Le capitaine Ibrahim Traoré a pris le pouvoir le 30 septembre 2022 au Burkina Faso, le pays renouant ainsi avec sa tradition et sa propension de coup d’Etat.
Exactement 8 mois après sa prise de pouvoir, le lieutenant-colonel Paul Henri Sandaogo Damiba vient d’être évincé du fauteuil présidentiel par le capitaine Ibrahim Traoré. Le Mouvement patriotique pour la Sauvegarde et la Restauration remet les pendules à l’heure. Objectif : Lutter efficacement contre le terrorisme. Mais réussira-t-il ?
«Le président du Mouvement patriotique pour la sauvegarde et la restauration (MPSR) assure les fonctions de chef de l’État, chef suprême des forces armées nationales», indique une déclaration intitulée Acte fondamental, qui complète ainsi la Constitution du Burkina, «en attendant l’adoption d’une charte de la transition».
Mais pourquoi un coup d’État en moins d’un an dans un pays, pourtant réputé s’appeler « Pays des Hommes intègres » ? Tout est parti de la dégradation continue de la situation sécuritaire. En effet, le 24 janvier 2022, le lieutenant-colonel Paul Henri Sandaogo Damiba prenait le pouvoir sous la bannière du MPSR, avec pour mission principale la reconquête du territoire.
Après huit mois, cette mission s’est muée à la restauration d’un ordre ancien, avec à la clé la perte progressive d’une grande partie du territoire suite à des attaques terroristes.
La dernière en date a été celle de Gaskindé, dans le Nord du pays, où des dizaines de soldats et de civils ont été tués alors qu’ils partaient ravitailler la ville de Djibo en vivres. Ce fut la goutte d’eau qui a fait déborder le vase, dans un pays où les populations semblent être abandonnées à leur triste sort.
Remettre le Burkina Faso debout
La priorité des nouveaux hommes forts du Burkina Faso demeurent la lutte contre le terrorisme. Mieux, il s’agit de remettre le pays debout, après les dures épreuves et les pertes subies non seulement parmi les populations civiles mais aussi au sein des forces armées.
Le capitaine Ibrahim Traoré n’aura pas été plus explicite : « Tout est urgent et il faut aller vite », a-t-il prévenu. Il a assuré sur RFI qu’il ne ferait qu’« expédier les affaires courantes» jusqu’à la désignation d’un nouveau président de transition civil ou militaire par des «Assises nationales», prévues les 15 et 16 octobre et rassemblant les forces politiques et de la société civile.
Le plus jeune président au monde
Le capitaine Ibrahim Traoré, 34 ans, devient le plus jeune chef d’État au monde, devant le Chilien Gabriel Boric, 36 ans. Il prend la tête d’un État meurtri par la guerre depuis 2015. Il a, en partie, justifié son coup de force en reprochant à son prédécesseur Damiba «la dégradation continue de la situation sécuritaire».
Les attaques régulières de groupes armés affiliés à Al-Qaïda et au groupe État islamique (EI) ont fait des milliers de morts et provoqué le déplacement de quelque deux millions de personnes. Une majorité du territoire échappe au contrôle de l’État, notamment à la frontière avec le Mali et le Niger.
Ibrahim Traoré a reçu une délégation de la Communauté des Etats d’Afrique de l’ouest (Cédéao), venue évaluer la situation quelques jours après le putsch. Elle est repartie «confiante», à en croire l’ancien président nigérien Mahamadou Issoufou, membre de la délégation et médiateur de la Cédéao pour le Burkina.
M. Issoufou a jugé que le Faso avait été «au bord du gouffre», après un week-end de troubles et d’incertitudes quant à la réaction du lieutenant-colonel Damiba, qui s’est d’abord opposé à sa destitution avant de finalement démissionner et quitter le pays.
Qui est Ibrahim Traoré ?
Né à Bondokuy en 1988, Ibrahim Traoré n’est pas issu du Prytanée militaire de Kadiogo (PMK) contrairement à son prédécesseur Paul-Henri Damiba et bon nombre d’officiers burkinabè. Après des études universitaires en Géologie à l’Université Joseph Ki-Zerbo de mOugadougou, il intègre l’armée en 2010.
Il fait sa formation à l’Académie militaire Georges Namoano, basée à Pô. Ensuite, le jeune soldat va rapidement gravir les échelons militaires. En 2012, il devient sous-lieutenant puis passe au grade de lieutenant en 2014, avant d’être promu capitaine en 2020. En mars 2022, Il est nommé chef d’artillerie (RA) du 10ème régiment de commandement d’appui et de soutien (10e RCAS) basé à Kaya par l’ex-président Paul-Henri Damiba.
Le capitaine Traoré a participé à plusieurs opérations militaires dans la lutte contre le terrorisme, notamment l’opération Otapuanu en 2019. Il a aussi servi au sein du détachement militaire de Markoye au Sahel.
