueillie ce jour-là. Aussi avais-je été une reine. Mais, mon règne n’a duré que le temps de la grossesse.
Quand j’ai eu mon bébé, c’était une fille — Marguerite — j’étais très heureuse parce que son papa, je l’aimais beaucoup.
Seulement, je n’avais pas l’idée de ce qui m’attendait: toutes les tâches ménagères étaient pour moi, en commençant par la propreté de la maison et des quatre enfants de moins de 12 ans, en passant par la lessive de toute la famille et le repassage. Ajouter à cela la cuisine pour une quinzaine de personnes. Comme si cela ne suffisait pas, l’oncle de mon “homme ” le fit partir pour le Canada afin de poursuivre ses études universitaires.
Je ne nie pas le fait que j’avais l’essentiel de mes besoins avec lui, ajoutet-elle. Seulement, après son départ, tout colis qui venait à mon nom ou pas devait passer en inspection chez ma soi-disante belle-mère. Tout ce qui était “ habits ” ou “ chaussures ” pouvant convenir à ses enfants, elle le prenait et je n’avais pas un seul mot à dire. Je ne savais pas non plus comment retourner chez mes parents.
Je suis sortie de cette tragédie par le biais de la fiancée de mon frère, qui venait (à chaque fois qu’elle pouvait) me rendre visite. Elle a eu à parler à mes parents, leur expliquant mon malheur. Ils ont eu pitié de moi et ma mère est venue nous (mon bébé et moi) récupérer.
Deux mois plus tard, j’ai pu retourner à l’école et avoir mon diplôme d’État. Je suis même allée aux études supérieures, à l’Académie des Beaux Arts, où j’ai obtenu mon Bac+3 en Peinture. Aujourd’hui, je suis mariée à un autre homme, à qui j’ai donné un fils et je suis très heureuse de nouveau», a-t-elle conclu.
Le regard des autres
Nous avons recueilli d’autres propos, afin de savoir comment les gens apprécient les filles-mères qui parviennent à fonder un foyer.
Marc, 32 ans, mécanicien: « Elle doit se rappeler, sans se condamner, qu’elle est fille-mère, même si elle est maintenant épouse. Elle doit accepter et gérer le fait que physiquement, socialement et mentalement, elle est entrée dans le lien du mariage, un peu diminuée. Elle doit l’admettre et jamais faire comme si de rien n’a été.
Il lui faut avoir un langage bien réfléchi quand elle s’adresse à son époux et adopter un comportement responsable et respectueux quand elle se tient devant lui. S’exprimer avec arrogance et vouloir faire comme si elle était blanche comme neige peut conduire son époux à une réaction inconvenante ».
Arielle, 21 ans, étudiante : «Elle risque fort de se faire rappeler son passé. Cela peut entraîner un grand malaise dans le foyer.
Il faut aux filles-mères, maintenant épouses, beaucoup d’humilité et de retenue, de sorte à ne pas pousser leur homme à commettre l’irréparable. Il leur faut éviter le complexe et ne jamais chercher à le surmonter avec extravagance.
Je suis sûre que c’est une telle attitude qui leur ouvrira les portes d’une vraie promotion et leur permettra de reprendre confortablement leur place dans la société des hommes. Leur réputation sera ainsi sauvegardée. »
Ivette, 62 ans, ménagère : « Les fillesmères qui parviennent à fonder un foyer, moi je les admire. Car, il faut beaucoup de courage pour cela. Je ne pense pas qu’elles ignorent le fait que leur passé sera toujours vivant et présent dans le ménage.
L’époux n’est pas sans ignorer que son épouse a eu un enfant ou peut-être deux ou trois avant de s’engager avec lui. Si elles parviennent à bien se tenir, cela ne sera jamais mentionné. Mais, au cas où elles oseraient tenir un écart de langage vis-à-vis de l’époux ou de la belle famille, elle se verra insulter, dénigrer, minimiser et plus encore.
Partout ailleurs, en Afrique, même les voisins en font leur problème. C’est regrettable ! Aussi, l’homme en l’ayant acceptée dans sa condition de fille-mère, doit savoir qu’il n’est pas bon de remuer le couteau dans la plaie ! ».
S’il y a crime quand une femme se fait avorter pour échapper aux conséquences de la maternité, pourquoi l’humanité trouve bon de persécuter les filles-mères et de leur fermer toutes les portes !
Le soutien des parents et de l’entourage est indispensable: le risque pour ces jeunes femmes est de se retrouver déscolarisées ou même totalement marginalisées. Raison de plus pour les entourer tout particulièrement pour les aider à devenir soit des mères autonomes et responsables, soit des mères et épouses respectables.
Frédérique Diambu