Entre le gouvernement congolais et les sociétés importatrices des carburants, c’est presqu’un état permanent de ni paix ni guerre, ponctué de temps à autre par des escarmouches à fleuret moucheté.
Régulièrement, c’est à qui des deux protagonistes accusera l’autre de mauvaise foi, de mauvais payeur ou d’affameur du peuple. Dans la première semaine du mois d’octobre, un tweet, largement partagé sur les réseaux sociaux, a fait état d’une menace des sociétés pétrolières de fermer, sans en préciser la date, leurs stations-services à Kinshasa, faute du non-respect par le gouvernement congolais de ses engagements par rapport à leur manque à gagner.
Le tweet vengeur affirmait qu’à cette date, l’État devait une ardoise cumulée de 200 millions de dollars Us aux entreprises pétrolières.
Quarante-huit heures plus tard, soit le lundi 10 octobre, c’est le ministre des Finances, Nicolas Kazadi, qui entrait en scène, avec des chiffres en appui. Un Nicolas Kazadi qui cumule en plus de son propre portefeuille, celui de l’Économie nationale, point focal de la réglementation du commerce de l’importation des hydrocarbures dans le pays.
Selon le ministre congolais, qui n’a fait aucune allusion à la menace des pétroliers, l’État congolais a décaissé pas moins de 384,2 millions de dollars Us rien que pour apurer la facture des pétroliers, soit une moyenne mensuelle de 42,7 millions. Ces paiements successifs, précisait l’argentier de l’État, concernaient les arriérés cumulés des années 2017 à 2019, la dette certifiée d’avril à juin 2021, la dette envers la zone sud ainsi que la dette pour la période allant de juillet 2021 à mars 2022.
Alors, de quoi parle-t-on, aurait été tenté d’ajouter le plénipotentiaire congolais, selon qui, à ce jour, la dette pendante de l’État vis-à-vis de la profession pétrolière n’était plus que de 259,3 millions de dollars Us, et un échéancier avait déjà été convenu entre les deux partenaires pour l’apurement progressif de ce solde.
Quand l’État se saigne aux quatre veines
Toujours selon Nicolas Kazadi, le Trésor public congolais a décaissé jusque-là au total 430,4 millions de dollars Us pour maintenir les prix des carburants à la pompe à un seuil supportable par les populations et en vue de limiter le risque de flambée des prix sur les marchés et une augmentation exponentielle des coûts des transports.
Lors de son brieffing hebdomadaire du vendredi 7 octobre, le porte-parole du gouvernement, Patrick Muyaya, avait précisé que l’État congolais subventionne 40% du prix du litre à la pompe, pour limiter les faits induits de la flambée des prix des produits pétroliers sur le marché international, consécutive à la crise de l’Ukraine.
Alors, au regard de la passe d’armes entre l’Exécutif et la profession pétrolière, où se situe la vérité ? Certainement entre les deux. La persistance de la crise de l’Ukraine va sans doute pousser le gouvernement congolais à puiser encore plus dans ses recettes pour maintenir la paix sociale à l’intérieur du pays, de même qu’elle va pousser ainsi les pétroliers à des nouvelles exigences émaillées certainement de nouvelles menaces à peine voilées.
Il appartient donc à l’État de prendre la mesure exacte de ces nouveaux défis et de faire montre de résilience. En matière d’hydrocarbures, le gouvernement congolais a presque totalement abdiqué de ses prérogatives régaliennes et se retrouve, au fil des mois et des années, complètement à la merci des opérateurs privés.
La Compagnie publique Sonahydroc est aujourd’hui l’ombre d’elle-même, avec une dette sociale colossale, un outil de travail obsolète, et un assèchement total de ses finances. De la Socir, il est encore inutile d’en parler, tellement cette perle industrielle d’économie mixte est devenue, au fil des ans, un simple relais, voire un simple convoyeur des produits importés par d’autres, auxquels elle ne sert plus que de vulgaire épouvantail.