Parmi les cancers les plus fréquents dans le monde, avec près de 700 000 nouveaux cas et 200 000 décès chaque année, le cancer de la prostate est le plus couramment diagnostiqué chez les Européens. Mais le plus inquiétant, c’est qu’il est en très forte progression, et qu’il n’est plus exclusivement un cancer de l’homme vieillissant : il frappe aussi des jeunes. Or les principaux facteurs de risque sont connus.

Tout comme le cancer du sein, qui se manifeste chez des femmes de plus en plus jeunes – vers 30 ans, voire même 20 ans – , celui de la prostate peut atteindre des hommes avant même l’âge adulte.
Ce sont les deux cancers en plus forte progression annuelle : plus de 5 % par an pour la prostate en France, selon l’Institut national de veille sanitaire (INVS), qui souligne une «variation au-dessus de la moyenne» et une «réelle augmentation chez des patients jeunes».
Certes, les techniques récentes font que l’on détecte des tumeurs à des stades très précoces dont une petite partie n’aurait peut-être pas évolué. Mais les chiffres sont plus qu’alarmants : 40 000 nouveaux cas chaque année en France, contre 10 000 il y a vingt ans, pour des taux de guérison qui n’ont presque pas été améliorés (26 morts suite à un cancer de la prostate pour 100 000 hommes, contre 28 il y a vingt-cinq ans, selon l’Institut national d’études démographiques).
Si des facteurs de prédisposition génétique pouvant contribuer à une plus grande fréquence sont étudiés chez certaines populations (Noirs américains, Européens de l’Est et des Balkans par exemple), les raisons de l’importante augmentation de cette forme de cancer sont surtout dues à l’alimentation et aux produits toxiques.

Viande rouge et produits laitiers

Côté nutritionnel, «certaines pistes se confirment, note-t-on à l’Institut Curie : une alimentation trop calorique, riche en graisses et en viandes». Des études ont en effet conclu au lien entre cancer de la prostate et céréales raffinées, sodas et viande rouge (surtout cuite de façon agressive et prolongée). Plusieurs études ont aussi établi un lien avec les produits laitiers : dans les années 80 déjà, une vaste étude effectuée auprès de plus de 20 000 médecins nord-américains notait que les personnes qui consommaient beaucoup de produits laitiers voyaient augmenter de 70 % leur risque de développer un cancer de la prostate. En 2006, une synthèse d’études concernant les effets des produits laitiers sur la santé concluait à un lien entre ce cancer et les laitages gras – ainsi qu’à une absence de bénéfice de la consommation de laitages sur la santé des os… alors qu’ils sont par ailleurs suspectés de favoriser également le cancer des ovaires et du sein.
Par quel mécanisme ? Les produits laitiers – destinés en principe à faire grandir très vite tous les petits mammifères avant le sevrage, et non pas à être consommés par des adultes – contiennent des hormones et des facteurs de croissance, notamment l’IGF-1 ou Insulin-Like Growth Factor (c’est-à-dire «facteur de croissance semblable à l’insuline»). Ces facteurs de croissance délivrent leur message aux cellules pourvues de récepteurs sensibles dans différents tissus : les glandes en particulier. Le Dr Gabe Mirkin, note que «les produits laitiers augmentent les taux sanguins d’IGF-1. Ce facteur entraîne in vitro la croissance des cellules cancéreuses, et on a constaté que les hommes souffrant d’un cancer de la prostate présentent des taux plus élevés d’IGF-1» (www.drmirkin.com). Le Pr Henri Joyeux, cancérologue, rappelle pour sa part qu’en culture cellulaire «les trois facteurs de croissance EGF, IGF et TGF favorisent la multiplication des cellules tant normales que cancéreuses», que la pasteurisation ou la conservation UHT (à ultra-haute-température) n’éliminent pas ces facteurs, et que le véritable «gavage aux laitages» auquel on se livre à notre époque «augmente les risques de cancer du sein et de la prostate».

Cadmium, plomb, bisphénol A…

Si les viandes rouges, les graisses et les produits laitiers peuvent donc favoriser la croissance des tumeurs, ils n’en seraient pas la cause première. C’est sur les produits toxiques, capables, on le sait, d’induire des mutations cellulaires, qu’une partie de la recherche se penche. Le Centre international de recherche sur le cancer (Circ, dépendant de l’OMS) cite le cadmium comme élément toxique soupçonné de favoriser le cancer de la prostate (de même que celui du rein et des poumons). Il s’agit d’un métal contenu dans des fumées (dont celles de la cigarette et des véhicules), des engrais, des peintures, des objets en plastique. Un seul incinérateur d’ordures peut en rejeter plus de 30 kilos par an – en plus de 30 kilos de mercure et de 200 kilos de plomb, métal que le Circ cite également. L’air des villes contient du cadmium et du plomb, tout comme les légumes et les végétaux poussant aux alentours d’un incinérateur… Les pesticides sont également incriminés : une méta-analyse publiée l’an dernier concluait que «l’exposition professionnelle [était] un facteur possible de risque de cancer de la prostate.» Selon le Dr John Peterson Myers, expert auprès de la Fondation de Nations unies (www.OurStolenFuture.org), l’exposition prénatale au bisphénol A (contenu dans les plastiques) peut favoriser le cancer de la prostate chez l’adulte. «La plupart du temps, souligne-t-il, les gènes dont nous héritons ne déterminent pas telle ou telle maladie. Ils sont corrects. Par contre, ce que tout le monde doit bien comprendre aujourd’hui – y compris les chercheurs – c’est qu’à des doses infinitésimales, un grand nombre de polluants pénètrent jusqu’au noyau de nos cellules et modifient l’expression de ces gènes.» Résultat de ce changement de programmation : la prolifération cellulaire est favorisée et les gènes suppresseurs des tumeurs sont inhibés.

Effet prouvé des végétaux

Alors, peut-on aider notre organisme et favoriser un retour vers la santé ? Oui. Souvent, il faut commencer par perdre du poids : des scientifiques de Seattle viennent de conclure qu’un homme obèse présente 2,6 fois plus de risques de mourir d’un cancer de la prostate qu’un homme mince. L’exercice physique est très bénéfique, de même que l’exclusion d’un maximum de toxiques. La nutrition et l’hygiène de vie semblent jouer un rôle prépondérant. Une étude publiée en 2005 dans le journal spécialisé Urology et dirigée par le Dr Dean Ornish, de l’université de Californie, a démontré qu’un important changement dans la nutrition et le mode de vie peut ralentir la progression du cancer de la prostate, et même le faire régresser. Au menu : alimentation végétalienne (légumes, fruits, céréales complètes, légumineuses, soja), exercice physique quotidien, méditation.
Résultat confirmé en 2006 par une autre étude dirigée par le Dr Gordon A. Saxe, du Centre de cancer Moores de Californie, montrant qu’une alimentation végétarienne alliée à la gestion du stress a un effet très rapide sur le ralentissement de ce cancer «et pourrait même avoir un effet thérapeutique dans les cas de récidive»
Ces modes alimentaires sains sont bien pourvus en quantité de nutriments et ont montré, lors d’autres études, leur action bénéfique sur le cancer de la prostate : acides gras oméga 3, lycopène de la pastèque et de la tomate (agrémentée d’un peu d’huile pour une meilleure assimilation du lycopène), polyphénols et flavonoïdes des légumes et fruits colorés, sulphoraphane et indole-3-carbinol des brocolis et de toute la famille des choux, soja, ail, oignon, curcuma, thé vert… Il y a donc urgence à supprimer ou à limiter au maximum la consommation de viandes et de produits laitiers, et à abuser des légumes et des aromates.

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