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Mauritanie : Sous l’œil attentive de l’Union Européenne, le changement face au défi de la corruption

La Mauritanie semble traverser aujourd’hui une épreuve difficile. Epreuve qui nous rappelle celle qu’a connue l’Algérie pendant les dernières années de l’ère d’Abdelaziz Bouteflika. Mais en Mauritanie, le ‘hirak politique’ au sein du mouvement populaire met en lumière l’absence d’un chainon manquant entre le peuple et ses élites politiques. A tel point que le pays est tenté de se tourner vers quelques forces traditionnelles pour orienter ses choix, tant au niveau interne qu’externe et ses liens étroits avec la France. Ces liens n’ont cessé de dominer la scène nationale depuis l’ère de Mokhtar Ould Daddah, auxquels liens, il faut ajouter aujourd’hui les agendas des pays du Golfe (principalement l’Arabie Saoudite, les Emirats Arabes Unies et le Qatar).

Le président de la Mauritanie, Mohamed Ould Cheikh El Ghazouani, au sommet du G5 sur le Sahel à Pau, dans le sud-ouest de la France, le 13 janvier 2020. (Crédit : Regis Duvignau/Pool Photo via AP)

Et malgré l’héritage et la grande influence des courants nassériens et baassistes des années soixante dix du siècle dernier au sein l’armée, les relations à l’intérieur de la société traditionnelle mauritanienne restent largement dominantes. Ce qui explique amplement la faiblesse des institutions étatiques et qui freine les améliorations au niveau des droits politiques citoyens fondamentaux.

Par ailleurs, certaines études et les informations diffusées au sein des décideurs des pays de l’Union européenne et des USA, donnent une image d’un pays instable qui est au bord du chaos. Quant à l’ébullition de la rue et l’état de santé de l’ex-président actuellement détenu, cela pourrait profiter aux opposants, aux ‘ gangs des détourneurs de l’argent public’ dirigés par certaines institutions (responsables des grands projets d’état) et banques, qui facilitent le piratage financier et la manipulation des richesses du pays. Les efforts du nouveau président du pays, Mohamed Ould Al-Ghazwani pour redresser la situation, n’ont pas encore abouti à des résultats concrets et patents.

Plus encore, des obstacles sont apparus lors de leur mise en œuvre tels que le ‘dossier de la Banque Centrale de la Mauritanie’ largement relayés par les sites d’informations africains et européens (groupe ALFATEC Systemas-soumissionneur espagnol ).

https://www.financialafrik.com/2021/02/23/importantes-precisions-a-propos-de-lannulation-par-la-banque-centrale-de-mauritanie-de-la-procedure-dattribution-de-la-mise-en-place-dun-data-center/

L’inadaptation et le manque de conformité des transactions publiques mauritaniennes avec la banque d’informations de la Banque Centrale de Mauritanie sont, en grande partie, à l’origine des déséquilibres constatés (publiés en détail par l’African Journal of Africa Financiel.

A cela, il faut ajouter le suivi des évolutions et des résultats en matière de dépenses publiques et la faiblesse globale dans la mise en œuvre de certains budgets non adoptés par la gouvernance financière, soupçonnée de saper les contrôles internes et externes et d’entraver la régularité du contrôle et de la supervision des dépenses publiques. Les efforts du nouveau président ne semblent pas être suffisants malgré les améliorations apportées telles que les récentes restructurations mises en œuvre au niveau des institutions étatiques, de l’armée, de la sécurité, de la justice et du secteur semi-gouvernemental ( et c’est là que réside l’une des grandes difficultés). En effet, la non intégration des systèmes d’information et de gestion financière apparaissait clairement au niveau des normes professionnelles, tant en matière d’audit des comptes, de reddition des comptes que de l’imposition des contrôles.

Et c’est sur ces aspects que le Président se concentre comme il l’a clairement affirmé dans son discours du 28 novembre 2021, en proclamant que : «Nous redoublerons nos efforts pour l’établissement d’une bonne gouvernance et pour la lutte contre toutes les formes de corruption, notant que la Corruption, de par sa nature, sape les fondements du développement, gaspille les ressources de l’État et empêche les projets d’atteindre pleinement leurs objectifs ».

La Mauritanie est au seuil d’un changement politique décisif et connait des restructurations et des réformes annonciatrices des changements nouveaux dont se prévaut Mohamed Ould Al-Ghazwani. Néanmoins, il est craindre qu’ils n’aboutissent qu’à la répétition des scénarios de certains pays africains voisins, d’autant plus que tout cela se passe dans un climat de forte concurrence commerciale et militaire dans la région entre les puissances montantes (Russie et Chine) et les puissances occidentales omniprésentes depuis plus d’un siècle dans la région.

Quant aux islamistes, qui se retrouvent aujourd’hui assiégés et les ailes coupées, ils n’ont plus que quelques cartes sur lesquelles ils comptent pour rester en scène. La Mauritanie fait partie de leurs atouts.

A cet effet, rappelons ici l’analyse du spécialiste des affaires africaines du British Royal Institute for Foreign Policies (Chatham House), Paul Melley, où il affirme que la Mauritanie se trouve à la croisée des chemins, et c’est ce qui a fait que le président Mohamed Ould Ghazouani considère cette période comme un test national et régional face à la popularité de son régime et à sa capacité d’adaptation pour maintenir son contrôle, son autorité et assurer une bonne gouvernance dans un environnement politique en pleine évolution.

Mohamed Ould Ghazouani a promis, dans les prochaines années, une nouvelle ère radieuse après celle des corrompus. Ce sont ces promesses qui, aujourd’hui, aideront son gouvernement à contenir les voix discordantes de l’opposition. Bien plus et en même temps, la volonté du président à asseoir une bonne gouvernance pourrait devenir un moteur de changement social et économique. Car il sait bien que s’il échoue, la prospérité promise et les droits des classes populaires seront minés, les tendances ethniques tentaculaires, se rangeront du côté des partisans de l’ancien président Mohamed Ould Abdel Aziz, assigné à résidence depuis sa dernière maladie en prison.

Le discours de ces derniers et leurs ‘papiers ‘ ont commencé à parvenir aux bureaux de planification.au sein des organisations de défense des droits humains.

Bruxelles, le 7 Janvier 2022.

Driss Benbrahim.
Europe Aujourd’hui
Bruxelles

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