Accueil Actualité Eve Bazaiba, l’icône congolaise contre le réchauffement climatique

Eve Bazaiba, l’icône congolaise contre le réchauffement climatique

En RDC, la lutte contre le réchauffement climatique a un nom : Ève Bazaiba. Ministre d’État en charge de l’Environnement et de la Conservation de la nature, après avoir exercé aux mêmes fonctions sous Sama Lukonde 1 et 2, elle est devenue au fil des ans, l’icône de la préservation du climat et de la lutte contre le réchauffement de la planète terre. De retour d’un périple au Brésil, Onésha Afrika l’a encore approchée, pour en savoir plus.

Onésha Afrika : Mme la ministre d’État, vous revenez d’un long séjour au Brésil. Qu’est-ce qui a motivé ce déplacement ?

Ève Bazaiba : Sur invitation du gouvernement de la République fédérale du Brésil, en collaboration avec l’Initiative pour les Droits et les Ressources, j’ai pris part à la 14ème réunion annuelle MegaFlorestais, à Alter do Chão au Brésil du 19 au 23 août 2024. Ce rendez-vous annuel réunit les pays les plus boisés du monde.
La RDC, située au cœur de l’Afrique, englobe l’essentiel du Bassin du fleuve Congo. Notre pays couvre une superficie de 2 345 410 km².
Il n’est point besoin de démontrer que les forêts de la RDC au sein de ce bassin couvrent une superficie estimée à 155 550 000 d’hectares des forêts tropicales humides, représentant plus de 62% de 268 millions d’hectares du couvert forestier du Bassin du Congo. Avec les forêts sèches, les forêts clairsemées, dit de Miombo, les forêts de mangrove, la RDC représente plus de 67% des forêts d’Afrique dans son entièreté et une occupation forestière nationale de 70%. Le Bassin du Congo abrite la seconde forêt tropicale humide du monde, qui joue un rôle primordial en termes de services écosystémiques rendus à l’humanité, l’absorption des pollutions, le stockage de carbone et la régulation du climat mondial.
La RDC, c’est aussi les tourbières tropicales, avec une capacité de stockage de pollution de 30 milliards de tonnes (30 gigatonnes) de carbone, soit l’équivalent d’environ trois années d’émissions de gaz à effet de serre à l’échelle mondiale, tandis que l’ensemble du Bassin du Congo absorbe près de 1,5 milliard de tonnes de dioxyde de carbone par an.
Juste avec ce potentiel environnemental, la RDC s’impose comme Pays-Solution face aux enjeux du climat et une véritable solution basée sur la nature.
Oui, notre présence au Brésil était importante et indispensable pour confirmer notre leadership naturel au sein du Bassin du Congo et l’engagement de jouer pleinement notre rôle aux côtés du Brésil et de l’Indonésie, trois pays les plus forestiers du monde, couvrant plus de 52% des forêts tropicales humides de la planète.
Durant ces assises, j’ai partagé les expériences de la RDC dans la gestion durable des ressources forestières, d’afforestation et de restauration des paysages forestiers, les avancées dans la finance climat et le partage de bénéfice de la vente de crédit carbone.

Le point sur la coopération RDC-Brésil-Indonésie sur le climat

O.A : Le Brésil partage avec la RDC et l’Indonésie les trois plus grands bassins forestiers de la planète terre. Où en est la coopération dans ce domaine entre ces trois pays ?

-Exactement, le Bresil, l’Indonésie et la RDC à eux seuls couvrent plus de 52%, soit plus de 761 millions d’hectares des forêts tropicales humides de la planete. Fort de cette position stratégique, nos trois pays ont signé le 14 novembre 2022 à Bali, en Indonésie, une Déclaration conjointe sur la promotion de la coopération mutuelle dans le domaine de la forêt tropicale et de l’action climatique, sur la base de l’égalité et du bénéfice mutuel. Equilibrer la conservation et la restauration des forêts tropicales pour le climat avec nos propres engagements climatiques, conformément aux contributions déterminées au niveau national de chaque pays, et le potentiel d’un écosystème carbone juste, tout en tenant compte de nos engagements.
En vue de mettre en œuvre ce partenariat, nos trois États se sont engagés dans la mise en place d’un programme de partenariat international prometteur (Tropical Forests for Climate and People) pour favoriser la coopération, la gestion et la conservation des forêts tropicales, et constituer ainsi une puissance forestière plus influente dans les négociations internationales sur le marché de crédits carbones et la régulation du climat mondial.
En marge de la réunion de Megaflorestais 2024, j’ai discuté avec ma collègue ministre de l’Environnement et du Changement climatique du Brésil, Mme Marina Da Silva, entre autre de la feuille de route de Belem et, bien entendu, de l’état de mise en œuvre de l’accord tripartite RDC, Brésil et Indonésie. J’ai compris que ma collègue a besoin de beaucoup plus de temps pour la mise en œuvre de cet Accord historique conclu avant son arrivée aux affaires. Nous sommes d’accord pour travailler à sa mise à jour, en tenant compte de l’approche du gouvernement actuel du Brésil.
La République du Congo a abrité le Sommet des Trois Bassins tropicaux du monde en octobre 2023. Cette initiative doit murir au sein de nos bassins respectifs. Une fois que les trois bassins auront intégré la problématique de ce sommet, les experts des trois bassins peuvent se réunir pour la mise en commun devant aboutir au référentiel (termes de référence) approprié pour relier nos trois Bassins autour d’un pacte solide.

Permettre à la RDC de financer ses projets d’adaptation

O.A. : Pensez-vous que la RDC est suffisamment rémunérée pour son rôle essentiel dans le processus de captation du carbone dans le cadre de la lutte contre le réchauffement de la planète ?

-Avec notre capacité d’absorption, la RDC est classée 5ème mondiale de par sa méga-biodiversité, comme je l’ai expliqué. Et avec nos minerais stratégiques dits critiques, indispensables et incontournables qui soutiennent la transition énergétique et la transition écologique, la RDC est une véritable « Solution » basée sur la nature. Elle est à la fois victime, mais aussi solution aux pollutions dont nous ne sommes pas responsables.

La RDC demande qu’on tienne compte du prix de la tonne de carbone pour nous permettre, nous-mêmes, à financer nos propres projets d’adaptation et d’atténuation au changement climatique. La révision à la hausse du prix de la tonne de carbone vendu par les pays du Sud (marché volontaire), au même niveau que le marché international (marché souverain) de carbone, permettra au pays en développement d’y ponctionner une quotité pour créer un fond devant actionner la solidarité entre nos pays, victimes de réchauffement climatique, en soutenant les pays qui ne disposent pas du tout des ressources forestières. Surtout, permettre à la RDC de financer sur fonds propres le programme d’adaptation.
Cela fait aujourd’hui près d’une décennie et demie que les engagements pris pour financer la préservation des forêts, lutter contre le changement climatique et la perte de la biodiversité du fait des pays pollueurs n’ont jamais été respectés. Je voudrais rappeler que les pays du G20 à eux seuls sont responsables de 80% des pollutions mondiales, tandis que l’Afrique dans son ensemble n’est responsable que de 4%, le reste soit 16% est partagé entre les pays à économie intermédiaire. Voilà une raison majeure pour pousser les pays africains à parler le même langage face aux enjeux du climat.
Cependant, il sied de souligner que le projet REDD+ développé par les partenaires privés WWC- ERA CONGO dans la province du Mai-Ndombe, représente une expérience réussie de paiement de services environnementaux en faveur de la communauté locale, y compris les peuples autochtones. La RDC s’emploie à dupliquer cette expérience dans les autres provinces forestières du pays.

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