Le gouvernement mis en place par le Président Félix Tshisekedi, en début de cette année 2021, est en train de réaliser, en matière de bonne gouvernance des Finances publiques, des performances qu’il serait peu honnête de passer sous silence.
Des performances historiques
En effet, la collaboration entre l’Inspection générale des Finances et les régies financières, sous la supervision du ministre des Finances, Nicolas Kazadi, porte incontestablement des fruits, comme le démontrent les données faisant état d’un accroissement sensible des ressources collectées par les trois régies financières, à savoir, la Direction générale des Impôts, « DGI », la Direction générale des Recettes Administratives, Domaniales et de participation, « DGRAD », et la Direction générale des Douanes et Accises, « DGDA », qui ont réalisé chacune un dépassement de leurs assignations à hauteur de 20% en moyenne.
L’une des conséquences est que, aujourd’hui, pour la toute première fois dans l’histoire « économique » de la république, le gouvernement a présenté à l’Assemblée nationale un projet de loi rectificative des finances consacrant la révision à la hausse du budget en recettes de l’année en cours ; et ce, à hauteur d’un milliard de dollars américains, représentant près de 15% du budget voté en octobre dernier. Nous sommes là, devant ce qu’il est convenu d’appeler un exploit.
Un effort louable, mais nettement insuffisant
Mais cela ne semble pas suffisant aux yeux de certains observateurs avertis, à l’instar de l’éminent juriste et professeur d’Université Luzolo Bambi, Conseiller de l’ancien chef de l’Etat, en charge de la lutte contre la corruption, qui, dans une prise de position récente, a déclaré que près de 15 milliards de dollars échappent encore, à ce jour, au Trésor public.
Selon Jules Alingeti, l’Inspecteur général- Chef de Service des Finances, qui partage cette opinion, la corruption et les détournements avaient atteint un niveau tel que beaucoup de gens ont vécu, toute leur vie durant, aux crochets et au dépens de l’Etat. Comme des parasites, comme des prédateurs !
Les prédateurs…
Si le parasite se définit, « comme un organisme animal ou végétal, qui vit au dépens d’un autre, lui portant préjudice, mais sans le détruire », leprédateur, du latin preda, proie, est un animal qui se nourrit de proies. Le prédateur tue… Par extension, il désigne, entre autres, dans le monde des humains, ces personnes qui vivent de rapines, de butins. Le prédateur est un pillard, un destructeur. Dans le langage cru et imagé de Jules Alingeti, ce terme désigne aussi ces « Excellences » et ces « Honorables », ministres, sénateurs, députés et autres mandataires publics, qui se couvrent de leurs immunités ou de leurs positions politiques pour éviter de répondre de leurs actes et préserver leurs butins.
Les loups, animaux prédateurs, ne se mangent pas entre eux ?
Le mal est tellement profond que l’action héroïque de l’Inspection générale des Finances ne peut à elle seule combattre ce système de prédation qui sévit depuis de longues décennies.
Des réformes juridiques et judiciaires s’imposent
Une approche globale et systémique devrait être envisagée si l’on veut vraiment éradiquer la corruption et le détournement, arrêter et punir les coupables, mais aussi et surtout récupérer les trésors cachés. Pour atteindre cet ambitieux objectif, des réformes juridico-judiciaires doivent être menées. Il apparaît, en effet, que le Code judiciaire congolais est totalement inadapté, en ce qu’il ne permet pas de récupérer les sommes détournées. Des réformes doivent être votées au parlement pour organiser et adapter les textes, les structures et les hommes à la nouvelle ambition ainsi exprimée. Parmi ces réformes :
– La nécessité de renforcer la législation sur la répression des actes de corruption et de détournements des deniers et des biens publics, en les élevant, dans un but dissuasif, comme dans certains pays, au rang de crime ; ce qui entrainerait automatiquement la déchéance des droits civiques et politiques des coupables.
Une parenthèse à ce propos !
Dans une récente affaire de détournement de fonds touchant plusieurs dizaines de millions de dollars américains, le principal condamné, Vital Kamhere, l’ancien Directeur de Cabinet du Chef de l’Etat, continue de jouir de tous ses droits civiques et politiques, et, à ce titre, participe activement, du fond de sa prison, à la vie politique de ce pays, en prenant publiquement positions sur les événements majeurs. Comme si de rien n’était.
Des millions de dollars volatilisés. Mais tout va très bien, madame la Marquise ! Dans 12 ans, s’il ne bénéficie pas d’ici là d’une grâce présidentielle, il pourra jouir tranquillement de ce pactole. Et comme dirait un ami, qui ne sacrifierait pas quelques années, dans ce qui apparaît comme une prison dorée, pour ensuite mener plus tard une vie à l’abri de tout besoin ?
C’est assez curieux !
Cet exemple est assez révélateur de l’état d’esprit du citoyen lambda, qui, tout en appréciant la condamnation des détourneurs, ne comprend pas pourquoi les sommes détournées ne sont pas récupérées. Et ceci porte un certain discrédit sur la volonté réelle du régime de protéger les intérêts de l’Etat.
Dans ce même ordre d’idée, la thèse du complot pour éliminer un adversaire politique avancée par les partisans de ce potentiel candidat aux futures élections présidentielles, fait des émules au sein d’une population peu instruite des subtilités, mais aussi des lacunes de notre arsenal juridique.
Les immunités, un obstacle ?
– La révision des textes organisant les immunités pour certaines fonctions politiques s’impose. Une seconde parenthèse, pour signaler la difficulté qu’éprouve la Cour Constitutionnelle à mettre en jugement un ancien Premier Ministre, devenu depuis Sénateur, à qui il est reproché la sortie de près de 300 millions de dollars du Trésor public, alors que l’évaluation de l’existant sur terrain, se monte à de 80 millions à peine .
Dans cette affaire, dite de Bukanga Lonzo, du nom du site d’implantation du projet, un bras de fer épique oppose la Cour constitutionnelle aux Sénateurs, à propos de ces fameuses immunités qu’ils devraient lever.
– Des lois doivent être votées pour organiser une meilleure coopération avec les organisations et instances internationales, et avec les pays qui offrent des possibilités d’accueil de fonds étrangers.
Autres mesures à moyen terme
– Des mesures doivent être prises en direction des personnels judiciaires, magistrats et autres collaborateurs, pour les mettre en situation de faire correctement leur travail : Une amélioration sensible de leurs conditions salariales et professionnelles, d’un côté, un renforcement des sanctions, de l’autre, en cas de violations intentionnelles des lois et des règles déontologiques.
– La création d’un Parquet financier constitué de magistrats expérimentés et ayant reçu des formations en comptabilité et en gestion des Finances publiques.
– La mise en place d’un tribunal pénal pour les crimes économiques.
Renforcer la capacité de certains services
En attendant que ces réformes ne soient faites, il semble indispensable de renforcer la capacité d’action de l’Inspection générale des Finances, par un accroissement sensible des effectifs et des moyens matériels et financiers.
Il faut aussi de redynamiser ces autres organismes dont l’objet social a un lien avec la surveillance de la bonne exécution du budget de l’Etat, à savoir la Cour des Comptes, la Cellule Nationale des Renseignements Financiers le « Cenaref », service du ministère des Finances en charge, notamment, de la lutte contre le blanchiment d’argent, l’Agence de prévention et de lutte contre la corruption, l’Aplc,.
Et si une Commission Vérité, REPARATION, réconciliation voyait le jour ?
Enfin, une seconde formule qui aurait l’avantage de faire gagner du temps et de l’argent, c’est d’instituer un volet « crimes économiques » dans la Commission Vérité et Réconciliation que certains acteurs, comme le prestigieux Prix Nobel de la Paix, le Docteur Denis Mukwege, appellent de leurs vœux. La dimension « Réparation » serait mise en exergue.
Du rêve à la réalité, des états généraux de la justice.
Il semble nécessaire que les Etats généraux de la Justice se tiennent et se penchent sur les conditions de faisabilité de ces projets ; Y prendraient part, des acteurs du secteur judiciaire, magistrats, avocats ; des juristes de renom, des responsables d’organisations non-gouvernementales et autres structures et observatoires concernés par la promotion de la bonne gouvernance. La récupération des énormes richesses détourées et le développement de ce pays est à ce prix !