L’idée est définitivement lancée. Le 2 août, désormais journée fériée, sera à marquer d’une pierre blanche dans l’histoire de la République démocratique du Congo. Cette année, l’ensemble du pays a commémoré, pour la deuxième fois, le génocide congolais. Mais aussi au sein de la diaspora, comme en Belgique où la RDC compte environ 43 000 ressortissants de nationalité ou d’origine.
Génocost, le génocide congolais pour des gains économiques : le nom fait son bonhomme de chemin. La commémoration du génocide congolais a eu lieu le 2 août 2024 dans la ville de Kisangani, théâtre de la « Guerre de sept jours », du 5 au 10 juin 2000, au cours de laquelle deux armées étrangères, les armées rwandaise appuyant le groupe rebelle du RCD (Rassemblement congolais pour la Démocratie, pro-tutsi) et ougandaise derrière le MLC (Mouvement de libération du Congo) se sont affrontées à l’arme lourde, faisant au moins 2 000 morts et au moins autant de blessés graves.
Ce nombre de victimes s’ajoute aux 10 millions de morts recensés dans les massacres de civils perpétrés depuis 1996 jusqu’à aujourd’hui dans l’est de la RDC par les différents groupes armés appuyés par des armées étrangères, spécialement le Rwanda qui appuie encore aujourd’hui en hommes et en matériel le groupe terroriste du M23 en vue du pillage des ressources minières du Congo.
Pour cette deuxième commémoration, c’est toute la classe politique qui s’est délocalisée vers le chef-lieu de la Province de la Tshopo, est de la RDC, sous la conduite de la Première ministre Judith Suminwa Tuluka, qui représentait le Président congolais Félix Antoine Tshisekedi Tshilombo, retenu à Bruxelles pour des raisons médicales, selon un communiqué de la Presidence.
Appel à l’instauration d’un Tribunal pénal international sur la RDC
La gouvernement congolais a émis le vœu de voir les Nations unies créer un Tribunal pénal international pour juger les coupables d’actes de génocide en RDC.
« Toujours dans le souci de voir ces crimes internationaux réprimés, le gouvernement poursuit le plaidoyer visant la création d’un tribunal pénal international pour la République démocratique du Congo. L’Exécutif congolais appelle nos partenaires internationaux à soutenir cette initiative. Dans le cadre de garantie de non répétition, il est nécessaire que nos institutions, à savoir le parlement et le gouvernement, travaillent ensemble pour prendre les textes législatifs réglementaires selon les cas, visant à écarter les auteurs desdits crimes de l’accès à des charges publiques. Les recettes autrefois connues visant à leur assurer une impunité, notamment à travers les lois d’amnistie, l’intégration au sein de l’administration publique, sont à oublier et ne seront plus à l’ordre du jour », a déclaré la Première ministre Judith Suminwa à l’ouverture de la cérémonie de commémoration.
Grâce à la loi du 26 décembre 2022, le Génocost a été commémoré en mémoire des millions de morts causés par des groupes armés soutenus par certains pays voisins, principalement le Rwanda. Plusieurs personnalités tant nationales qu’étrangères ont pris part à cet événement ponctué par des témoignages émouvants des victimes.
C’est dans une ambiance de recueillement que les habitants de Kisangani et les autorités nationales ont rendu hommage « aux millions des congolais décédés à cause de la barbarie des groupes armés soutenus par certains pays voisins, dont le Rwanda, à la recherche des minerais ».
Des témoignages poignants
Une victime qui a survécu à la « Guerre de six jours » a partagé tout en larmes son témoignage. Atteinte par une bombe qui a amputé ses deux jambes, la victime a relaté dans les moindres détails toute sa souffrance, comme si c’était hier.
« Mes jambes étaient pourries au point que les asticots en sortaient. L’autre jambe qui me restait, le médecin l’a coupée et je suis restée sans jambes à l’âge de 9 ans. Ma vie était détruite. Qu’est-ce que j’ai fait pour mériter une telle souffrance ? Aujourd’hui ma vie est détruite, innocente, deux armées sont venues d’ailleurs et sont venues se battre ici et nous, nous avons subi ces genres d’atrocités. Je souffre, je porte des prothèses, ma famille est très pauvre. Et ces prothèses coûtent 5 000 $. Pour en avoir, je souffre vrai ment. Je crois que le Fonarev (Fonds national de réparation aux victimes des violences) nous prendra en charge », a lancé Mme Kibote, aujourd’hui âgée de 33 ans et qui a ému l’assistance.
À l’endroit de la Première ministre, qui ne s’est pas cachée d’essuyer une larme, elle a plaidé : « Maman aide-nous. Qu’ai-je fait à l’âge de 9 ans ? Maman je souffre ».
La commémoration de cette deuxième édition de Genocost intervient au moment où la RDC fait face à une nouvelle agression rwandaise dans son territoire. Les provinces de l’est de la RDC continuent d’enregistrer des morts et des déplacés à cause des affrontements qui opposent l’armée congolaise à plusieurs groupes armés et les armées étrangères, notamment l’armée rwandaise massée derrière les terroristes du M23.
Ils ont perdu tout sens d’humanité
Parmi les victimes de ces atrocités, figurent les militaires, dont certains meurent en laissant derrière eux veuves et orphelins. Cette dame, épouse de militaire, a pris la parole en faveur de tous les maris qui se sacrifient pour sauvegarder l’intégrité du territoire congolais. Elle a lancé un appel aux autorités pour l’amélioration des conditions de vie et la bonne prise en charge des militaires et leurs familles.
« Nous les épouses des militaires qui vivons à l’Est, nous demandons au chef de l’État de se pencher sur la situation de nos maris qui tombent chaque jour sur le champ de bataille. Les orphelins et les veuves ne font que se multiplier. C’est pourquoi nous sollicitons son implication pour trouver solutions aux problèmes des épouses des militaires ».
Et ce n’est là qu’une infime partie des témoignages. Surtout que les 10 millions de morts sont, eux, définitivement condamnés au silence. Nous avons encore en mémoire les images atroces de ce village massacré à la machette, – le modus operandi usuel – les plaies encore béantes et ruisselant de sang, avec des bébés criant sur le dos de leurs mères inanimées et gisant au sol, les gorges tranchées. Inhumain, totalement bestial.
Et ce sont les commanditaires de ces monstres qui bénéficient de la complaisance de la communauté internationale. Aucun des partenaires bi- et multilatéraux de la RDC n’ayant le courage de sanctionner ni Kagame ni le Rwanda, que tous reconnaissent pourtant responsables des crimes dans l’est de la RDC. Totalement criminel.
Le ministre congolais de l’Intérieur accuse les puissances extérieures
La commémoration du Genocost était une occasion pour le vice-Premier ministre congolais en charge de l’Intérieur et sécurité de dénoncer le soutien du Rwanda aux groupes armés actifs dans sa partie est de son pays.
« La nation congolaise s’organise, et s’est organisée à commémorer ses morts, ses victimes de ce génocide qui est orchestré à partir des puissances extérieures pour exterminer nos populations et profiter de nos terres ainsi que de nos richesses. C’est un drame que nous vivons depuis des décennies, et il était important qu’en tant que nation, en tant que peuple, nous puissions nous organiser de la façon la plus officielle, non seulement pour dénoncer ces massacres et rendre hommage à nos populations qui en ont été victimes, mais aussi pour que justice soit faite, et que plus jamais cela ne se répète », a martelé M. Jacquemin Shabani.
La journée nationale du Génocost a débuté au cimetière de Makiso, où huit membres d’une même famille ont été enterrés vivants dans une fosse commune. Sur place, la cheffe du gouvernement congolais a reçu des explications sur ce site mémoriel érigé par le Fonarev pour les victimes des conflits armés et des atrocités commises lors des affrontements entre le Rwanda et l’Ouganda.
Sous le rythme de l’hymne aux morts, Judith Suminwa s’est également recueillie devant les stèles dédiées aux victimes des guerres et des agressions étrangères, peu avant de rencontrer les survivantes des familles tombées lors de la Guerre de six jours.
Commémoration du GÉNOCOST dans la diaspora
Une série d’événements ont été organisés au sein de la diaspora congolaise « en mémoire des millions de victimes des actes de guerre orchestrés sur le sol congolais par des multinationales du crime opérant sous le vernis du M23, avec le soutien actif du Rwanda, et dont le sous-sol est au centre de toutes les convoitises pour ses richesses », aux termes de la note verbale des Affaires étrangères congolaises transmise à cette occasion à l’ensemble de ses ambassades à travers le monde.
À Bruxelles, la représentation diplomatique de la RDC a organisé une messe d’action de grâce en la Basilique de Koekelberg, en présence du corps diplomatique et de nombreux membres de la communauté congolaise de Belgique.
Dans son mot à l’issue de la célébration eucharistique, l’ambassadeur de la RDC au Benelux, Prof. Christian Ndongala Nkuku, a lancé un appel de paix à la communauté internationale. « En cette journée du Génocost qui traduit le génocide congolais pour des gains économiques, l’ambassade de la RDC au Benelux appelle à la mobilisation de la communauté internationale pour soutenir les efforts de notre pays dans la promotion d’une culture de paix et de non-violence envers ses détracteurs. Il est essentiel que nous unissions nos forces pour prévenir de nouvelles tragédies et œuvrer ensemble vers un avenir meilleur pour tous les Congolais ».
Le diplomate congolais souligne que « cette journée est un moment pour se souvenir des souffrances endurées par tant de nos compatriotes d’une part et, de l’autre, réaffirmer notre engagement en faveur de la paix, de la justice et de la réconciliation nationale ».
Faire entendre la voix du Congo dans le monde
Dans son homélie, l’officiant du jour, l’abbé Gilbert Yamba, avait rendu hommage aux nombreux enfants et femmes violés à l’est de la RDC ainsi qu’à ces millions de morts victimes de la barbarie des hommes pour des raisons économiques. Il a par ailleurs appelé les Congolais à l’unité face à « notre ennemi commun et à la sauvegarde de notre nation ». En effet, le drame qui se vit en RDC est le plus grand génocide connu en nombre de morts, mais personne n’en parle, a expliqué l’abbé Yamba qui a conclu: « Nous devons nous lever comme un seul homme pour que notre voix soit audible à travers le monde ».
De l’autre côté, un sit-in a été organisé à la Place Lumumba à Matonge dans la commune d’Ixelles par Mwasi Asbl, en présence de la députée fédérale belge Lydia Mutyebele Ngoi, et une assistance nombreuse de la communauté congolaise arborant des tee-shirts floqués du mot « Génocost » et portant des calicots sur lesquels on pouvait lire « Stop au génocide pour l’argent » ou encore « Stop aux viols à l’est de la RDC ».