Kamala Harris est brusquement passée de l’ombre à la lumière, après le coup de tonnerre pourtant attendu dans les rangs des démocrates : Joe Biden a finalement jeté l’éponge pour laisser à sa colistière Kamala Harris le soin de devenir la candidate du parti à la présidentielle américaine du 5 novembre 2024.
C’est depuis des mois que le désistement du président Joe Biden, 81 ans, était souhaité au sein même de son parti, où les caciques le poussaient à décider de ne plus être candidat pour la présidentielle américaine. En effet le plus vieux candidat jamais connu avait multiplié les bourdes dans des cénacles officiels, jusqu’à s’emmêler les pinceaux et s’affaler par terre sur le podium d’un meeting. Autant d’événements tragiques qui ont fait douter de « ses capacités cognitives » pour diriger l’Amérique.
Le coup de grâce a été asséné lors de son débat face à Trump, unanimement jugé désastreux. Le temps de résister vainement aux attaques, Joe Biden a chopé le Covid, qui l’a forcé à quitter la campagne pour un repos médical et, finalement, à jeter l’éponge.
« J’ai décidé de ne pas accepter la nomination et de me concentrer sur mes tâches en tant que Président pour le reste de mon mandat. Ma toute première décision comme candidat du parti en 2020 a été de choisir Kamala Harris comme ma vice-présidente. Et cela a été la meilleure décision que j’ai prise. Aujourd’hui je voudrais offrir mon soutien total à Kamala pour être la candidate du Parti démocrate. Il est temps de nous unir et battre Trump », a partagé le président Joe Biden sur son compte X, le 21 juillet.
Donald Trump venait ainsi de perdre son rival le plus cher et devra ainsi compter sur son plus terrible cauchemar, la vice-présidente Kamala Harris, du coup projeté sur le devant de la scène américaine et mondiale.
Kamala Harris, 59 ans, à même de battre Trump
Après le désistement de Joe Biden, son rival Donald Trump se voit aujourd’hui affublé du qualificatif peu flatteur de « candidat le plus vieux de tous les temps ».
À quatre mois des élections, Kamala Harris hérite du fauteuil laissé vacant pour devoir affronter l’ex-président républicain le 5 novembre prochain. Le compte à rebours est lancé. Mais qui pour l’emporter ? Voici ce que disent les sondages publiés le 28 juillet, à 100 jours du scrutin.
Si la vice-présidente n’a pas encore été officiellement désignée par son parti, tout indique qu’elle sera choisie, lors de la convention démocrate du 19 au 22 août. Sa popularité a explosé depuis qu’elle a remplacé au pied levé Joe Biden, laissant peu de place à un autre prétendant de se déclarer candidat.
Au vu de l’avance qu’avait accumulée son rival Donald Trump après le débat catastrophique de Joe Biden, une autre candidature démocrate serait inappropriée.
Alors que Trump déclarait que « c’est même plus facile de battre Kamala Harris », cette dernière a reconnu le 27 juillet qu’elle était « l’outsider » face au républicain. Mais tout laisse à penser qu’elle a une carte à jouer.
Le sondage New York Times/Siena College du 21 juillet dernier, jour du retrait de Joe Biden, le président démocrate accusait un retard de trois points sur Donald Trump (44 % contre 47 %). Début juillet, l’écart était même de six points, un chiffre dramatique, alors que les deux adversaires étaient au coude-à-coude jusqu’au débat sur CNN.
C’est à partir de là que le nom de Kamala Harris est revenu avec insistance. Elle-même peu populaire, rien ne laissait penser à une percée dans les sondages.
Pourtant à ce stade, la candidature de Kamala Harris semble avoir été un choix stratégique payant pour les démocrates. Une enquête du quotidien new-yorkais datée du samedi 27 juillet montre qu’elle est mieux placée que Biden : son retard n’est plus que de deux points de pourcentage face à Trump (46 contre 48 %).
De nombreux autres sondages ont été réalisés ces derniers jours. HarrisX/Forbes place ainsi Donald Trump deux points devant la vice-présidente (46 contre 48 %) tandis que celui de CNN/SSRS estime cet écart à trois points (46 contre 49 %).
Une victoire de Kamala Harris pour Ipsos/Reuters et Morning Consult
À l’inverse, Ipsos/Reuters voit Kamala Harris gagner de deux points (44 contre 42 %). Juste avant l’abandon de Joe Biden, Reuters voyait Trump gagner avec deux points d’avance. Morning Consult voit également Harris l’emporter, mais ne lui donne qu’un point d’avance. Ce qu’il faut retenir, c’est même si Trump conserve une petite avance, le combat s’annonce serré.
C’est en réalité dans les États-clés (« swing-states ») que l’élection va se jouer, à savoir l’Arizona, la Pennsylvanie, le Wisconsin, le Michigan et la Géorgie, qui peuvent basculer d’un côté comme de l’autre.
La moindre voix va être capitale, comme le démontre une étude menée par le Emmerson College pour le site The Hill.
Dans tous les États cités, sauf le Wisconsin où les deux candidats sont à égalité, Donald Trump mène la danse. À peu de choses près : comme au niveau national, l’écart entre les deux est de 1 ou 2 points de pourcentage. Une exception avec l’Arizona, où Trump devance largement Harris (4 points).
Les électeurs les plus décisifs sont ceux qui n’ont pas encore décidé pour qui voter, ceux qualifiés de « undecided » dans le sondage d’Emmerson College. Et ils sont nombreux : 7 % en Arizona, en Pennsylvanie et en Géorgie, et même 9 % dans le Michigan. Autant d’Américains qui peuvent encore faire basculer le résultat de l’élection au dernier moment.
De même, beaucoup de rebondissements peuvent encore modifier la donne pendant la campagne. Par exemple, le troisième larron de cette présidentielle, Robert F. Kennedy Jr, va-t-il se maintenir ? En cas de désistement, pour qui va-t-il appeler ses électeurs à voter ?
Les vieux démons refont surface
Après la décision de Joe Biden de renoncer à se représenter et de laisser la place à sa vice-présidente Kamala Harris, une vague de désinformation a ciblé la candidate démocrate. Une vieille infox a notamment refait surface, prétendant qu’elle serait inéligible à la présidence en raison des origines jamaïcaine et indienne de ses parents. Cependant Kamala Harris est bien Américaine, née en Californie, et remplit donc toutes les conditions requises par la Constitution américaine pour briguer la présidence.
Il faut savoir que la présence de Kamala Harris rabat complètement les cartes au moment où Trump avait tout un boulevard devant lui face un Biden affaibli. Après des semaines de doutes, l’unité des démocrates derrière la vice-présidente a radicalement remodelé une course jadis dominée par l’ex-président républicain.
Parmi les fausses informations à son sujet, de nombreuses allégations assurent que la démocrate ne serait pas éligible à la présidence des États-Unis. Sur le réseau social X, on peut lire : « Au moment de la naissance de Kamala, ses parents n’étaient pas citoyens américains. C’étaient des étudiants étrangers. Au moment de sa naissance, elle était la fille de non-citoyens. Ça fait d’elle une citoyenne de papier. Elle n’a pas le droit ». Une information qui avait déjà circulé en 2020 lorsque Joe Biden l’avait désignée comme colistière.
Kamala Harris est née aux États-Unis
Le père de Kamala, Donald Harris, est né en Jamaïque, alors que sa mère, Shyamala Gopalan, est originaire du sud de l’Inde, comme la vice-présidente démocrate l’a elle-même écrit dans son autobiographie. Mais l’on sait que cela n’a aucune incidence sur son droit constitutionnel à être présidente.
L’article 2, section 1 de la Constitution américaine consultée par la presse dispose qu’« aucune personne, excepté un citoyen de naissance » ne peut prétendre à la présidence. Cette seule disposition devrait clore le débat. Kamala Harris est bien née sur le sol américain, à Oakland en Californie.
Kamala Harris n’aurait d’ailleurs pas pu devenir vice-présidente si elle ne remplissait pas ces conditions, comme l’expliquait en 2020 David A. Super, professeur de Droit et d’Économie à l’université de Georgetown. Il soulignait déjà qu’« aucune personne constitutionnellement inéligible au poste de président, ne peut être éligible au poste de vice-président des États-Unis », aux termes du 12ème amendement à la Constitution.
Aux États-Unis, le « citoyen de papier » (« anchor baby » en anglais) est un terme péjoratif utilisé pour désigner un enfant né de parents immigrés ou étrangers dans un pays qui applique le droit du sol et qui, en tant que citoyen, pourrait procurer des avantages à des parents.
Mais le droit du sol s’applique indépendamment des origines des parents et n’a pas d’influence sur l’éligibilité ou non. À l’exception des enfants de diplomates, tout individu né aux États-Unis est citoyen américain même si ses parents sont étrangers.
Dans ses mémoires « The Truths We Hold », ecrits en 2019, Kamala Harris parle de son père économiste d’origine jamaïcaine et sa mère spécialiste du cancer du sein en Inde, décédée d’un cancer en 2009.
L’ex-président Barack Obama avait été lui aussi victime de fausses accusations similaires alors qu’il était candidat.
La série de bourdes qui ont contraint Joe Biden au renoncement en faveur de Kamala Harris
Entre le débat désastreux face à Donald Trump le 27 juin, sa confusion entre Poutine et Zelensky, les erreurs à répétition ont semé le doute au sein même du camp démocrate. Le 21 juillet, soit à peine quatre mois avant le scrutin, le président Biden, également testé positif au Covid, mettait un terme à une campagne déjà jugée désastreuse.
La première bourde remonte à juin 2023, lorsque pour parler de la guerre en Ukraine, il évoque… la guerre en Irak pourtant terminée depuis 12 ans. Lorsqu’on lui demande en quoi Vladimir Poutine a été affaibli, Joe Biden répond : « C’est difficile à dire mais il perd clairement la guerre en Irak ».
Le 6 février 2024, lors d’un meeting à Las Vegas, il confond Emmanuel Macron et François Mitterrand, mort il y a près de 30 ans. Joe Biden qui relatait une discussion au G7 en Angleterre, en 2021 après sa prise de fonction à la Maison Blanche, déclare : « Juste après avoir été élu, je me suis rendu à une réunion du G7. C’était dans le sud de l’Angleterre, je me suis assis et j’ai dit : “l’Amérique est de retour” ». Il ajoute alors : « Et Mitterrand d’Allemagne… Je veux dire de France, m’a regardé et m’a dit… », avant de chercher ses mots pendant un court instant.
Quelques jours plus tard, il se trompait de pays, désignant Abdel-Fattah al-Sissi comme « le président du Mexique » alors que celui-ci est le président d’Égypte depuis 2014.
Mais c’est assurément ce débat face à Donald Trump qui va sonner le glas. Arrivé sur scène dans une démarche raide, le président de 81 ans, visiblement fatigué et au bord de l’effondrement, prend la parole avec une voix cassée et loin d’être énergique, devant ses partisans médusés.
Joe Biden commence à parler du Covid, puis dérive et débite des chiffres astronomiques sur les « millionnaires, pardon, les milliardaires », avant de complètement perdre le fil et de conclure : « Nous avons finalement battu Medicare (programme d’assurance santé pour les plus âgés) ». Un lapsus qu’il tentera de justifier par un état de fatigue dû à de nombreux voyages. Le camp démocrate parle désormais ouvertement de remplacer son candidat.
Présentant le chef de l’État ukrainien, il annonce : « voici le président Poutine »
Lors du sommet de l’Otan le 11 juillet, lorsqu’il veut introduire le président ukrainien, Volodymyr Zelensky, il déclare : « Mesdames et messieurs, le président Poutine ». La salle commence à applaudir, tandis que le démocrate de 81 ans se rend compte de son erreur. Il revient alors vers le micro et rectifie : « Il va battre le président Poutine. Le président Zelensky. Je suis tellement concentré sur le fait de battre Poutine ». Zelensky prend cette bourde monumentale sur le ton de la blague et déclare : « Je suis mieux » que Poutine.
Quelques heures plus tard, il récidive. À une question lors d’une conférence de presse qu’il convoque pour tenter de prouver qu’il dispose encore des capacités pour demeurer le candidat démocrate, Joe Biden confond sa vice-présidente Kamala Harris avec Donald Trump, cette fois sans se rendre compte de son erreur. « Ecoutez, je n’aurais pas choisi le vice-président Trump si elle n’était pas qualifiée pour être présidente », avait-il déclaré.
La coupe était pleine. Les doutes s’étaient installés sur l’état de santé du candidat, s’emmêlant les pinceaux et ne parvenant parfois pas à finir ses phrases. Le Covid est venu mettre un terme au spectacle douloureux et au cauchemar démocrate.
On a remarqué assez tard cette sinistre pantalonnade due à une crise de sénilité. Car il y a déjà 8 mois au Vietnam, lors d’une conférence de presse sur le climat, Joe Biden s’était mis à parler de John Wayne et des Apaches, avant que l’attaché de presse de la Maison Blanche ne lui coupe la parole et ne décrète la fin du spectacle.