Le monde des Finances publiques et des banques centrales est une microsociété éminemment masculine, dans laquelle quelques rares représentantes de la gente féminine sont tout de même parvenues à s’immiscer.

Les fonctions de ministre des Finances et de gouverneur des banques centrales sont le symbole et l’expression de la réalité du pouvoir d’Etat. Jusqu’à ce jour, ce pouvoir est entre les mains de l’homme.

Sur près de 184 pays à travers le monde, très peu de femmes-argentiers de l’État et, à peine 16 caissières. Et, depuis la création, il y a plus de soixante-dix ans, des deux grandes institutions de Bretton Woods, la Banque mondiale et le Fonds Monétaire International « FMI », qui régissent, en maîtres, les stratégies et les mécanismes de développement de nombreuses nations et interviennent dans la régulation de leurs finances publiques, aucune femme présidente de la Banque mondiale et seulement deux comme Directrices générales du FMI.

Il s’agit de la Bulgare Kristalina Georgieva et de la Française Christine Lagarde, cette dernière ayant réussi l’exploit unique d’être successivement la première femme à avoir été ministre de l’Économie et des Finances d’un pays membre du G7, la France, Directrice générale du FMI et présidente de la Banque centrale européenne « BCE ».

Si Kristalina Georgieva a été Directrice générale de la Banque mondiale de janvier 2017 à octobre 2019, date à laquelle elle prend ses fonctions de DG du FMI, et qu’elle a assuré l’intérim du président du Groupe de la Banque mondiale du 1er février au 8 avril 2019, soit pendant deux mois, elle n’a pas été confirmée, après son intérim, et a dû céder la place à un homme, David Malpass.

Christine Lagarde, présidente de la Banque centrale européenne depuis 2019 (Photo : EPA/PAP)

La parité dans le secteur des Finances

Le constat est que même des pays comme les Etats-Unis, la France et la Grande-Bretagne, qui se positionnent en champions de la parité homme-femme, sont en parfait déphasage avec les convictions qu’ils affichent et les leçons qu’ils donnent aux autres nations. Il faut simplement reconnaitre qu’il existe, dans le monde de l’Argent-Roi, une sorte d’incompatibilité entre parité et responsabilité. Parmi les quelques dames qui se sont distinguées, il y a :

– Christine Lagarde, dont le parcours est exceptionnellement brillant. Née en 1956 à Paris, elle a fréquenté l’université de Paris Nanterre, avant de faire Sciences politiques à Aix. Avocate d’affaires, elle a été plusieurs fois ministre, avant de poursuive sa prestigieuse carrière internationale, qui la mènera au FMI, où elle succède à son compatriote Dominique Strauss-Khan, démissionnaire à la suite du scandale du Sofitel Hôtel, et de diriger ensuite la BCE.  Si elle est la première femme à occuper cette fonction, il faut se rappeler que l’Américaine Anne Krueger en avait fait un bref intérim en 2004.

– Pour sa part, Janet Yellen a été, en 2014, la toute première femme à occuper le poste de responsable de la Federal Reserve, la FED, l’équivalent d’une banque centrale, aux États-Unis, après en avoir été la vice-présidente de 2010 à 2014. Diplômeée de la réputée Yale University, elle occupe, depuis 2021, les fonctions de Secrétaire au Trésor dans le gouvernement du président Joe Biden.

– Elvira Nabiullina, conseillère économique du président Vladimir Poutine, a été gouverneure de la Banque centrale de la Fédération de Russie en 2014. Née en octobre 1963, elle fera, elle aussi, des études à la célèbre Université Yale et à l’Université d’Etat de Moscou.

Mercedes Marcó del Pont (Source : delabahia.com)

Marco Del Pont en Argentine

L’Argentine, l’une des économies les plus prospères d’Amérique du Sud et, donc, du monde, a permis à Mercedes Marco Del Pont de devenir gouverneure de sa banque centrale, en 2010. Agée à l’époque de 56 ans, Del Pont a, comme ses prestigieuses collègues américaines et russes, étudié à Yale. Avant de devenir gouverneure de la Banque centrale d’Argentine, elle avait assumé, dans le secteur privé, la gestion de la Nacion, la plus grande banque commerciale de ce pays.

– Gill Marcus est une femme blanche sud-africaine, militante de l’ANC et une ancienne responsable de l‘une des quatre plus grandes banques commerciales de son pays. Elle a été vice-gouverneure de la Banque centrale, avant d’en prendre la direction. Les Etats-Unis, la Russie, la France et l’Argentine comptent parmi les pays les plus puissants sur le plan économique. Cela confère à leurs représentantes une aura indéniable et une puissance particulière.

Dans d’autres régions du monde

D’autres femmes, dans d’autres régions du monde dirigent aussi des banques centrales dans des pays ayant un rôle moins important sur le plan international.

En Asie, Zeti Akhtar Aziz et Zina Asankojoeva, sont gouverneures, respectivement, des banques nationales de Malaisie et du Kyrgyzstan.   
En Europe, Jorgovanka Tabakovic dirige la Banque centrale de Serbie, alors que Nadhezda Ermakova, dirige la Banque nationale de Biélorussie.

En Amérique du Sud, les banques centrales du Salvador et du Honduras sont dirigées par des femmes. Dans les Caraïbes, Wendy Craigg et Jeanette Semeler, sont responsables des banques centrales respectives des Bahamas et des îles Aruba.

Mme Malangu Kabedi, gouverneur la BCC préside aussi pendant une année, l’Association des banques centrales africaines

En République démocratique du Congo

Outre l’Afrique du Sud, deux autres pays d’Afrique australe ont des femmes à la tête de leurs banques centrales. Il s’agit du Lesotho et du Botswana.

En République démocratique du Congo, le président Félix Tshisekedi a fait montre de sa détermination à promouvoir la parité dans les institutions nationales. La première mouture du premier gouvernement a été rejetée, pour cause d’insuffisance de la représentativité des femmes.

Quand il a eu les mains plus libres après la fin de la coalition avec les partis de l’ancien pouvoir, il a nommé un gouvernement dans lequel les femmes sont représentées à près de 27%, avec 15 ministres dans des secteurs aussi importants que l’Environnement, la Justice, le Portefeuille et les Mines.

Concernant la Banque centrale, il faut relever une mesure inédite depuis l’indépendance de ce pays, en 1960. Pour la première fois, en 62 ans, une femme est nommée, le 5 juillet 2021, gouverneure de la Banque centrale du Congo.

Malangu Kabedi-Mbuyi est une femme brillante, qui a fait ses classes au FMI, pendant 32 ans. Née le 1er février 1958 dans la province du Kasaï occidental, elle est licenciée en Economie et détentrice d’une maîtrise en Économétrie de l’Université libre de Bruxelles, ULB, où elle a œuvré pendant une année, avant de rejoindre la Banque du Zaïre (actuelle BCC). Elle assumera ensuite des fonctions de responsabilité au sein du Fond Monétaire International.  

Sa nomination se situe dans le cadre des réformes pour moderniser les structures, les moyens et le fonctionnement de la banque. Tous les observateurs s’accordent à reconnaître une certaine embellie dans l’économie de la RDC, depuis quelques temps, notamment la croissance historique des réserves de change, à plus de quatre milliards de dollars, soit des niveaux jamais atteints par le passé.

Mais aussi une mobilisation jamais égalée des recettes des régies financières, due aussi à l’action efficace de l’Inspection générale des Finances (IGF). La Banque centrale du Congo, sous Mme Malangu, a certainement pris sa part dans ces exploits.

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