Accueil Économie Relance de l’économie africaine : A quand l’Afrique ?

Relance de l’économie africaine : A quand l’Afrique ?

L’Afrique n’est pas sortie de l’auberge. Pour la relance de son économie post covid19, c’est la France qui a mis la main à la pâte, pour convoyer les dirigeants africains à un sommet sur la question. Encore une fois de plus, Paris joue les prolongations dans la main mise sur les économies africaines.

Les chefs d’Etat africains semblent avoir confié leur destin à la France. Comme toujours d’ailleurs. Même pour réfléchir aux voies et moyens de relancer leur économie après la pandémie, il a fallu que Paris prenne les devants.

Le président français Emmanuel Macron a organisé le mardi 18 mai 2021 un sommet sur le financement et la relance des économies africaines, un an après la crise sanitaire du Covid-19. L’espoir d’un nouveau départ économique peut-il venir de Paris ? Le produit intérieur brut (PIB) des pays africains devrait connaître en 2021 sa première récession depuis 25 ans, avec un recul de 2,1% selon la Banque mondiale.

Dans le but de mettre en place des moyens financiers susceptibles de relancer l’économie du continent noir, le chef de l’État français, Emmanuel Macron a invité à Paris le mardi 18 mai 2021, une quinzaine de dirigeants africains, de hauts responsables européens et des représentants d’organisations internationales.

S’inspirant de la politique du président américain Franklin D. Roosevelt (New Deal), Emmanuel Macron propose l’injection de crédits supplémentaires et d’un moratoire sur les dettes. C’est une intervention nécessaire, selon lui. Sans laquelle le continent africain fera toujours «face à la pauvreté» à cause de la «réduction des opportunités économiques, une migration subie et l’expansion du terrorisme».

Le sommet de Paris peut-il réellement sauver l’économie
africaine ?

Selon le Fonds monétaire international (FMI), les besoins de financement de l’Afrique pour la période 2020-2023 restent importants. Ils s’élèveraient à environ 1 200 milliards de dollars soit 600 000 milliards FCFA. Or le FMI doit émettre pour l’Afrique, sur recommandation de l’Élysée, des DTS (droits de tirage spéciaux) d’une valeur de 34 milliards de dollars (17 000 milliards FCFA). Une aide jugée insuffisante, selon les experts.

Si à Paris, capitale française, la communauté internationale tente d’apporter un nouveau souffle à l’économie africaine, sur le continent certains intellectuels ne croient pas à ce plan de relance du président Emmanuel Macron. « Avant de prendre des mesures pour la « relance » de l’économie africaine, le président français devait tenir compte des aspirations démocratiques des Africains. Il doit abandonner son soutien aux autocrates du continent…

Ce sommet n’apportera rien de plus à l’Afrique tant que la France ne renonce pas à sa politique néocoloniale…il faut plutôt permettre aux Africains, surtout ceux de la zone FCFA de créer leur propre monnaie. C’est cela la vraie solution pour la relance économique de l’Afrique, précisément ceux des pays de la zone FCFA », selon Marius Thano, un monétariste et consultant.

Pour le sociologue Paul Dago, ancien consultant à l’ex-ONUCI, la pandémie du Covid-19 fait plus de dégâts économiques que sanitaires en Afrique. Mais, toute relance de l’économie du continent, dit-il, passe par « la rééducation des dirigeants et de la société africaine ».

«La Covid-19 a certes affecté l’économie africaine, mais sachez que tant qu’en Afrique on ne fait pas la promotion de la démocratie et de la bonne gouvernance, 1000 sommets pour la relance de l’économie ne pourront rien apporter de positif à nos économies», soutient le sociologue Dago.

L’Afrique a subi l’an dernier sa première récession (-2,1 %) en un quart de siècle à cause du Covid-19. Pas vraiment par suite des dégâts sanitaires, puisque le continent a enregistré officiellement 130.000 décès, moins que le seul Royaume-Uni, ou de l’impact des restrictions, moins sévères qu’ailleurs.

Mais le continent noir a vu ses exportations vers les pays occidentaux s’effondrer. Certes, un rebond de 3,4% est attendu cette année, et de 4% l’an prochain. Mais une relance durable du continent passe par la résolution du problème récurrent du financement de son économie, thème du sommet qui s’ouvre ce mardi à Paris sous présidence française.

Un projet né à l’Elysée au profit des Africains

Le comble dans ce projet est le fait qu’il a été conçu hors de l’Afrique au profit de l’Afrique. Or, les africains sont les mieux placés pour connaître de leurs problèmes et résoudre leurs problèmes. Seuls les Africains doivent comprendre que personne ne fera leur bonheur à leur place.

Car, ce n’est pas en cassant le thermomètre que l’on fera baisser la fièvre. Une quinzaine de chefs d’Etat africains (Afrique du Sud, Angola, République démocratique du Congo, Côte d’Ivoire, Egypte, Ethiopie, Mauritanie, Mali, Tunisie, etc.) ont été à ce sommet, en sus des chefs de gouvernement italien et portugais, des dirigeants de l’Union européenne, de la Banque mondiale, de la Banque africaine de développement, de l’OCDE, de l’Organisation mondiale du commerce, de la BERD, du FMI et de représentants de haut niveau chinois et américain.

L’idée de ce sommet avait germé à l’Elysée à l’automne quand le FMI avait estimé que l’Afrique risquait de manquer de financement, jusqu’à 290 milliards de dollars d’ici à 2023.

Le sommet a planché sur les modalités d’annulation ou de restructuration d’une partie de la dette des pays africains dans la foulée de celle demandée par la Zambie, le Tchad et l’Ethiopie.

Dans une tribune commune en avril, une vingtaine de chefs d’Etats africains avaient réclamé un moratoire sur la dette publique et une sanctuarisation de l’aide au développement, afin notamment de permettre l’achat de matériel médical pour lutter contre le Covid-19.

Les partenaires de l’Afrique ont bien conscience, comme le souligne la présidence française, qu’une relance fondée sur un nouveau cycle d’endettement public ne « mènerait nulle part ». Si la dette des Etats africains, entre 35 % et 50 % du PIB, est inférieure, rapportée au PIB, à celle de leurs homologues occidentaux, elle est lourde à refinancer.

De fait, la collecte fiscale permettant d’en honorer le service est relativement faible en proportion du PIB en raison notamment du poids de l’économie grise, reflet d’une méfiance des populations. La lutte contre ces fléaux et l’affermissement du droit de propriété sont autant de questions abordées lors du sommet.

Les PME moteurs de la relance

Autre thème majeur du sommet, l’amélioration impérieuse de l’accès au crédit des PME africaines, moteur de la croissance du continent depuis des décennies. L’Afrique n’a pas les moyens de lancer un plan de relance post-Covid comme celui des EtatsUnis (2.000 milliards de dollars) ou de l’Union européenne (750 milliards d’euros).

L’Elysée fonde donc de grands espoirs sur l ‘émission de droits de tirages spéciaux (DTS), une quasi-monnaie du Fonds monétaire international. Elle est politiquement acquise et sera validée juridiquement en juin. Cette émission, la quatrième de l’histoire du FMI, devrait atteindre l’équivalent de 650 milliards de dollars, près de 2,5 fois plus que la dernière émission lors de la crise financière de 2009.

Cette injection de liquidités permettra d’acheter des devises classiques, de réduire la dette ou d’importer des produits essentiels. Les quotes-parts de l’Afrique au FMI devraient lui permettre de bénéficier de 34 milliards de DTS (Droits de Tirages spéciaux), dont 24 milliards pour l’Afrique subsaharienne, mais c’est insuffisant, estime la présidence française. Pourquoi les pays riches, qui n’ont pas vraiment besoin de ces DST, n’utiliseraient pas leur part au profit de l’Afrique ?

L’Elysée suggère, puisqu’un prêt direct aux pays est interdit par les statuts du FMI, de passer par une des filiales de ce dernier, le Fonds pour la réduction de la pauvreté et la croissance (FRPC) pour l’octroi de crédits à taux nul ou de crédits à dix ans avec cinq ans de grâce pour les remboursements.

Alexandre Kragueu

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