Accueil TRIBUNE Duel Donald Trump – Kamala Harris : Les Américains retiennent leur souffle

Duel Donald Trump – Kamala Harris : Les Américains retiennent leur souffle

Kamala Harris et Donald Trump

À moins de 100 jours des élections, les jours se suivent aux États-Unis mais ne se ressemblent pas. Du désistement du démocrate Joe Biden et la candidature de Kamala Harris à la tentative d’assassinat de Donald Trump, le pays de l’Oncle Sam a vécu l’un des moments les plus troublants de son histoire.

En plein meeting le samedi 13 juillet 2024, le candidat républicain Donald Trump échappe de justesse à un attentat. De nombreux témoins ont déclaré avoir vu le tireur avant la fusillade et alerté la police de Butler. Cette dernière dit avoir « répondu à un certain nombre de rapports d’activités suspectes », sans donner plus de précisions.
La directrice du Secret Service Kimberly Cheatle a ensuite démissionné suite à une audition devant le Congrès. Le hic est que l’équipe de sécurité de Donald Trump et des tireurs d’élite ne savaient pas qu’un homme armé se trouvait sur un toit avant qu’il n’ouvre le feu, selon le chef par intérim du Secret Service, alors que sa présence avait été relevée par la police 90 minutes avant la tentative d’assassinat.
Pour le chef par intérim du Secret Service Ronald Rowe, « la seule chose que l’on savait, c’était que les agents locaux travaillaient autour d’un problème à la droite de l’ancien président, d’où sont partis les coups de feu. Rien sur un homme sur le toit, rien sur un homme avec un fusil ».
Mais, qui est derrière cette tentative d’assassinat ? De sources proches de l’enquête, l’Iran a été cité. Accusation rejetée par Téhéran. D’autres sources accusent des organisations dans le domaine des finances, surtout les lobbies économiques, en se basant sur des analyses que sur des faits.
Cette tentative d’assassinat a relancé le débat sur l’élection présidentielle de novembre 2024, qui semblait pliée d’avance. Conjugué avec l’annonce du retrait de Joe Biden, l’intérêt était relancé.

Forces et faiblesses des deux candidats

Donald Trump

Présidentielle 2024: Donald Trump touché mais pas (encore) coulé (Source : slate.fr)

L’assassinat manqué du Président Donald Trump a fait de lui, une victime et créé de la sympathie pour lui auprès de la communauté des électeurs. Passé maître dans l’utilisation des médias, Donald Trump jouit par ailleurs au sein de l’électorat républicain d’une forte image de super manager. Il bénéficie du discrédit qui frappe tout ce qui est lié à Washington (l’administration comme le Congrès), une carte que tentent de jouer sans grand succès pour l’instant ses adversaires démocrates.
En outre, des poursuites judiciaires pouvant l’empêcher de faire campagne à tête reposée, il a tourné cet aspect en avantage en les mettant en « stand by ».
La situation économique occupe une place de choix dans la campagne. Les deux partis se disputent la population ouvrière des « swing states », l’électorat qui avait apporté la victoire à Donald Trump en 2016.
Les cols-bleus apprécient la politique protectionniste menée par le républicain lorsqu’il était à la Maison-Blanche. S’il revenait au pouvoir, Donald Trump poursuivrait cette voie.
Pour Donald Trump, c’est une course d’obstacles judiciaires : quatre actions ont été lancées à son encontre. Fin mai, il a été condamné au pénal dans le cadre du procès pour paiements dissimulés à la star du X Stormy Daniels. Un verdict historique pour un ancien président, mais qui n’a pas ébranlé ses partisans.
Début juillet, il a aussi obtenu un répit concernant la tenue du procès pour avoir essayé de faire invalider l’élection de Joe Biden en 2020. La Cour suprême, dominée par les juges conservateurs, a renvoyé à une juridiction inférieure la question du périmètre de son immunité pénale. Ce qui renvoie l’examen de ses responsabilités à plus tard, après l’élection de novembre. Enfin, mi-juillet, la procédure pour rétention de documents classifiés après son départ de la Maison-Blanche a été annulée, la juge ayant considéré que la nomination du procureur spécial qui instruit le dossier était illégale. Celui-ci a fait appel.
Le milliardaire annonce au même moment avoir choisi comme colistier le sénateur J. D. Vance, représentatif de l’Amérique profonde, blanche et modeste. Son profil a de quoi inquiéter les Européens : fervent isolationniste, il a voté contre l’aide à l’Ukraine en avril.

Kamala Harris

Kamala Harris a été nommée « tsar de l’IA » pour protéger les États-Unis
des menaces posées par l’intelligence artificielle. (Source : wp.com)

Elle s’impose comme la nouvelle figure du camp démocrate. L’ancienne procureure originaire de Californie âgée de 59 ans est restée dans l’ombre du président ces quatre dernières années. Elle dispose toutefois d’atouts dans cette campagne : son énergie, son parcours de procureur et de militante pour les droits civiques et les droits des femmes.
Elle qui est noire et sud-asiatique est aussi appréciée des minorités et des jeunes, qui sont les électeurs les plus indécis.
Propulsée dans la course, elle est contrainte de mener une campagne éclair. En deux jours, elle recueille le soutien de la majorité des délégués démocrates chargés de désigner officiellement le ou la candidate du parti lors de la convention de Chicago (du 19 au 22 août).
Les dollars pleuvent aussi en un temps record : 81 millions de dollars en 24 heures, 200 millions en une semaine.
Sa faiblesse est sa féminité. De nombreuses personnes interviewées dans les rues de New York s’interrogent pour savoir si les Américains sont prêts à élire une femme comme présidente. Nonobstant cet état de fait, les sondages réduisent les écarts. Ceux publiés depuis l’entrée dans la course de Kamala Harris montrent que la candidate démocrate talonne le républicain.

Les grands dossiers de la campagne électorale

(Image : smedata.sk)

L’immigration

Le sujet inquiète les Américains, alors que le pays a accueilli 3,2 millions d’étrangers l’an dernier. Un record. S’il est élu, Donald Trump ne se contentera pas de fermer la frontière aux nouveaux arrivants et de poursuivre la construction du mur. Il veut aussi des raids de la garde nationale pour débusquer les sans-papiers.
Dans son programme officiel, il promet d’« arrêter l’invasion de migrants » et de procéder à la « plus grande opération de déportation de l’histoire américaine ».

L’avortement

C’est l’un des principaux sujets d’inquiétude des Américains depuis que la Cour suprême a renversé l’arrêt « Roe V. Wade » en juin 2022, renvoyant la législation sur le droit à l’avortement à chaque État.
Joe Biden a martelé la responsabilité de Donald Trump dans cette décision, ce
dernier ayant nommé trois juges conservateurs à la Cour suprême. De son côté, le candidat républicain, qui voulait satisfaire la droite évangélique, a compris que le terrain était dangereux : il évoque désormais le sujet le moins possible et prône le statu quo.
Kamala Harris, engagée pour les droits des femmes, est très attendue sur ce terrain. Aucun vice-président avant elle n’avait visité une clinique pratiquant l’avortement. Elle devrait se montrer plus offensive sur le sujet que Joe Biden, catholique fervent, qui a parfois eu du mal ne serait-ce qu’à prononcer le mot, et n’a pas réussi à faire voter une loi protégeant ce droit, même s’il en a eu l’intention.

L’économie

La situation économique occupe une place de choix dans la campagne. Les deux partis se disputent la population ouvrière des « swing states », l’électorat qui avait apporté la victoire à Donald Trump en 2016.
Donald Trump compte poursuivre sa politique protectionniste. Interrogé à ce sujet, il répond : « Des taux d’intérêt bas, des impôts faibles » pour « faire revenir l’activité dans notre pays. Et si vous devez recourir aux droits de douane et à d’autres moyens économiques pour le faire, c’est très bien. »
Le candidat envisage d’augmenter les droits de douane de 10 % sur toutes les importations et de les monter à 60 % sur les produits chinois. Du jamais-vu depuis 1945, selon les économistes de Goldman Sachs. Ces décisions auraient un impact très négatif sur la croissance européenne, mais aussi sur les échanges mondiaux.
Donald Trump promet aussi de défiscaliser les pourboires, de sanctuariser les baisses d’impôt sur les ménages et surtout les entreprises, et transformer les États-Unis en une « superpuissance » manufacturière, tout en supprimant les engagements climatiques sur la voiture électrique ainsi que toutes les réglementations « contraignantes ».
Côté démocrate, Joe Biden avait tenté, sans grand succès, de vanter les bienfaits de ses «Bidenomics », sa politique de réindustrialisation dans des secteurs stratégiques et pro-climat, notamment par le biais de son grand plan d’investissement de 2022, l’Inflation Reduction Act (IRA), celui sur les infrastructures et le Chips Act, sur la production de semi-conducteurs. Mais les électeurs n’y ont guère été sensibles. La faute en partie à l’inflation qui augmente encore autour de 3 % par an, un point de plus, que l’objectif visé par la Réserve fédérale.

La politique étrangère

Le camp républicain défend une politique isolationniste au moment où les États-Unis sont indirectement impliqués dans deux conflits cruciaux pour la planète – en Ukraine et à Gaza.
Donald Trump a ainsi ravivé la perspective d’une Amérique indifférente au sort des Européens et au respect de ses engagements dans l’Otan, en menaçant de ne pas protéger les alliés qui ne respectent la règle de financement de l’organisation, voire d’encourager les Russes « à leur faire ce qu’ils veulent ». Des propos qui inquiètent les Européens, incapables à court terme de soutenir seuls l’Ukraine.

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