Depuis la chute de Mouammar Kadhafi et son assassinat le 20 octobre 2011, la Libye est devenue le terrain de jeux de politiciens véreux, de multiples milices armées et de grandes puissances. Celles-ci qu’elles, soient régionales ou internationales, ont fait de la Libye un terrain de rivalités géopolitiques où elles s’affrontent par procuration. Cette globalisation du conflit est devenue le principal obstacle à sa résolution.
Si les images satellites publiées par la société Maxar confirment les affirmations des responsables américains, avec des dégradations significatives et plusieurs impacts des bombes anti-bunker en surface, l’ampleur réelle des destructions souterraines reste encore néanmoins incertaine. Enfouie sous une montagne à 180 kilomètres au sud de Téhéran, l’usine d’enrichissement nucléaire de Fordo était l’une des trois cibles des bombardements américains.
Selon un haut responsable américain cité par le New York Times, six avions de guerre furtifs B-2 ont largué 12 bombes GBU-57 sur le site, capables de pénétrer en profondeur les installations de la République islamique. Ce que semblent attester les images satellites, où l’on distingue six cratères au sommet d’une crête surplombant le complexe souterrain, qui abritait deux salles contenant au moins 2 000 centrifugeuses, dont certaines (IR-6) étaient utilisées pour la production d’uranium enrichi à 60%. Ces cavités se situent à proximité du puits de ventilation, ce qui aurait permis aux bombes d’accéder plus facilement aux lieux profondément enterrés.
Cependant, la destruction souterraine n’a pu être confirmée, a souligné Decker Eveleth, chercheur associé au Center for Naval Analyses, un cercle de réflexion fédéral. La salle contenant ces appareils est « trop profondément enfouie pour que nous puissions évaluer l’ampleur des dégâts à partir de l’imagerie satellite », a-t-il précisé auprès de Reuters. D’autant plus que d’autres clichés, pris le 19 juin, montrent des dizaines de camions positionnés près de l’entrée de Fordo, ce qui conforte la thèse du déplacement de centaines de tonnes d’uranium enrichi ou d’autres équipements vanté par Téhéran.
Déjà visé à de nombreuses reprises par Tsahal depuis le début de la campagne aérienne israélienne contre l’Iran le 12 juin, le complexe de Natanz a lui aussi été bombardé à l’aide de deux bombes GBU-57 par un bombardier B-2. Comme à Fordo, un cratère est parfaitement visible sur les images satellites. Selon Eveleth, les B-2 ont d’abord largué une charge initiale, suivie d’un «double tap» exactement au même endroit.
Les États-Unis ont par ailleurs frappé le Centre de technologie nucléaire d’Ispahan avec deux douzaines de missiles de croisière Tomahawk lancés depuis un sous-marin. « Ils ont été les derniers à frapper Ispahan, afin de conserver l’élément de surprise tout au long de l’opération », a détaillé le chef d’état-major américain, le général Dan Caine, parlant d’une chorégraphie minutieusement planifiée dans le secret le plus total. De nombreux bâtiments endommagés sont visibles en surface, dont la principale installation de conversion de l’uranium.
Des dégâts sont aussi apparents près des tunnels menant au complexe souterrain, relève l’Institute for Science and International Security. Au moins trois des quatre entrées se sont en effet effondrées. Ces armes n’ont toutefois pas pu pénétrer les structures en sous-sol.
Frappes américaines en Iran Le président Trump est-il soutenu dans son pays?

Les frappes historiques des États-Unis sur le sol iranien sont intervenues alors que Donald Trump avait dit se donner deux semaines pour prendre une décision. Le locataire de la Maison Blanche se disait jusqu’ici fier de n’avoir jamais déclenché de guerre. La question divisait jusque dans le camp du président, où certains craignent, depuis ce dimanche 22 juin, de voir leur pays s’empêtrer dans un énième conflit sans fin.
« Quiconque souhaite ardemment que les États-Unis s’impliquent pleinement dans le conflit entre Israël et l’Iran n’est pas un partisan de l’America First ou du mouvement MAGA (Make America Great Again) », avait lancé, le 16 juin, l’une des plus ferventes supportrices de Donald Trump, la représentante de Géorgie Marjorie Taylor Greene, opposée à tout nouvel interventionnisme à l’étranger.
« Étant donné que c’est moi qui ai développé le slogan «America First», et que ce terme n’était pas utilisé avant que je n’arrive, je pense que c’est à moi d’en décider », avait pourtant prévenu dès le 14 juin Donald Trump, qui l’a finalement démontré en bombardant trois sites nucléaires iraniens.
Dans la foulée, le sénateur Lindsey Graham, qui l’avait appelé à « finir le job », a été l’un des premiers à le féliciter. Puis, les chefs de la majorité républicaine à la Chambre et au Sénat, briefés avant les frappes, ont embrayé. Décision « courageuse », « forte », ont ensuite entonné les élus républicains.
« Pas question de déclencher une guerre, mais d’en terminer une »
À l’instar de l’ancien stratège politique de Donald Trump, Steve Bannon, et de l’éditorialiste conservateur à succès Tucker Carlson, la mouvance MAGA s’était montrée très hostile, ces derniers jours, à l’idée de voir des bombardiers furtifs américains B-2 lancer des missiles perforants GBU-57 sur les complexes de Fordo, Ispahan et Natanz. Mais depuis les frappes, l’heure est à l’unité dernière le Commander in Chief, dans les rangs. « Après que le président a publié sur Truth Social l’annonce du bombardement de l’Iran par les États-Unis, plusieurs critiques républicains ont salué ces frappes, les qualifiant d’’’action limitée’’ », constate le site internet Politico, qui a recensé ces réactions, comme le quotidien The New York Times.
« L’Iran n’a laissé aucun choix au président Trump », défend par exemple le militant Charlie Kirk, pourtant qualifié de virulent critique contre les « bellicistes » du camp républicain. Sur le réseau social X, il écrit qu’il s’agissait d’une « frappe chirurgicale, parfaitement menée ». « Le président Trump a agi avec prudence et détermination », salue-t-il. Idem pour l’ancien représentant républicain de Floride Matt Gaetz, qui craignait que le conflit au Moyen-Orient ne se transforme en guerre sans fin pour son pays, et qui a changé d’avis. « Le président Trump veut fondamentalement que ce soit comme l’attaque de Soleimani : une seule fois et c’est fait », veut maintenant croire celui qui salue « Trump, le pacificateur ».
Le sénateur républicain Tim Sheehy, du Montana, membre de la commission sénatoriale des forces armées, doutait de la capacité de l’arsenal américain à venir à bout des installations enterrées de Fordo. Il parle désormais de « bonne décision », après l’opération Midnight Hammer : « Aux sceptiques, pas question de déclencher une guerre, mais d’en terminer une ». Plusieurs figures avaient pris le soin de s’adresser à la mouvance isolationniste pour la rassurer avant les raids. Le sénateur de l’Arkansas Tom Cotton, notamment, reconnaissant que le Congrès avait « son mot à dire » en matière d’emploi de la force armée, avait insisté sur le fait que c’était d’abord au président de « donner le ton ».
« Pourquoi est-ce qu’on donne la priorité à un autre pays ? »

Le vice-président J.D. Vance, surtout, s’était efforcé de déminer le terrain dès le 17 juin. Observant « beaucoup de choses insensées sur les réseaux sociaux », il avait insisté sur le fait que le président avait jusqu’ici « fait preuve d’une remarquable retenue en maintenant comme priorité pour notre armée la protection de nos troupes et de nos citoyens », mais qu’il « pourrait décider de prendre de nouvelles mesures pour mettre fin à l’enrichissement iranien ».
Roger Wicker, président républicain de la commission des forces armées au Sénat, salue l’opération, même s’il estime que les États-Unis sont maintenant face à « des choix très sérieux ». Jim Risch, président républicain de la commission des Affaires étrangères de la chambre haute, tente de justifier le choix présidentiel également, tout comme Mike Johnson, président républicain de la chambre basse du Congrès. John Thune, chef de la majorité républicaine au Sénat, affirme laconiquement : « Je soutiens le président Trump. » En revanche, Thomas Massie, représentant républicain conservateur du Kentucky, estime que cette intervention à l’étranger « n’est pas constitutionnelle », en l’absence d’aval parlementaire.
Une bonne partie des MAGA « ne sont pas contents de ce qui s’est passé », insiste Steve Bannon, qui fait remarquer que sur les réseaux sociaux, ces partisans du président laissent éclater leur « colère ». Pour l’ancien proche du locataire de la Maison Blanche, ce dernier, au-delà de sa brève allocution au peuple américain, « doit parler » à sa base. « Je pense qu’il réussira à embarquer les MAGA avec lui mais il lui va lui falloir faire beaucoup de pédagogie et aller au fond des choses », estime l’homme d’affaires. « La génération Z demande vraiment : «Pourquoi est-ce qu’on donne la priorité à un autre pays alors qu’on a des problèmes chez nous ?» », résume Jack Posobiec, commentateur de droite radicale en vue.
« Prions pour que nous ne soyons pas attaqués par des terroristes »
Côté démocrate, l’argument de la constitutionnalité soulevé par libertarien Thomas Massie domine unanimement. Pour Max Rose, ancien membre du Congrès et conseiller du groupe progressiste de vétérans VoteVets, cette décision est « illégale ». « Le président Trump a induit le pays en erreur sur ses intentions, n’a pas demandé l’autorisation du Congrès pour recourir à la force militaire et risque d’entraîner les États-Unis dans une guerre potentiellement désastreuse », explicite le chef des démocrates à la Chambre, Hakeem Jeffries, ajoutant que le président portera « l’entière responsabilité de toutes les conséquences négatives découlant de son action militaire unilatérale ».
Une élue, la progressiste radicale Alexandria Ocasio-Cortez, va un cran plus loin, estimant que ce qu’il s’est passé constitue « incontestablement un motif clair de destitution » de Donald Trump.
En phase avec nombre de citoyens américains de tous bords, la républicaine Marjorie Taylor Greene écrit sur X : « Unissons-nous et prions pour la sécurité de nos troupes américaines et des Américains au Moyen-Orient. Prions pour que nous ne soyons pas attaqués par des terroristes sur notre territoire (…) ».
« Je pense qu’il y a un large soutien quand même »

Rétrospectivement, au fil des déclarations successives de Donald Trump depuis le G7, et notamment ses commentaires à l’adresse de son homologue français, Emmanuel Macron, il apparaît que le président américain pourrait en fait avoir pris la décision de frapper des cibles iraniennes assez tôt dans le conflit en cours avec Israël, tentant par la suite de brouiller les pistes jusqu’au tout dernier moment.
Donald Trump « avait loué la paix. Il avait promis un nouvel âge d’or au Moyen-Orient. Il avait flatté les pétromonarchies arabes sunnites du Golfe tout en critiquant l’Iran, incapable de se moderniser. Mais il se faisait un messager de paix. Il disait qu’il voulait aller négocier avec l’Iran et qu’il obtiendrait un accord sur le nucléaire. La stratégie a totalement changé, mais il retombe sur ses pattes en disant qu’il a fait cela pour la paix.