À la faveur d’un micro baladeur réalisé par le magazine Onésha Afrika, fin octobre dans les rues de Kinshasa, la majorité des habitants réclament la contribution de la diaspora congolaise à l’économie de la République démocratique du Congo.

Pour les personnes interrogées, l’apport des Congolais de l’étranger dans les différents secteurs économiques aurait un impact positif non seulement sur le panier de la ménagère, mais aussi contribuerait à réduire le chômage à travers le pays. Les interviewés admettent néanmoins que le climat des affaires n’encourage pas vraiment les investissements, estimant toutefois que les Congolais de la diaspora ont intérêt à prendre le risque d’investir dans leur propre terre par patriotisme, en lieu et place de condamner la présence envahissante des expatriés dans pratiquement tous les niveaux et tous les secteurs d’activités. 
« La diaspora ne peut s’arrêter à condamner, elle doit agir. Prenons l’exemple de l’État d’Israël, qui n’existait pas. On a dû rassembler les Juifs de tous les coins du monde pour le créer. Au début, l’idée était de l’installer en Ouganda puis, après lecture de la bible, l’option retenue a été de privilégier l’espace qui parle du peuple juif et qui se situe dans l’actuelle Palestine. Aujourd’hui Israël est compté parmi les puissances mondiales ».

Faire fi des contraintes, par patriotisme

Ainsi, malgré les contraintes du climat des affaires, les Congolais de l’étranger devraient se décider de venir exploiter leur terre et la rendre puissante. Il n’y a pas de raison pour qu’ils fuient ou se refusent d’investir dans leur propre pays, notamment pour des raisons de surtaxe, pensent les Kinois abordés, qui précisent que s’ils se réfèrent à l’Histoire des Israéliens, ils comprendront que rien n’est impossible à l’homme. Ils doivent d’abord investir par patriotisme, ensuite pour faire le contrepoids aux expatriés.
La RDC appartient à nous et non aux étrangers», a réagi à notre micro baladeur Henock Kapongo, entrepreneur dans le secteur informatique et habitant la commune de Lingwala.
Et de poursuivre : « C’est vrai que le climat n’est pas propice dans notre pays. Mais, les Congolais de la diaspora doivent premièrement venir investir dans leur pays par patriotisme. En dehors de ça, bien que le climat des affaires ne soit pas favorable, je pense aussi qu’il y a très peu d’acteurs dans chaque domaine d’activité.
Les Congolais de l’étranger ont comme l’impression que les expatriés nous asphyxient avec leurs hôtels, supermarchés…, alors qu’il y a encore le besoin d’en avoir dans chaque commune ou chaque coin de nos villes. Il y a encore une mer bleue pour la diaspora de venir investir ici. Il y a de l’opportunité, il y a des domaines quasiment inexploités comme l’agriculture, l’élevage, par exemple. Il y également le domaine de la distribution et des télécommunications».


Profiter de la facilité de création des entreprises

L’un de nos interviewés de la commune de Kasa-Vubu, Hugo Mabiala, journaliste, s’est apesenti sur la facilité de création d’entreprise qu’offre le pays: «Avec le Guichet unique, le processus de création d’un établissement ou d’une entreprise en RDC est très simplifié et ne prend que quelques jours. Il coûte également moins cher. Pour le faire, il n’est nullement besoin d’avoir des intermédiaires. La fiscalité à Kinshasa est moins oppressante qu’en Europe. Le fait que les Ouest-africains et les Indo-pakistanais contrôlent le commerce à Kinshasa démontre que les nationaux peuvent également, s’ils se le permettent, faire fructifier leurs affaires en RDC, car le terrain est propice, malgré les tracasseries des agents de l’État, la duplication des taxes et l’absence d’une politique qui encourage les investissements nationaux».
De son côté, Hubert M., habitant la commune de Lemba, également journaliste, renchérit : «Les Congolais de l’étranger ont toutes les bonnes raisons de venir investir en RDC. Premièrement, les exigences fiscales ne sont pas rigoureuses comme en Europe ou aux États-Unis d’Amérique.
Prenons le cas de l’immobilier. Il est difficile de supporter les taxes et impôts liés aux immeubles. Or, ici chez nous, ceux qui ont beaucoup de maisons ne paient pas beaucoup d’argent. En plus, le coût de l’eau et de l’électricité n’est pas exorbitant. S’il faut compter sur les amis que l’on peut avoir dans le circuit administratif, on se passerait aussi facilement de certaines taxes. C’est la RDC, après tout. Deuxièmement, la main d’œuvre en RDC coûte moins cher aux investisseurs.  Troisièmement, le gouvernement travaille sur l’amélioration du climat des affaires pour le rendre attractif.
Dans l’import-export par exemple, ceux qui y œuvrent gagnent cinq ou six fois plus de bénéfice qu’ailleurs. Enfin, les Congolais ont intérêt à investir en RDC parce que c’est chez eux, c’est le pays de leurs ancêtres. C’est bien de vivre chez les autres, mais, lorsqu’on vous rappelle constamment que vous n’êtes pas chez vous, vous devriez penser à chez « vous »».

Et de d’ajouter : «Presque toutes les alimentations appartiennent aux expatriés, parce qu’ils savent qu’ils peuvent acheter une marchandise ailleurs et venir la vendre dix fois plus cher au Congo. Donc, le risque de faillite est minime. D’autre part, les Indo-pakistanais ont constitué un réseau et se cotisent pour corrompre les autorités du pays de manière à ne pas être inquiétés outre mesure.
À la diaspora, je demande de penser à venir investir en RDC. Ils sont nombreux qui sont retournés défricher le sol pour planter du café, du cacao… et qui ne le regrettent pas.
L’Afrique est le continent de l’avenir. Un jour, le Congo va se réveiller et, en ce moment-là, ceux qui y seront comme investisseurs seront des véritables barons».


Consolider la colonne vertébrale de l’économie

Par ailleurs, l’écrivain Justice Kangamina, habitant la commune de Limete, n’est pas allé par le dos de la cuillère : «Je pense que les Congolais de la diaspora doivent tenir compte du poids économique mondial. En investissant dans leur pays, ils participeront alors à consolider la colonne vertébrale de l’économie congolaise qui vacille encore».
Pour l’opérateur culturel Hervé Nzinga, de la commune de Ngiri-Ngiri, on est mieux que chez soi: «Nous devons prendre exemple sur les Chinois et les Nigérians. Quelle que soit la quantité de la richesse qu´ils amassent, ils finissent toujours par investir chez eux. Le Congo ne sera pas développé seulement par les politiques, mais aussi par nous, peuple».
Contacté au téléphone, dans le même optique, un Congolais, Dieuleveut Butey, vivant à Cologne en Allemagne, estime : «À grande échelle, l’administration fait défaut. La majorité des dossiers passent sous la table, avec les phénomènes ‘branchement’, ‘tel connaît tel’, « le bouche à l’oreille », « on passe non pas par le bureau mais par l’entremise d’une tierce personne »… Et, c’est un manque à gagner et pour celui qui veut investir et  pour l’État. C’est aussi cette pratique qui décourage ceux qui veulent réellement investir. Surtout que les mauvaises expériences des uns freinent les autres à tenter leur chance».

De l’avis de Frezia Kabamba, de la commune de Kalamu: «Pour l’instant, le pays n’offre pas encore à 100% la garantie d’investissement, mais on est sur la bonne voie. Ils peuvent donc venir… Le Congo est un vaste chantier où il y a du travail dans tous les domaines. Seul un climat des affaires apaisant peut faciliter et séduire les compatriotes de l’étranger à investir au pays.  Mais, sachant que les discours politiques à ce sujet ne sont qu’utopiques, le phénomène de commission décourage plus d’un».
«Je demande à la diaspora de ne pas considérer tous les maux qui rongent le pays, mais de contribuer à son redressement, chacun dans son domaine, en y apportant du sien. Rationnellement, je ne trouve aucune raison pour laquelle ils doivent rentrer investir au pays tant les tracasseries financières (avec des multiples taxes et impôts), la corruption et autres maux continuent de sévir. Mais au nom du patriotisme, ils le peuvent bien», a estimé Laurent Omba, résidant dans la commune de Ngaliema.
Rachel Masongo, de Matete a, elle, confié qu’«il y a dans notre pays des secteurs où juste une minorité des personnes exploitent. Le développement du pays ne dépendra jamais des  investissements des expatriés, mais plutôt des nationaux. En investissant au pays, la diaspora participera au développement du Congo».
Licencié en communication des organisations, Glody Mboma de Barumbu pense qu’«en investissant au pays, les Congolais de l’étranger vont donner du travail à leurs frères et booster l’économie nationale. Si les étrangers maltraitent les Congolais dans leur propre pays, c’est parce qu’il y a absence de concurrence.
Le développement de notre pays ne sera pas vraiment effectif avec l’appui extérieur. En venant ici, ils comprendront les réalités du marché congolais et en tant que fils du pays, ils auront certains avantages»
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