Près d’un milliard de personnes à travers le monde sont touchées par l’obésité, selon une estimation publiée dans la revue médicale britannique The Lancet et effectuée avec la collaboration de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) à l’occasion de la Journée mondiale de lutte contre l’obésité.

L’étude pointe une accélération du fléau dans des pays à revenus faibles ou intermédiaires, notamment en Afrique. L’« épidémie » a progressé « plus rapidement qu’anticipé », selon le Pr Francesco Branca, directeur du département Nutrition pour la santé et le développement de l’OMS, lors d’une conférence de presse fin février.
Le franchissement du seuil du milliard de personnes concernées était initialement envisagé vers 2030, selon le Pr Majid Ezzati de l’Imperial College de Londres, l’un des principaux auteurs de l’étude réalisée par la revue médicale britannique The Lancet en collaboration avec l’OMS.
Selon cette vaste étude, entre 1990 et 2022, le taux d’obésité dans la population a quadruplé parmi les enfants et les adolescents, et doublé parmi les adultes. Un taux qui a quasiment triplé chez les hommes et doublé chez les femmes. Plus inquiétant encore, cette maladie touchait en 2022 près de 160 millions d’enfants et d’adolescents (94 millions de garçons et 65 millions de filles). Quelque 30 ans plus tôt, ils étaient 31 millions.

« Double fardeau »

Aux termes de la même étude, certains pays à revenus faibles ou intermédiaires affichent désormais des taux d’obésité supérieurs à ceux de beaucoup de pays industrialisés, notamment d’Europe. Ne pas manger assez, mais aussi manger mal : nombre de pays à faible et moyen revenu connaissent en effet le « double fardeau » de la sous-alimentation et de l’obésité, particulièrement en Afrique. Alors qu’une partie de leur population n’a toujours pas accès à un nombre de calories suffisant, quand une autre n’a plus ce problème mais son alimentation est de mauvaise qualité.
En 2022, une étude de l’OMS, qui alertait sur cette « bombe à retardement » pour la santé publique, pointait dix pays particulièrement touchés, la plupart en Afrique australe : le Botswana, l’Eswatini, le Lesotho, l’île Maurice, la Namibie, les Seychelles et l’Afrique du Sud. Mais aussi, plus au nord : le Gabon, la Mauritanie et l’Algérie, cette dernière détenant le record du nombre de personnes obèses sur le continent.
En 2021, la FAO indiquait qu’au Gabon, alors que 18% des enfants de moins de 5 ans souffrent de malnutrition chronique, 40% des adultes sont en surpoids.
« J’ai pris énormément de poids en dix ans », témoigne Ruth, 30 ans, de Libreville. « Je pense que mon poids a quasiment doublé. Je suis passée de 52 kg à quasiment 105 kg aujourd’hui. Je n’ai jamais consulté, mais je sais que j’ai un problème de poids ».
Si Ruth, diabétologue et spécialiste des maladies non transmissibles au Gabon, ne se fait pas particulièrement de souci, le Dr Éric Baye s’inquiète lui des conséquences de l’obésité, notamment chez les enfants. Selon une étude de l’Unicef et du ministère de la Santé de 2022, 35% des élèves dans les principales villes du Gabon souffraient d’obésité.
« Nous sommes très inquiets de la prévalence de l’obésité dans les écoles, notamment les grandes villes où nous constatons des obésités sévères, morbides chez le tout jeune », souligne-t-il.

Modes de vie occidentalisés

En Afrique, l’insécurité alimentaire mène aussi à l’obésité (Source : slateafrique.com)

Maladie chronique complexe et multifactorielle, l’obésité s’accompagne d’une augmentation de la mortalité due à d’autres pathologies, des maladies cardio-vasculaires, du diabète et certains cancers. La pandémie de Covid-19, où le surpoids était un facteur de risque, en a été une illustration. « L’obésité va être un facteur de risque de plusieurs pathologies, notamment l’hypertension artérielle, qui est un problème crucial en Afrique, énumère Colette Azandjeme.
Avec le cortège d’accidents vasculaire-cérébral, des fractures du myocarde et de toutes les autres maladies cardiovasculaires. L’obésité, avec toutes les perturbations endocriniennes qui s’ensuivent, est aussi un facteur de risque important pour les cancers.
La prévalence de cancers croît. C’est un phénomène qui n’était pas très connu il y a quelques années mais de plus en plus, on compte des cas de cancers, notamment des cancers féminins, cancers du sein, cancers de l’utérus, des cancers chez l’homme comme le cancer de la prostate et d’autres types de cancers comme les cancers infantiles.
Aussi, l’obésité est un facteur de risque important du diabète. Et il y a des pays qui ont des prévalences plus élevées, notamment en Afrique du Nord et en Afrique du Sud ».

Le mode de vie est devenu plus sédentaire

La malbouffe, une des causes de l’obésité (Image : togotopnews.com)

L’obésité touche d’abord les habitants des zones urbaines, même si désormais les zones rurales ne sont pas épargnées. Malbouffe et sédentarité sont pointées du doigt. Parmi les causes, Colette Azandjeme, professeure de Santé publique et nutritionniste à l’hôpital de la mère et de l’enfant de Cotonou, au Bénin, pointe « la transition nutritionnelle qui fait que le mode de vie a changé et s’occidentalise, explique-t-elle.
Nous passons d’une alimentation qui est beaucoup plus traditionnelle à une alimentation européanisée, dense en énergie. On est exposé à des aliments de plus en plus transformés, ultra-transformés ».
En parallèle, le mode de vie est devenu plus sédentaire : « il y a très peu d’activité physique pour compenser, commente la professeure.
Au fil du temps, nous avons perdu l’habitude de marcher beaucoup. Il y a plus de motos, plus de voitures. On s’assoit plus longtemps devant le téléviseur. On adopte des activités qui sont plutôt bureaucratiques : dans la vente, dans le commerce où on s’assied plus longtemps. »
À cela s’ajoute le manque de sommeil et un stress accru. Un cocktail qui favorise l’augmentation de l’obésité.
Taxer les boissons sucrées, subventionner les aliments bons pour la santé, limiter le marketing d’aliments malsains auprès des enfants, encourager l’activité physique… Des actions trop peu utilisées mais qui permettraient, selon l’OMS, de freiner la progression de ce fléau.

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