Aussi loin que l’on remonte, dans l’histoire de l’humanité, on peut relever de nombreux cas où les hommes se sont servis du sport pour faire passer une idée politique, pour en tirer un gain politique ou pour, plus simplement démontrer la pertinence d’une position politique et chercher à la faire partager à un plus grand nombre de gens afin qu’ils y adhèrent.

Le nombre de manifestations sportives lors d’une campagne électorale, par exemple ; l’organisation, comme le président du Zaïre de l’époque, Mobutu l’a fait en 1974, d’un grand événement sportif, dans le but de démontrer la grandeur de son régime ; le geste de violence posé contre des athlètes israéliens, en 1972, au cours des Jeux Olympiques de Munich, par des commandos palestiniens pour attirer l’attention du monde sur leur lutte ; l’importance et l’intérêt accordés par certains pays à la préparation physique de leurs athlètes, au point que, parfois, des mécanismes de dopages ont été mis en place pour leur assurer des victoires, dont le prestige et les retombées sur le pays étaient fortement recherchés.  

Déjà, dans l’Antiquité romaine, pour ne pas remonter au déluge, une expression a été forgée, qui traduit les stratégies que mettent en place les autorités pour s’attirer la sympathie et la bienveillance du peuple : « panem et circenses », « le pain et les cirques », et dans les cirques, on avait les jeux, …donc le sport !

Le sport présente la caractéristique de susciter un sentiment de sympathie, de solidarité et même d’identification entre le spectateur, le public et les athlètes ; quand vous regardez un combat de boxe ou une course de 400 mètres, vous vous mettez à la place de votre favori et vous partagez ses efforts, ses joies et ses peines ; pendant ce moment vos propres soucis, angoisses et inquiétudes disparaissent. Par le biais du sport, l’opinion publique peut être fortement influencée, dans un sens ou dans un autre.

Les boycotts sportifs et politico-idéologiques.

En 1976, 16 pays africains exigent l’exclusion des Jeux Olympiques de la Nouvelle-Zélande, qui vient de faire une tournée en Afrique du Sud, pays dans lequel l’apartheid règne en maître. N’ayant pas obtenu gain de cause, ils se retirent de ces Jeux.

En 1980, les Etats-Unis n’envoient pas leurs athlètes aux Jeux Olympiques de Moscou, en protestation contre l’invasion, quelques temps plus tôt, de l’Afghanistan par les forces armées russes. 

Quatre ans plus tard, les pays du bloc communiste, l’Urss en tête, boycottent, à leur tour, les Jeux de Los Angeles.

Le président américain Gerald Ford est celui qui avait enfin honoré Jesse Owens de la médaille présidentielle de la liberté

Sport et racisme

Remontons l’histoire et rendons-nous à Berlin en 1936.

Sur conseil de Goebbels, son ministre de l’Education du peuple et de la Propagande, Hitler a obtenu l’organisation des Jeux Olympiques dans la capitale du grand troisième Reich.

Le monde entier va avoir les yeux tournés vers l’Allemagne et, c’est, pour le parti nazi au pouvoir depuis 1933, l’occasion de démontrer, par le sport, la supériorité de la race aryenne.

Hitler refusera de saluer les sportifs non allemands, en particulier un américain noir, qui allait lui causer le plus grand défi, en gagnant les courses du 100 et du 200 mètre, du saut en hauteur et du relais 4 fois 100 m. L’on peut aisément imaginer le sentiment des spectateurs allemands convaincus par la propagande que les nègres, comme les juifs, étaient des sous-hommes.

Il est bon de signaler tout de même que la haine dont a été victime Jesse Owens, c’est de ce grand sportif qu’il s’agit, en Allemagne n’était pas pire que ce qu’il vivait dans son propre pays, où la ségrégation raciale était érigée en système. Les présidents Roosvelt et son successeur Harry Truman n’accordèrent aucune attention à cet athlète et à ses exploits ; et il faudra attendre l’année 1976 et l’arrivée au pouvoir de Gerald Ford, pour que Jesse Owens soit enfin honoré. La médaille pour la Liberté, la plus haute distinction des Etats-Unis, lui sera alors remise.

Aux Jeux Olympiques de 1968, Tommie Smith et John Carlos lèvent le poing pour attirer l’attention sur la politique raciste de leur gouvernement. (Source : nouvelobs.com)

Quittons l’Allemagne nazie pour Mexico, où se tiennent les Jeux Olympique en 1968

Trois champions, et une sublime marque de solidarité sportive.

Que s’est-il donc passé ?

Tommie Smith et John Carlos, deux noirs américains, forment, avec Peter Norman, un coureur australien, le trio vainqueur du 200 m.

Au moment de la remise des médailles, alors que l’hymne national américain est exécuté, Tommie et Smith et John Carlos sont pieds nus, la tête baissée et le bras droit levé, le poing ganté de noir. Ils espèrent ainsi sensibiliser le monde entier sur la problématique des droits civiques des noirs en Amérique. Peter Norman va manifester sa solidarité à leur endroit, en portant sur le podium l’emblème de l’Olympic Project for Human Rights.

Ces trois athlètes paieront cher le prix de leur défi. 

S’agissant de Peter Norman, il sera violemment critiqué à son retour en Australie, et recevra des menaces de mort. Il sera exclu des Jeux de Munich, quatre ans plus tard.

Ouvrons une petite parenthèse pour rappeler que c’est lors de ces Jeux de Munich, qu’un commando palestinien prendra en otages des athlètes israéliens, pour attirer l’attention du monde sur la situation des populations palestiniennes.

Il faut bien comprendre que la solidarité de Peter Norman trouve son origine dans la situation familiale que lui-même a vécue et qui n’était pas très différente de celle des noirs, aux Etats-Unis.

Si cet homme qui devient, à l’époque, le meilleur sprinter australien de tous les temps, a choisi de se donner à l’athlétisme, c’est précisément parce que ses parents n’étaient pas en mesure de lui offrir un équipement de foot, le sport qu’il aimait par-dessus tout.

Norman recevra, à titre posthume, les excuses du Parlement australien. A ces excuses s’ajoutera la décision de la fédération américaine d’athlétisme de déclarer le 9 octobre, jour de son enterrement, le Peter Norman Day.

Ce jour-là, de l’année 2006, Tommie Smith et John Carlos ont fait le voyage de Melbourne pour aller porter le cercueil de leur ami.

Glenn Cowan après avoir reçu le cadeau de Zhuan Zedong / Photo: China Pictorial Supplement / ITTF

Le sport comme instrument de réconciliation

Qui se rappelle, qu’avant que des négociations ne s’engagent entre Le Duc Tho et Henry Kissinger, Secrétaire d’Etat américain, pour mettre fin à la guerre du Vietnam, le sport avait joué un rôle de rapprochement et de réconciliation ?

Il s’est tenu, à partir du 4 avril 1971, à Nagoya, au Japon, un championnat mondial de Ping-pong.

Américains et chinois y participent ; mais les pongistes chinois ont reçu une consigne de ne pas parler à leurs collègues américains.

Un événement va se produire, qui va tout bouleverser : Glenn Cowan rate le bus de l’équipe américaine, qui devait l’amener à l’entraînement ; il est obligé d’emprunter celui des chinois. Pendant le trajet, c’est le silence total, jusqu’à ce que le meilleur pongiste chinois, Zhuan Zedong, ne s’approche de lui, lui parle et lui remette un cadeau. Le lendemain, Glenn Cowan apporte à son tour un cadeau à Zhuan Zedong.

Cette affaire fait la une des médias, et parvient aux oreilles du président Mao Zedong, qui, aussitôt, invite l’équipe américaine en Chine.

La suite ? L’entrée dans la danse de Henry Kissinger, Conseiller de Richard Nixon et futur Secrétaire d’Etat. La suite, c’est aussi la fin de cette guerre injuste contre laquelle la jeunesse mondiale s’était levée.

On le voit, le sport, associé à la politique peut, apporter des frustrations, mais aussi des solutions, selon la vision et les intérêts plus ou moins exprimés, plus ou moins révélés de ceux qui ont le pouvoir de décider.

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