Les lampions se sont éteints à la 77ème Assemblée générale de l’ONU, mais l’on retiendra que l’Afrique y a fait entendre sa voix, pour une plus grande prise en compte de l’importance actuelle du continent.

Du chef de l’État sénégalais Macky Sall, président en exercice de l’Union africaine, au président congolais Felix-Antoine Tshisekedi, en passant par le Premier ministre malien, le colonel Abdoulaye Maïga, ou le chef de la diplomatie togolaise, Robert Dussey, tous ont plaidé la cause de l’Afrique.

La 77ème Assemblée générale de l’ONU, réunion annuelle des chefs d’État et de gouvernement au siège des Nations unies, s’est ouverte le mardi 20 septembre à New York. La guerre en Ukraine, le dérèglement climatique, la sécurité alimentaire sont, entre autres, les points de discussion.

Il faut signaler que le président, Macky Sall a pris la parole aussitôt après l’ouverture officielle. Le chef de l’État sénégalais commence par indiquer que le monde est devenu plus dangereux et plus incertain, sous l’emprise combinée du réchauffement climatique, des périls sécuritaires et sanitaires, ainsi que de la guerre en Ukraine.

Dans son discours, le chef de l’État sénégalais a relevé que le thème de la session montre à quel point il urge d’agir ensemble pour apaiser les tensions, soigner notre planète, réduire les inégalités persistantes Nord-Sud et redonner sens au multilatéralisme. Et d’estimer que le Conseil de sécurité est interpelé au premier chef, afin qu’il traite de la même manière toutes les menaces à la paix et à la sécurité internationales, y compris en Afrique.

« Le terrorisme qui gagne du terrain sur le continent n’est pas qu’une affaire africaine. C’est une menace globale, qui relève de la responsabilité première du Conseil, garant du mécanisme de sécurité collective, en vertu de la Charte de l’Organisation. Aussi, invitons-nous le Conseil à mieux s’engager avec nous dans la lutte contre le terrorisme en Afrique, avec des mandats plus adaptés et des moyens plus conséquents », a dit le président Sall.

Il enchaîne: « En outre, l’Union africaine appelle, une fois de plus, à la levée des sanctions étrangères contre le Zimbabwe. Ces mesures sévères continuent de nourrir un sentiment d’injustice contre tout un peuple, et d’aggraver ses souffrances en ces temps de crise profonde ».

La levée des sanctions contre le Zimbabwe a également été évoquée par le président congolais Félix-Antoine Tshisekedi. De même que les questions de sécurité, notamment « au Sahel mais aussi à l’est, à l’ouest, au nord et au sud du continent », mais aussi dans l’Est de son pays, où « un groupe terroriste, le M23, occupe la cité de Bunagana au Nord-Kivu, avec l’appui militaire du Rwanda ».

le Président Félix Tshisekedi lors de son allocution à la tribune (Source : lesvolcansnews.net)

« Accorder à l’Afrique l’indépendance de ses choix géostratégiques »

« L’Afrique attend plus d’égalité, de respect, d’équité et de justice dans ses relations et partenariats avec le reste du monde, avec les grandes puissances quelles qu’elles soient. Aujourd’hui les Africains veulent être de vrais partenaires du reste du monde ».
Le Ministre des affaires étrangères du Togo, Robert Dussey, pose ainsi les aspirations profondes de tout le continent. Le rôle assigné à l’Afrique en ce 21ème siècle est évocateur de l’image qu’ont encore certaines puissances de notre continent : leur zone d’influence.

L’Afrique n’a pratiquement aucun impact sur l’ordre mondial actuel alors qu’elle subit très drastiquement les conséquences des perturbations de la société internationale. Elle ne revêt un intérêt aux yeux de certaines puissances que lorsqu’elles se retrouvent en difficulté », a-t-il précisé. 

« Il faut se préoccuper de la place que l’Afrique occupe sur la scène du monde. Aujourd’hui, l’Afrique n’occupe pas la place qu’elle devrait tenir sur la scène internationale. Pour de nombreuses puissances, le continent africain n’a pas de rôle à jouer en tant qu’acteur « majeur » au sens kantien du terme sur la scène internationale.

Elles pensent habiter le même monde alors que le monde a profondément changé»
Le chef de la diplomatie togolaise en a profité pour faire un rappel historique : « Quand les Nations-Unies ont été créées en 1945, hormis le Libéria et l’Ethiopie, les pays d’Afrique n’étaient pas encore indépendants. Après 77 ans, c’est le même système international qui perdure du fait de la volonté des cinq membres permanents du Conseil de sécurité à savoir la Chine, les États-Unis, la Russie, la France et le Royaume Uni ».

Selon lui, les grandes puissances veulent réduire l’Afrique à une entité purement instrumentale, au service de leurs causes, et ne veulent visiblement pas que le continent puisse jouer un rôle important, voire un des rôles principaux dans le monde.

Elles s’efforcent le plus souvent à amener les Africains à adhérer à leur « narratif » et, in fine, les Africains servent utilement à soutenir un camp contre un autre.

Quand il s’agit de voter une résolution au Conseil de sécurité, nous sommes activement sollicités d’un côté comme de l’autre. L’Afrique est alors très courtisée, voire même mise sous pression par certains de ses pays partenaires.

« L’Afrique a pris conscience de sa responsabilité »

« Ces états d’esprits et agissements qui relèvent d’une autre époque s’expriment dans un contexte historique où l’Afrique a pris conscience de sa responsabilité propre et parle de plus en plus d’une seule et même voix. Les fractures de l’époque coloniale entre une Afrique dite francophone, lusophone, arabophone et anglophone se sont amenuisées, tout comme les idéologies post-guerre froide qui ont dominé toute la deuxième partie du XXème siècle. Aujourd’hui l’Afrique veut être elle-même, elle est « africanophone » si vous le permettez», a-t-il martelé.

Pour lui, l’Afrique actuelle n’est plus celle des années 1945, encore moins des années 1960. Nous avons aujourd’hui en Afrique une multitude de nouveaux partenaires qui font partie intégrante de la nouvelle géopolitique internationale, bien loin des deux blocs antagonistes qui ont structuré le monde d’après-guerre du XXème siècle.

Le monde s’est décentré pour devenir multipolaire. Pour paraphraser Blaise Pascal, le monde est devenu un tout dont le centre est à la fois partout et nulle part. Et l’Afrique ne peut et ne veut plus être les wagons d’une seule et même locomotive », a clamé le ministre Togolais.
Le Togo, médiateur dans le cas des 46 militaires ivoiriens détenus au Mali, a permis la libération de 3 femmes soldates. Cette médiation a été saluée par le Premier ministre malien par intérim, le colonel Abdoulaye Maïga.

Le « show » du Premier ministre du Mali, sans langue de bois

Le Premier ministre malien, Colonel Abdoulaye Maïga, s’en prend à la France, à l’ONU et au bloc régional (Source : cosmosonic.com)

Quant au colonel Abdoulaye Maïga, il n’est pas allé par quatre chemins pour flageller la France, l’accusant de tous les péchés d’Israël dans la lutte contre le terrorisme. Mieux, il n’a pas manqué d’égratigner le président de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) ainsi que le Secrétaire général de l’institution Antonio Guterres.

S’adressant à ce dernier cité, il dira : « L’amitié reposant sur la sincérité, souffrez que je vous exprime mon profond désaccord suite à votre récente sortie médiatique, au cours de laquelle vous prenez position et vous vous exprimez sur l’affaire des 46 mercenaires ivoiriens, qui est une affaire bilatérale et judiciaire, entre deux pays frères.

C’est évident que la qualification judiciaire des infractions liées à cette affaire ne relève pas des attributions du Secrétaire général des Nations-Unies. Au Mali, notre administration ne travaille pas sur la base de l’oralité, ni des déclarations par voie de presse. Par conséquent, nous nous en tenons scrupuleusement à la note verbale de la MINUSMA du 22 Juillet 2022, dans laquelle il ressort clairement qu’il n’existe pas de liens entre les 46 mercenaires et les Nations-Unies.

Les récentes synchronisations des actions et l’harmonisation des éléments de langage consistant à faire passer le Mali de statut de victime à celui de coupable, dans cette affaire des mercenaires, sont sans effets », fait savoir le Premier ministre malien a.i.

Le colonel Abdoulaye Maïga a fait fi du langage diplomatique pour asséner ses vérités. Sans langue de bois… « À l’endroit du président en exercice de la CEDEAO, M. Umaro Sissoco Embalo, qui affirme : « On vient de voir avant-hier, la déclaration du Secrétaire général des Nations-Unies qui dit que ce ne sont pas des mercenaires. Moi à la place des Maliens, j’aurais relâché ces 49 soldats », je voudrais très respectueusement signifier à ce dernier qu’il existe un principe de subsidiarité, d’ailleurs aux contours flous, entre la CEDEAO et les Nations-Unies et non un principe de mimétisme.

Également, il est important de lui préciser que le Secrétaire général des Nations-Unies n’est pas un chef d’État et le président en exercice de la CEDEAO n’est pas un fonctionnaire. Par conséquent, il serait indiqué qu’il ne banalise pas la CEDEAO. Enfin, il est utile de rappeler, au président en exercice de la CEDEAO qu’au Mali, les autorités n’interfèrent pas dans les dossiers judiciaires et respectent l’indépendance de la Justice.

Donc, nous n’avons pas vocation à interpeller ou relâcher. Ceci relève de la fonction judiciaire. Aussi, M. Umaro Sissoco Embalo doit être conscient du fait qu’il est le dépositaire d’un lourd héritage et de plusieurs sacrifices qui ont fait la renommée de cette organisation », a martelé le colonel Abdoulaye Maïga.

Il poursuit : « Une nouvelle ère : des solutions porteuses de changement pour relever des défis interdépendants », le thème de cette 77ème session ordinaire de l’Assemblée générale suscitera l’espoir de meilleurs jours pour le Mali, à la condition que le bilan sans complaisance de l’ancienne ère soit établi, que les enseignements soient tirés et que des recommandations objectives soient formulées.

Une fois cette étape franchie, je ne doute pas, qu’à travers notre action collective, nous réussirons à pacifier les multiples foyers de tension dans le monde, mais aussi à promouvoir un développement harmonieux et lutter efficacement contre les pandémies, la dégradation de l’environnement et le réchauffement climatique, les inégalités, les politiques de domination et de prédation de ressources ». Si cela peut avoir bougé le curseur.

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