La télévision est le moyen de communication le plus important à notre époque, c’est le terrain le plus commun pour tous les publics, elle ne nécessite pas de  »background » préalable, la télévision était le média le plus étudié qu’il soit en sociologie ou en littérature. On étudiait d’abord les effets de la télévision, puis  les usages pour parler finalement de réception médiatique du public.

Ce public qui est devenu une boite noire, qui refuse de voir ce que l’on souhaiterait qu’il voie, mais il voie ce qu’il veut voir. Nous allons essayer de découvrir cette boite noire, cette découverte touchera principalement quelques familles de la diaspora marocaine.

Dans cette enquête journalistique on va étudier la réception médiatique des membres de la diaspora marocaine. Cette réception permettra d’approcher l’espace domestique de ses membres et de connaître comment participe la TV dans la construction de leurs identités  individuelles et familiales. Nous allons essayer de voir comment ils voient  la télévision (belge ou autre), comment ils reçoivent la télévision, et quels rapports les lient avec la télévision.

Les études de réception trouvent leurs origines dans les «Cultural Studies». C’est l’école anglaise de Birmingham et exactement le Centre for Contemporary Cultural Studies qui était crée en 1964 et qui a fait les premières recherches culturalistes, ces recherches se sont situées à la convergence d’un double héritage, l’héritage critique de l’École de Francfort qui va orienter les recherches de l’Ecole anglaise sur les pratiques culturelles dans un contexte d’industrialisation de la culture et l’héritage émanant de l’analyse structuraliste du sémiologue Roland Barthes et de la pensée d’inspiration marxiste (école de francfort).. Cette école va donner le coup d’envoi de nouveaux sujets liés aux pratiques culturelles notamment les communautés, les médias, le féminisme…etc.

Les pratiques médiatiques sont  par nature insaisissables car ce sont des pratiques intimes, domestiques, et imbriquées dans le réseau des pratiques quotidiennes.

Nombreuses enquêtes ont été faites dans ce sens notamment celle de Marie GILLESPIE , cette dernière a fait une étude sur la consommation médiatique de la diaspora indienne de  la troisième génération  originaire du Pendjab domiciliée à Southall, un quartier de la banlieue sud de Londres, son étude s’est focalisée sur les jeunes de 14 à 18ans, les résultats de son étude ont démontré que les parents obligent leurs enfants à suivre les émissions du pays d’origines comme elle a prouvé que ces émissions servent de ressources culturelles pour ces jeunes. Est-t-il le cas pour la diaspora marocaine de Bruxelles?

Une diaspora se forme de membres de génération différente, statut social, économique et politique tout a fait distinct  et donc ils n’auront pas forcément la même réception des médias.

Alors quelle sont les hypothèses de cette enquête : la première hypothèse est que les familles de la diaspora marocaine sont des familles soudées devant la TV (dont tous les membres interagissent entre eux pour faire un choix). Tandis que la deuxième hypothèse est pour la thèse qui dit que les familles de la diaspora marocaine sont des familles silencieuses devant la TV, la télévision pour ces familles est un moyen de s’évader dans l’imaginaire et d’échapper à l’emprise familiale

Les pratiques médiatiques sont  par nature insaisissables car ce sont des pratiques intimes, domestiques, et imbriquées dans le réseau des pratiques quotidiennes. De fait, les séances de réception sont difficiles à saisir, la deuxième difficulté est que ma cible est un public diasporique, éphémère qui se forme et se déforme ce qui rend ses pratiques instables et sa pénétration très difficile. Malgré notre parfaite conviction de ces difficultés, nous avons décidé de relever le défit et de commencer le travail sur ce sujet.

Nous allons recourir à l’observation et les entretiens d’un  »échantillon » de deux familles de cette diaspora. L’observation va me permettre de répondre à beaucoup de questions notamment comment on  regarde la télévision (si la famille est silencieuse, ou la famille est soudée qui parle et partage ses avis), si un des membres de la famille exerce une influence sur le reste de la famille. Comme elle me permettra de connaître de quel ordre sont les enjeux de la réception au sein des familles marocaines, sont-t-ils des enjeux  individuels motivés par le choix personnel ou ce sont des enjeux collectifs motivés par un choix collectif? Et comment s’identifient-ils par rapport à la télévision belges (identification associative[1]: réagissent comme si l’événement et le leur), identification admirative[2]  (admirent ces médias donc ils les suivent…etc.).

Que disent-t-ils lorsqu’ils regardent la télévision Belge la critiquent-ils? Argument-ils leurs critiques? Leurs arguments sont-t-ils cohérents? Dans la culture arabe, la TV est soumise à certaines restrictions surtout lorsqu’il s’agit des scènes  »chaudes », cette culture orientale est-t-elle respectée par les  »orientaux » de ‘‘l’occident’’? Je vais accorder une attention particulière à l’univers de la réception (ambiance, décor, discussion…etc.). Quant aux entrevues que je compte faire, elles me permettront de répondre à certaines questions comme: qu’est ce qui attirent le plus les membres de notre diaspora dans la télévision les grilles, les annonces, les programmations, ou quoi de juste et pourquoi? Et qu’aiment-t-ils regarder ? Car les séances d’observation que je vais passer avec eux ne me permettront pas d’avoir une réponse à toutes les questions auxquelles j’aimerais avoir des réponses. Alors quels sont les résultats escomptés après les deux séances d’observation?

Pour la première famille, les membres de cette famille apparaît plus soudés, les parents imposent aux enfants les émissions à regarder, quand on est ensemble, il faut absolument voir ce que les parents veulent, et on doit écouter les conseils et les valeurs véhiculés par les parents. L’ambiance qui a régné durant les deux heures de ma présence est une ambiance de débat, tout le monde s’exprime et agit vis à vis de l’émission regardée. Quand, ils sont dans  leur chambres les deux enfants regardent les émissions qu’ils veulent, et ce sont des émissions pour adolescents en langue maternelle (en français), dans leur chambre, ils ne mettent presque jamais les chaînes arabes. Les enfants de cette famille reçoivent comme leurs parents les productions médiatiques avec un esprit critique,  il apparaît qu’il y a un terrain d’entente entre les enfants et leurs parents.

Pour la deuxième famille, les membres de la famille sont un peu dispersés, peut être c’est à cause du moment de ma visite (ils n’étaient pas tous ensemble), ou bien c’est parce que ma présence les a gênés, mais ce qui apparaît flagrant c’est que chacun est dans son coin, c’est la maman qui tient la télécommande, le papa a été absent pendant toute la séance, la fille répond à peine aux questions que je lui ai posé, les enfants  les deux sont arrivés, ils ont posé des questions, ils ont répondu à mes questions et puis ils sont entrés à leur chambres, La maman commente, elle exprime son opinion sur tout ce qu’elle regarde, elle analyse, elle donne des conclusions:  »la première chaîne a beaucoup évolué par rapport  aux années quatre-vingt ». Devant le silence de sa fille.

Les parents dans les deux familles ont des véritables attaches au  pays d’origine, ils suivent des émissions en langue arabe, ils suivent des feuilletons dont l’histoire ressemble tellement à leur histoire avec l’immigration, comme ils suivent des émissions du pays d’accueil mais que pour s’informer. Contrairement à leurs enfants qui aiment suivre les émissions de ce pays, des émissions qui leur permettent de discuter à l’école avec leurs copains, et des émissions qui les intéressent et qui répondent à leurs besoins.

Malgré le rapprochement culturel, social et économique des deux familles leur réception de la télévision  n’est pas la même, la réception de la première famille est active, on critique, on lance des arguments fondés, on regarde la télévision en famille. Tandis que la réception de la deuxième famille incline vers la passivité, on commente mais sans argumenter, on regarde la télévision mais individuellement.

Cette enquête journalistique prouve que ce n’est pas parce qu’on est membres de la même diaspora qu’on va avoir la même réception de la télévision. L’est-t-il vrai pour toutes les diasporas africaines de Belgique? Pour le savoir rendez-vous au prochain numéro.

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