L’ambassadeur de la République démocratique du Congo, M. Christian Ndongala Nkuku, a accordé à Onésha Afrika, mi-août, soit un an et demi après sa nomination en qualité de plénipotentiaire au Benelux et auprès de l’Union européenne, une importante interview au cours de laquelle il est revenu sur les grands événements ayant marqué son mandat durant cette période.
– M. l’ambassadeur Ndongala: « J’ai eu un privilège inouï de vivre, dès la première année de mon arrivée à Bruxelles en qualité de chef de Mission diplomatique, plusieurs événements marquants dans l’histoire des relations entre la RDC et la Belgique, que l’on pourrait qualifier de tournant historique en raison du caractère exceptionnel de ces faits. Parmi eux, le réchauffement des relations entre la RDC et les pays du Benelux, brutalement interrompues pendant plus de cinq ans en raison de bisbilles entre les gouvernants congolais et belges notamment.
Ce renforcement des relations entre la RDC et les pays du Benelux, c’est celui qui a eu comme conséquence, entre autres la visite du roi Philippe et de la reine Mathilde en RDC en juin 2022, et qui fut le point de bascule des relations diplomatiques entre nos deux états.
De l’avis de tous les analystes politiques, la visite du couple royal belge en RDC, dont le souvenir demeure impérissable dans le chef des Congolais, constitue une victoire politique pour le président Tshisekedi, qui a réussi ainsi à briser l’isolement diplomatique dans lequel était plongé le pays, consacrant, pour ainsi dire, le retour de la RDC sur la scène internationale.
Il est indispensable de souligner que le roi Philippe avait saisi cette opportunité pour réitérer l’expression de ses regrets au peuple congolais pour tout le mal commis par la Belgique pendant la période coloniale. Je rappelle que le roi l’avait déjà fait une première fois, le 30 juin de l’année précédente, à l’occasion de la célébration de l’indépendance de notre pays, dans un message qu’il avait adressé au président Tshisekedi.
Un autre temps fort dans cette spirale dynamique de relations diplomatiques entre la Belgique et la RDC demeure, incontestablement, la restitution de la dépouille de Lumumba, 1er Premier ministre du Congo, plus de 61 ans après sa mort, suivie de son rapatriement en RDC pour son inhumation.
Ici également, ce fut une cérémonie exceptionnelle empreinte d’émotion, au cours de laquelle le Premier ministre belge Alexander de Croo avait reconnu la responsabilité de la Belgique et avait présenté ses excuses à la même occasion, au nom du gouvernement belge, pour son implication avérée dans la mort de Lumumba.
Le rapatriement des restes de Patrice-Emery Lumumba
M. l’ambassadeur: « Ce fut, là aussi, un moment d’une sensibilité particulière, qui s’était déroulé le 30 juin 2022 au Palais d’Egmont. Une veillée à l’africaine avait également été organisée dans la salle de banquet de notre Mission diplomatique à Bruxelles en mémoire de cette figure historique de l’indépendance congolaise. Cette cérémonie a eu le mérite de permettre à la famille de l’illustre disparu et au peuple congolais de faire son deuil.
Les déplacements dans les différents palais du Benelux sont autant de tableaux hautement symboliques, des moments extrêmement émouvants du double point de vue de proximité humaine et de rapprochement diplomatique entre les États. Cela révèle une évolution de la politique étrangère de la RDC ; cela veut dire également que la situation est revenue à la normale et que le pays a retrouvé la place qui lui revient sur la scène internationale consacrant pour ainsi dire la sortie de l’isolement diplomatique dans lequel était plongé le pays.
Je ne peux m’empêcher de noter un autre fait marquant, il s’agit de la signature à Bruxelles, en juin 2022, des accords de coopération interparlementaire entre les deux chambres belges et leurs homologues de la RDC, en l’occurrence l’Assemblée nationale et le Sénat.
Je me dois de signaler, pour clore ce chapitre, la tenue en décembre 2022, de la 4ème session de la Commission mixte entre la RDC et la Belgique qui a été consacrée par la signature au Palais d’Egmont, à Bruxelles, d’une convention spécifique pour l’amélioration structurelle et durable des conditions de vie des populations congolaises ».
Les Pays-Bas, un acteur important pour la défense des intérêts du Congo
Onésha Afrika : Quel a été le niveau des relations diplomatiques entre la RDC et les Pays-Bas pendant la période de fermeture et quelle en était la cause ?
– L’ambassadeur Ndongala : « De prime abord, il est à noter qu’à ma nomination, les relations entre la RDC et les Royaume des Pays-Bas étaient dans un état de léthargie, accentué par le fait que la représentation diplomatique de notre pays aux Pays-Bas est restée sans ambassadeur de pleins pouvoirs depuis 2009, lorsque le gouvernement de l’époque avait décidé, pour des raisons de compression budgétaire, de la fermeture de son ambassade à La Haye et du transfert de l’ensemble de ses activités diplomatiques à Bruxelles. Malgré la présence d’un chargé d’Affaires a.i à La Haye de 2009 à 2016, il n’y a pas eu un impact visible tant au niveau de nos relations bilatérales qu’auprès de la communauté congolaise des Pays-Bas.
Il est important de souligner que pendant ce temps, et en dépit de cette fermeture, les Pays-Bas s’étaient engagés à poursuivre la réalisation de tous les programmes de coopération que le gouvernement néerlandais avait décidé de mettre en œuvre en RDC, tout en maintenant leur ambassade à Kinshasa.
De nombreux Congolais ne savent peut-être pas que le Royaume des Pays Bas est un acteur important qui a toujours défendu la cause de la RDC dans les instances internationales, en sa qualité de membre du Groupe de Contact et du Groupe des Pays amis de la Région des Grands Lacs pour le retour de la paix et de la stabilité dans la région.
A ce titre, les Pays-Bas ont toujours apporté leur soutien à la RDC dans un certain nombre d’initiatives en relation avec la situation humanitaire et sécuritaire du pays, notamment à travers les ONGs opérant dans la partie Est de la RDC.
Pour ce qui est du progrès social, les Pays-Bas tiennent au renforcement de la société civile congolaise, une étape nécessaire vers un État équilibré où la société et les autorités peuvent travailler main dans la main ».
Onésha Afrika : Comment comptez-vous faire pour renforcer la coopération bilatérale entre les deux États, tant dans les domaines politiques, économique que culturel ?
– M. l’ambassadeur : « Pour mieux relancer la coopération bilatérale, il nous semble indispensable de rétablir premièrement les contacts avec le ministère néerlandais des Affaires étrangères, qui reste la voie obligée par laquelle l’ambassade doit passer si nous voulons mener nos activités sur le territoire néerlandais. C’est ce à quoi je me suis attelé dès la présentation de mes lettres de créance auprès du roi Willem Alexander.
Ensuite, pour redorer l’image de notre pays auprès des institutions néerlandaises, et ce en vue de donner toute crédibilité à nos actions, il nous a fallu, en collaboration avec la Direction du protocole du ministère néerlandais des Affaires étrangères, engager toutes les démarches nécessaires pour récupérer notre immeuble à La Haye, qui est occupé par des squatteurs depuis plus de dix ans.
Je me fais également le devoir d’intensifier les relations à travers des consultations bilatérales dans un certain nombre de secteurs préalablement identifiés entre les deux parties. Certains échanges, dans un format élargi, pourraient avoir lieu pour permettre aux deux parties de pouvoir engager le dialogue sur des questions d’intérêt commun.
J’envisage, dans un avenir proche, l’organisation des rencontres interministérielles de haut niveau avec nos partenaires néerlandais en vue de la tenue d’une grande commission mixte, dont les termes de référence porteront sur la mise en œuvre d’un plan de coopération stratégique RDC/Pays-Bas, selon une périodicité à définir entre les parties.
Plus clairement, ces préalables, une fois remplis, nous allons mettre en place une structure de liaison comprenant des diplomates congolais affectés à La Haye, en vue de la relance de tous les aspects de notre coopération bilatérale (politique, diplomatique, économique, culturel), mais également dans les différents secteurs où les Pays-Bas offrent beaucoup d’expertises, telles que la gestion des eaux et des infrastructures diverses, l’agriculture… Il faudra arriver à capter les capitaux en attirant les investisseurs vers la RDC ».
Redynamiser les contacts avec les Congolais
Onésha Afrika : À l’occasion de votre présentation aux ressortissants congolais des Pays-Bas en mai dernier, vous avez promis de les accompagner dans leurs activités. Comment cela va-t-il se passer ?
– M. l’ambassadeur : « L’accompagnement de nos compatriotes, c’est également l’une des missions qui nous revient. La fonction première de la politique étrangère, c’est d’être au service de la Nation, c’est-à dire les institutions du pays et la population congolaise indistinctement.
Nous sommes donc là pour mettre en œuvre la politique du pays dont le cap a été fixé par le Chef de l’Etat. Nous allons nous employer à redynamiser les contacts avec nos compatriotes vivant aux Pays-Bas, car, nous sommes convaincus qu’elle doit être impliquée dans la relance de nos relations avec la partie néerlandaise, selon la vision du Président de la République.
Il nous semble que depuis la fermeture de l’ambassade de la RDC à La Haye, les Congolais des Pays-Bas se sont sentis oubliés, laissés pratiquement sur le bord de la route. Ceci est vrai dans une certaine mesure. Je saisis cette occasion pour saluer le travail remarquable réalisé, sur le terrain, par nos diplomates en vue d’une structuration de la société civile congolaise des Pays-Bas qui, à mon humble avis, est l’une des plus actives d’Europe.
C’est ainsi que sous notre mandature, nous nous engagerons à tout mettre en œuvre pour briser ce sentiment de périphérisassions qui habite nos compatriotes des Pays-Bas. Je vais m’atteler à recréer des passerelles, à reconstruire des liens de proximité avec tous les Congolais du Benelux ».
Modernisation des services consulaires
Onésha Afrika : Concernant les services que la mission diplomatique rend aux Congolais et aux étrangers, quels sont les efforts que l’ambassade a fournis depuis votre arrivée pour améliorer la situation ?
– M. l’ambassadeur: « Dès ma prise de fonction, je m’étais engagé, entre autres, à améliorer l’offre de service de la Mission. C’est ainsi que, sous mon impulsion, les travaux de digitalisation des services consulaires ont été réalisés récemment par un groupe d’experts, en mettant en œuvre des projets de numérisation selon les standards internationaux.
C’est donc là l’un des piliers des actions que je m’étais résolu à mener en vue de la facilitation administrative et pour offrir des services de qualité à nos requérants. Pour y arriver, nous avions procédé au renouvellement du parc informatique de l’ambassade, à la gestion de l’accueil des visiteurs via la distribution automatique de tickets, à l’installation d’une cabine photographique digitale, à la mise en œuvre d’un nouveau site internet…
La réalisation de ce projet vise à répondre à la vision du chef de l’État, laquelle porte, entre autres, sur « la numérisation de la gestion de nos ambassades, la mise à niveau du personnel et l’amélioration des conditions de travail dans nos missions diplomatiques ».
Onésha Afrika : Un message à adresser à la communauté congolaise et, au-delà, aux pays et aux institutions auprès desquels vous représentez la RDC ?
– M. l’ambassadeur: « En ma qualité de chef de Mission diplomatique de la RDC au Benelux, je porte l’ambition insufflée par le chef de l’État au sein de ma juridiction. Outre les missions de représentation, de protection des intérêts de la RDC et des ressortissants congolais résidant ou de passage dans le Benelux, je me sens la responsabilité de permettre à mon pays, sous ma mandature, de redorer son blason. C’est un impératif catégorique. Nous y travaillons en adoptant un schéma d’exigence élevé, tant pour les diplomates que pour l’ensemble du personnel de droit local.
J’ai à cœur également la volonté de restaurer pleinement la confiance auprès de mes compatriotes, en mettant en place des mécanismes devant nous conduire à promouvoir le dialogue entre tous les membres de notre communauté résidant dans le Benelux. Nous travaillons avec la société civile congolaise, entendez les différentes associations animées par des bénévoles issus de la diaspora congolaise opérant en Belgique et nous sommes en train d’élargir le champ vers les Pays-Bas. D’autres rencontres du genre sont également prévues au Grand-Duché de Luxembourg.
Notre approche rejoint la vision du président de la République qui a exprimé formellement sa volonté de faire de toute ambassade de la RDC ce qu’il a appelé « La Maison du Congo », ce qui correspondrait à un cadre de vie, de promotion et de bien-être qui regrouperait en son sein les différents membres de la grande famille congolaise à l’étranger sans distinction d’origine, de religion ni de couleur politique…
La Mission diplomatique de la RDC au Benelux, que j’ai le privilège de diriger, réaffirme son engagement à être à l’écoute de tous nos compatriotes porteurs de projet, ainsi que de toute autre personne résidant aux Pays-Bas désireuse d’investir au pays, à apporter son soutien, à impulser mais également à accompagner toutes les initiatives positives et constructives de nature à favoriser l’émergence d’un Congo nouveau ».