L’Éthiopie a inauguré le 9 septembre 2025 à Guba, après quatorze ans de travaux, son Grand barrage de la Renaissance (GERD) sur le Nil Bleu, le plus grand ouvrage hydroélectrique d’Afrique qui doit atteindre à terme une capacité de production de 5 150 mégawatts, soit plus du double de celle produite par ce pays jusque là.
Lancé en 2011 pour un montant de 4 milliards de dollars, le GERD est un immense ouvrage de près de 2 kilomètres de large pour 170 mètres de haut, avec une contenance totale de 74 milliards de mètres cubes, selon les derniers chiffres communiqués par l’entreprise italienne Webuild qui l’a construit. Pour le deuxième pays le plus peuplé d’Afrique, où quelque 45% des 130 millions d’habitants n’ont pas accès à l’électricité, il est un gage de « révolution énergétique », selon des experts. Il donnera accès à l’électricité à 40 millions de personnes environ en Éthiopie.
Plusieurs turbines sur les treize prévues sont déjà en activité depuis 2022. En juillet, Addis-Abeba avait annoncé que l’ouvrage était terminé. Le mégabarrage doit atteindre, à terme, une capacité de production de 5 150 mégawatts (MW). Une puissance toutefois largement inférieure à celles des deux plus gros barrages au monde construits en Chine, à savoir les Trois-Gorges (22,5 GW) et Baihetan (16 GW).
Le GERD est également parmi les plus hauts barrages d’Afrique, derrière notamment le barrage de Gilgel Gibe III (243 m) sur le fleuve Omo en Éthiopie, inauguré en 2016, et le barrage de Katse sur la rivière Malibamatso au Lesotho (185 m). Il va permettre à Addis-Abeba de générer d’importantes recettes estimées à 1 milliard de dollars par an, grâce à l’électricité vendue à ses voisins.
Lors de son inauguration, plusieurs dirigeants de la région étaient présents, parmi lesquels le président sud-soudanais, Salva Kiir, qui a d’ailleurs promis de signer un accord avec l’Éthiopie pour l’achat d’électricité en faveur du « plus jeune pays du monde ». Les festivités, retransmises à la télévision publique, étaient agrémentées de feux d’artifice géants et autres essaims de drones, suscitant une pluie de messages de félicitations sur les réseaux sociaux. « Ceci est la vraie prospérité », pouvait-on lire. Ou encore « On a réussi ». Pour le Premier ministre éthiopien, M. Abiy Ahmed, il s’agit d’une « grande réussite pour toutes les personnes noires ».
Une « menace existentielle » pour l’Égypte
Mais le mégabarrage est loin de faire l’unanimité dans ce pays de la Corne de l’Afrique déchiré par plusieurs conflits armés. En dehors d’Éthiopie, le barrage est vertement critiqué par l’Égypte, qui le qualifie de « menace existentielle ». Le GERD se trouve sur le Nil Bleu, qui prend sa source en Éthiopie et s’écoule jusqu’au Soudan, où il rencontre le Nil Blanc pour former le Nil. Le Nil Bleu fournit au final 85 % des eaux du Nil. Or, l’Égypte et ses quelque 110 millions d’habitants dépendent à 97 % du Nil pour leurs besoins hydriques, notamment pour l’agriculture. « Quiconque pense que l’Égypte fermera les yeux sur ses droits en matière d’eau se trompe », a récemment averti le président égyptien, Abdel Fattah Al-Sissi. Le Soudan a également fait part de son inquiétude.
Différentes tentatives de médiation entre les trois pays depuis une décennie, sous l’égide successivement des États-Unis, de la Banque mondiale, de la Russie, des Émirats arabes unis et de l’Union africaine, ont toutes échoué. Mais un conflit ouvert entre l’Éthiopie et l’Égypte est « peu probable », selon les observateurs. « Cela n’affectera en rien votre développement. Nous ne ferons de mal à personne », a rassuré Abiy Ahmed lors de l’inauguration.
Les barrages « libèrent de l’eau pour produire de l’énergie. Ce ne sont donc pas des systèmes d’irrigation qui consomment de l’eau », a encore fait remarquer le PDG de Webuild, Pietro Salini, qui précise qu’« il n’y aura pas de changement dans le débit ».