En date du 24 février 2022, la guerre s’est invitée en Europe. Depuis, le monde entier a les yeux rivés sur le conflit en Ukraine : mobilisation internationale, pléthore d’aides de budgets européens et américains , livraisons d’armes, sanctions économiques, tout pour empêcher l’ours russe de triompher et ainsi protéger, avec raison, les démocraties occidentales.
Ces affrontements ont radicalement changé la donne mondiale, rabattant les cartes et provoquant un basculement historique d’alliances et de loyauté de blocs géopolitiques que l’on croyait inamovibles. Les Etats africains démontrant par leurs abstentions ou leurs votes contre les résolutions à l’ONU condamnant la Russie que le temps des zones d’influences politiques occidentales mises en place après le seconde guerre mondiale étaient révolu.
Première déflagration, pour une population mondiale qui se réveille brusquement consciente qu’une guerre mondiale peut éclater à tout moment. Puis deuxième coup de tonnerre. Le 7 octobre quand le Hamas attaque Israël et commet un pogrom de la pire espèce, tuant plus de 1 200 personnes, simplement parce qu’elles sont juives, c’est la grande stupéfaction et l’horreur devant les images filmées par les terroristes, tuant, torturant, violant à tour de bras et prenant des otages.
Le conflit israélo-palestinien, que l’on croyait en phase terminale ou, dans tous les cas, dans un coma larvé en raison des accords d’Abraham, se réinvite sur la scène internationale.

La dure riposte de Tsahal

La riposte israélienne ne s’est pas fait pas attendre. Depuis maintenant 5 mois, Tsahal cherche à éradiquer le Hamas et sauver les otages. Cette guerre menée par Israel présente aujourd’hui un lourd bilan du côté palestinien : 30 000 morts dont 25 000 femmes et enfants, selon le Hamas. Des chiffres impossible à vérifier et ne tenant aucunement compte des terroristes du Hamas tués et que l’on ne peut assimiler aux civils.
Quoiqu’il en soit, la planète s’est enfiévrée pour la cause palestinienne dans un espèce de « Jamboree » mondial. Il ne se passe pas une journée, une semaine, soit à Londres, Paris, Bruxelles, Madrid, New York, Washington ou autre grande ville où des foules entières se mobilisent pour la Palestine, en chantant « Free Palestine from the river to the see », et appelant à l’éradication d’Israël.
Pas un moment où des hommes et femmes politiques dans toute l’Europe et le reste du monde ne demandent un cessez-le-feu unilatéral, faisant fi du pogrom du 7 octobre et des otages encore détenus par le Hamas. Puis le mot est lâché : les Palestiniens subissent un génocide. 30 000 morts. Ce mot est repris en boucle comme si c’était une certitude et que l’on ne pouvait le contester. Non, ce n’est pas un génocide ! Comme disait Camus, « mal nommer les choses c’est ajouter au malheur du monde ». C’est une guerre, certes horrible, mais une guerre dans laquelle selon leurs propres mots, les dirigeants du Hamas souhaitent qu’un maximum de sang palestinien coule, tout en se servant de leur population comme bouclier humain.

« À ce moment, on trouve dommage que les Congolais ne soient pas des Palestiniens »

La cause palestinienne mobilise le monde entier. C’est à ce moment-là que l’on se dit que c’est vraiment dommage que les Congolais ne soient pas Palestiniens. Depuis 1996, la République démocratique du Congo subit guerre après guerre, pillages après pillages, et aujourd’hui cela continue. Elle fait rage, alimentée par les voisins du Congo, Rwanda et Ouganda, mais également par une multitude de groupes armés locaux, étrangers et des groupes islamistes intégristes.
28 années de spoliations et de massacres ont donné lieu à un génocide à l’Est du Congo : 6 à 8 millions de morts, plus de 4 millions de déplacés. Un vrai génocide incontestable !
Où sont les manifestants par milliers dans les rues de Sydney, Londres, Bruxelles , New York ou autres scandant « Free Congo, Stop the genocide » ? Nulle part. Cela fait 28 ans que les enfants congolais pleurent seuls, oubliés du monde.
Les missions de l’ONU, comme la MONUSCO et avant elle la MONUC, ont échoué à ramener la paix et le stabilité en général, et particulièrement à l’Est. Le Secrétaire général de l’ONU fait de temps à autre une déclaration condamnant les protagonistes ou essaie de mobiliser des fonds. Quant aux dirigeants occidentaux, ils oscillent généralement entre déclarations d’indignation qui sont rarement suivies d’actions, juste pour se donner bonne conscience.
Alexander De Croo, le Premier ministre belge, vient d’annoncer que la Belgique allait larguer du matériel humanitaire à Gaza. Pourquoi ne pas en faire autant pour les déplacés, les femmes et les enfants du Congo ? L’Unicef estimait déjà en 2020 que 3,3 millions d’enfants congolais de moins de 5 ans allaient souffrir de malnutrition aigüe, voire de famine. La situation humanitaire, aujourd’ hui, ne s’est pas améliorée. Elle a même empiré !

Les responsabilités

Alors oui, si les Congolais étaient Palestiniens, l’aide humanitaire coulerait à flot et la planète entière se mobiliserait. Il est grand temps que le Congo, son Président et son futur gouvernement comprennent qu’eux seuls peuvent résoudre la problématique de l’Est.
Pour ce faire, il faut d’abord admettre que le drame que vivent les Congolais n’est pas le seul fait de l’agression rwandaise et de son soutien au M23. Le Rwanda doit cesser de considérer cette partie du territoire congolais comme sa propriété privée, car le temps des accords conclus avec feu Kabila père pour renverser le Maréchal-Président Mobutu est révolu.
Par ailleurs, pour que toute négociation ait une chance d’aboutir et résoudre l’agression rwandaise, la partie congolaise devra aussi régler la problématique des FDLR.
Cependant, l’équation rwandaise n’est qu’une partie de la déstabilisation de l’ensemble de la sous-région. Les experts s’affrontent sur les chiffres, mais rien que sur les provinces de l’Ituri, du Nord-Kivu, du Sud-Kivu, du Maniema et du Tanganyika, on répertorie 252 groupes armés locaux et nationaux et 14 groupes étrangers. Rien que le Nord Kivu, le Sud Kivu et l’Ituri se trouvent submergés par un total de 220 groupes armés dont 9 étrangers.

La plus grande menace : les ADF

Le Président et son gouvernement doivent être conscients que dans ces groupes armés étrangers, le plus grand danger vient sans aucun doute de celui des ADF(Allied Democratic Forces) sur le long terme, et non du M23. Affiliés à l’Etat islamique et propageant l’Islam intégriste dans tout l’Est du Congo, ils ont fait jonction avec Ansar El Sunna, les Jihadistes du Cabo Delgado, et partagent des camps d’entrainement avec les Shebab du Kenya. Visant à installer un Califat dans cette partie de l’Afrique, ils sont l’avant-garde d’une déstabilisation de toute l’Afrique centrale et de l’Est.
Dès lors, seule une initiative de paix congolaise sérieuse, soutenue par la Communauté internationale, ou dans tous les cas par des organismes internationaux, gouvernementaux ou non, peut sauver et protéger la population congolaise, stopper le génocide et rétablir l’ordre et la stabilité à l’Est.
Oui dommage que les Congolais ne soient pas Palestiniens. Mais à eux de démontrer qu’ils n’ont pas besoin de l’être et que la vie d’un enfant congolais vaut tout autant que celle d’un enfant palestinien. Même si les grands de ce monde ne le pensent pas. Il faut en terminer avec l’image du géant malade de l’Afrique. Debout Congolais !

Max Olivier Cahen est un ancien conseiller du Maréchal Mobutu et spécialiste de l’Islam intégriste en Afrique sub-saharienne (CHEAM).

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