Accueil Le saviez-vous ? Battling Siki, le premier Africain champion du monde de boxe

Battling Siki, le premier Africain champion du monde de boxe

Battling Siki, le boxeur d’origine sénégalaise (Image : theneweuropean.co.uk)

L’Histoire est jonchée de ces hommes illustres que la mémoire collective s’emploie à jeter dans les oubliettes. Parce qu’ils n’entrent pas dans les codes généralement acceptés. M’Barrick Fall est parmi ceux-là. Son nom de guerre : Battling Siki, premier Africain champion du monde de boxe.

Battling Siki s’appelle encore Amadou M’Barrick Fall, quand il quitte sa terre natale du Sénégal à l’âge de 10 ans pour rejoindre l’Europe. Cet évènement est le point de départ d’un destin hors du commun, qui le mènera jusqu’à devenir le premier Africain champion du monde de boxe anglaise.
Comme tous ses camarades alors qu’il est encore enfant, Amadou M’Barrick Fall plonge régulièrement dans les eaux saumâtres du port de Saint-Louis au Sénégal pour récupérer les quelques pièces qui ne leur servent plus et négligemment jetées depuis les passerelles des bateaux en instance de départ vers l’Europe.
À en croire la légende façonnée autour de cet homme, c’est une artiste originaire des Pays-Bas qui décide d’embarquer avec elle le jeune Africain, sans doute séduite par la carrure mais aussi par le sourire du garçon. Elle l’abandonne quelques semaines plus tard à Marseille, où le jeune homme est vite livré à lui-même et à la dureté d’une vie d’errance.

Repéré à l’âge de 15 ans

Comme tous les enfants de la rue, il doit apprendre à se défendre pour sa survie. Confronté souvent à des bagarres de rue, il aura la vie sauve grâce surtout à son habilité à utiliser ses poings. C’est ainsi qu’à l’âge de 15 ans, il est repéré par un ancien boxeur qui décide de le lancer dans le noble art. C’est également cet ancien pugiliste qui trafique som d’Amadou M’Barrick Fall pour l’affubler du nom, jugé plus conforme, de Battling Siki lorsqu’il lui fait découvrir la boxe professionnelle sur les rings du littoral méditerranéen de Narbonne, à Nice.
Puis vint la Première guerre mondiale en 1914. Le jeune Battling Siki s’engage dans les troupes coloniales et traverse le conflit mondial en parcourant les champs de bataille du Nord de la France jusqu’au golfe de Thessalonique, en Grèce. À son retour à la fin de la guerre, après sa démobilisation, il reprend ce qu’il sait faire le mieux : sa carrière de boxeur.
À partir de 1920, il enchaîne les combats en France, puis tente sa chance en Belgique puis aux Pays-Bas. Il s’installe quelques temps à Rotterdam, où il se marie. Dans l’entretemps, personne ne lui résiste. Il bat tous les champions de boxe locaux.

Champion du monde en battant Carpentier

Il est de retour en France en 1921, où les victoires se succèdent. Il est notamment opposé aux deux challengers désignés du champion de sa catégorie des poids mi-lourds, dont Georges Carpentier. Ce dernier n’a plus boxé en France depuis 1919.
La Fédération française de boxe doit inaugurer en septembre 1922 le tout nouveau stade Buffalo construit aux abords de Paris, à Montrouge. Siki représente alors l’adversaire le plus crédible aux yeux de tous pour affronter Carpentier le champion.
Le combat est fixé au 24 septembre 1922 et met en jeu les trois couronnes de Carpentier : ses titres de champion de France, d’Europe et du monde. François Descamps, l’entraineur de Carpentier s’inquiète tout de même du bilan flatteur de Siki, qui a remporté 28 de ses 29 derniers combats. Il cherche alors à s’affranchir de tous risques et contacte le manager et entraîneur de Siki, Charles Hellers, pour lui proposer un arrangement, à savoir une défaite honorable de Siki entre le 4ème et le 7ème round.
Nul ne connaît précisément les termes de l’accord passé entre les deux proches des boxeurs, mais les choses ne vont pas se passer comme prévu par les managers des deux boxeurs. Lors des deux premiers rounds, on.voit un Battling Siki attentiste et passif, encaissant sans broncher les attaques de Carpentier.
Puis, dans les rounds qui vont se succéder, Siki se métamorphose. Dans un sursaut d’orgueil, il se rue à l’attaque de son adversaire. Acculé, Carpentier abandonne au 6ème round. La surprise est totale. L’arbitre, déboussolé, donne d’abord la victoire à Carpentier, prétextant une faute technique imaginaire de Siki.

Un champion qui gêne

Peine perdue, parce que le public ne s’y trompe pas. Et devant la bronca des spectateurs, l’arbitre se ravise et, non sans avoir sollicité l’accord du président de la Fédération française de boxe, Paul Rousseau, déclare Battling Siki. Il est porté en triomphe par le public. Battling Siki devient le premier Africain champion du monde de boxe anglaise.
Mais depuis cette victoire, la Fédération de boxe est à l’affût du moindre faux pas de l’imprévisible Siki, que l’on savait très fougueux. C’est ainsi qu’en novembre 1922, alors qu’il assiste en tant que spectateur à un gala de boxe à la salle Wagram, Battling Siki, mécontent du jugement de l’arbitre sur un combat, monte sur le ring et non seulement il vilipende l’arbitre mais surtout jette celui-ci à terre. La sanction ne tarde pas : il est déchu de tous ses titres nationaux et européens.
Son titre mondial, il va le perdre quelques mois plus tard lors d’un combat contre l’Irlandais Mike Mc Tigue, le 17 mars 1923. Toutes les conditions sont réunies ce soir-là : le combat se déroule à Dublin, le jour de la Saint-Patrick et au beau milieu d’une guerre civile fratricide. Le combat va bien au bout des vingt reprises, mais la victoire finale revient inéluctablement à l’Irlandais.
Siki revient combattre en France, mais sa personnalité agace de plus en plus et compromet sa carrière européenne.

Il s’exile aux États-Unis où il meurt abattu de deux balles

Le boxeur Battling Siki, tombeur de Georges Carpentier en 1922 et déchu de ses titres quelques mois plus tard. Était-ce pour des motifs racistes ? (Source : 20mn.fr)

Pris en main par de nouveaux entraineurs, il quitte la France pour les États-Unis avec l’ambition de rencontrer Jack Dempsey, l’autre tombeur de Carpentier. À court de préparation, il affronte l’Afro-américain Kid Norfolk, qui le bat pour son premier combat officiel à New York le 20 novembre 1923. Cette défaite signe la fin de ses prétentions américaines. Siki effectue ensuite une tournée à travers les États-Unis entre 1923 et 1925, au cours de laquelle il dispute près de 27 combats (16 défaites, 1 nul et 10 victoires).
Il découvre au gré de ses déplacements un pays raciste et une boxe dévoyée par l’argent. Il reste cependant fidèle à son comportement provocateur et fantasque, refusant certains combats truqués et les dollars qui vont avec. Une insoumission à un système mafieux qui lui coute sans doute la vie. Dans la nuit du 14 au 15 décembre 1925, il est retrouvé mort, abattu près de son domicile à New York, de deux balles dans le dos. Triste fin pour ce Sénégalais qui a débarqué en Occident à une époque qui ne lui laissait pratiquement aucune chance de survie, avec les préjugés en vogue à l’époque pour un homme de couleur.

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