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FINANCES RDC / IGF : Immersion dans les audits de l’Inspection générale des Finances

« Les rapports de l’Inspection générale des Finances sont « inattaquables ». Nous avons ainsi paraphrasé M. Jules Alingete, Inspecteur général-Chef de service de l’Inspection générale des Finances (IGF), qui s’est exprimé le mardi 6 juillet dernier, dans une interview à Top Congo.

Il nous faut, d’entrée de jeu, mettre un petit bémol à cette affirmation, qui pourrait sembler péremptoire et définitive, si elle est sortie de son contexte. Il est clair que les rapports élaborés par les Inspecteurs des Finances ne sont pas frappés du sceau de l’infaillibilité, à l’instar de la parole d’Évangile. Ils peuvent bien évidemment être remis en cause, notamment, dans le cadre d’une action judiciaire.

Le terme « inattaquable » a pourtant été utilisé. Qu’a donc voulu dire l’Inspecteur général ? M. Jules Alingete s’adressait indirectement à un certain nombre de personnes citées dans ces rapports et qui, depuis un moment, exprimaient, dans les médias, leur désapprobation des méthodes de travail de l’IGF, tout en proclamant leur innocence et en donnant l’impression d’avoir été mis en cause sans qu’ils n’aient eu l’occasion de se défendre.

Dans l’affaire du parc agro-industriel de Bukanga-Lonzo, 285 millions de dollars ont été effectivement décaissés, l’Inspection générale ayant chiffré l’existant à 80 millions de dollars à peine. L’ancien Premier ministre, mis en cause, doit ainsi justifier de la destination de plus de 200 millions de dollars. 
Quant à l’affaire BGFI Bank où un prêt global de 43 millions de dollars a été accordé par la Banque centrale du Congo à une société privée, Egal, appartenant à un proche de l’ancien régime, outre le fait que la procédure était parfaitement illégale, le prêt n’a jamais été remboursé.

Il en est de même du cas des Cartes Visa, où des personnalités politico-administratives retiraient régulièrement des sommes d’argent sans aucune contrepartie en termes de prestation.
La liste est longue ! En réalité, l’Inspecteur général a voulu souligner que les personnes incriminées étaient mal placées pour contester les résultats des audits, en raison de la procédure qui les organise et qui revêt un caractère éminemment contradictoire. 

Le message qu’il leur adresse est en substance le suivant : Messieurs, dans cette procédure, nous avons ensemble posé les prémisses. Ne serait-il pas de simple et logique qu’ensemble nous en tirions les mêmes conclusions ? Arrêtez donc de vous agiter et de faire des déclarations tapageuses et menaçantes dans les médias, mais préparez-vous plutôt à affronter la justice.

L’homme sait de quoi il parle

Expert-comptable agréé, spécialiste en fiscalité et  expert en matière de climat des affaires, M. Alingete est Inspecteur des Finances depuis 1989. Il maîtrise le secteur ainsi que la psychologie des fonctionnaires, mandataires et cadres indélicats, qu’il qualifie de « prédateurs ».
Il est universellement admis, comme une règle administrative incontournable et un principe de droit, qu’aucune sanction ne peut être décidée à l’endroit d’une personne présumée fautive, sans qu’une opportunité ne lui ait été préalablement offerte de s’expliquer.

Le principe du contradictoire signifie simplement que chacune des parties à une procédure de contrôle doit pouvoir être informée des faits qui lui sont reprochés et des dispositions légales qu’elle est censée avoir enfreintes.
C’est le strict respect de ce principe qui rend les conclusions opposables à la personne auditée et qui justifie, en ce qui nous concerne, les propos de l’Inspecteur général selon lesquels « les rapports de l’Inspection générale des Finances sont inattaquables ».

Mission d’enquête de L’IGF
                                                                            
Lorsqu’elle initie un contrôle, en exécution de son programme, à la requête d’une institution politico-administrative ou à la suite d’une dénonciation, l’Inspection générale des Finances procède par la création d’une mission d’enquête comprenant trois inspecteurs au moins.
Elle collecte les données  susceptibles d’éclairer sa lanterne et se retire pour les traiter, avant d »établir une note d’observation qui met en évidence, le cas échéant, les faits de mauvaise gestion et de détournements.

La deuxième étape consiste en une communication de cette note d’observation à l’entité contrôlée, à qui il est demandé de réagir dans un délai de sept jours pour éventuellement donner ses éléments de réponse. Les réactions de l’entité contrôlées sont ensuite examinées et les responsables, accompagnés de leurs principaux collaborateurs, sont invités à l’IGF, où a lieu un débat contradictoire.
À ce propos, explique l’Inspecteur général, « nous leur disons : Voici les faits qui vous sont reprochés, voici vos éléments de réponse. Maintenant, on en discute face à face, point par point. À la fin, l’Inspection tire des conclusions définitives et leur signifie les faits qui sont mis de manière effective et irrévocable à leur charge ».

Pendant toute la procédure, poursuit l’Inspecteur général, les personnes incriminées participent activement aux échanges. L’atmosphère est sereine et on observe des marques de courtoisie, de gentillesse même. C’est quand le contenu définitif leur est communiqué que l’agitation fait place à la sérénité observée pendant les échanges.  
De l’avis de l’inspecteur général : « Il est très regrettable de constater que les prédateurs, les gestionnaires des fonds publics qui détournent s’amusent à distraire les gens.

Nous sommes, ajoute-t-il, dans sorte une de profession de foi, un service supérieur de contrôle placé auprès de l’Exécutif. Nous avons des méthodes de travail légales, approuvées et professionnelles ».

Pourquoi la publicité autour des rapports de l’IGF ?

M. Alingete s’explique sur les raisons de la publicité faite autour des conclusions des travaux d’enquête et de contrôle. À l’en croire, la chose la plus précieuse à laquelle ces gens tiennent, c’est leur crédibilité, leur honneur, leur dignité et leur image auprès du grand public. Ils savent que ce qu’ils font est mal, mais ils sont prêts à tout pour que cela reste secret.
M. Alingete fait néanmoins remarquer que la publicité autour des rapports n’énerve aucune disposition légale, ne fait subir aucune pression sur la justice et a un effet plus dissuasif que n’importe qu’elle autre mesure. Elle a pour objectif final de rendre compte à nos populations, qui sont les vrais propriétaires des fonds détournés.

Certains auront fait le lien entre les performances assez inhabituelles réalisées par les Régies financières, dans la mobilisation des recettes budgétaires et leur collaboration avec l’Inspection générale des Finances, sous la houlette du nouveau ministre des Finances et de la nouvelle équipe gouvernementale.
On le sait, les exemples de bonne gouvernance ont été très rares dans ce pays. Reconnaître à leur juste valeur des gens qui font correctement leur travail est aussi une forme d’expression de son amour pour la patrie.

Emmanuel Victor

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