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Le Président Félix Tshisekedi revisite l’accord minier de 6 milliards conclu avec la Chine

Au cours du mois de septembre, les experts du gouvernement de la République démocratique du Congo étaient en plein réexamen du gigantesque contrat « minerais contre infrastructures » conclu en 2017 avec les entreprises chinoises Sinohydro Corp et China Railway Group sous le président Joseph Kabila.

Selon des sources internes à Kinshasa, l’initiative s’inscrit dans le cadre du réajustement de tous les contrats miniers au Congo, tel qu’annoncé en mai dernier par le président Félix Tshisekedi.
Le ministre des Finances Nicolas Kazadi a par ailleurs précisé l’objectif de ce réexamen, qui est de s’assurer que le partenariat est « équitable » et « efficace ».

« Nous avons vu qu’il y avait quelques problèmes de gouvernance dans le passé […]. Nous avons besoin de plus de clarté sur le contrat et le type de financement qui est derrière », a-t-il expliqué dans une interview à un média étranger.
L’accord minier, faisant l’objet du réexamen, d’un montant total de 6 milliards de dollars américains, prévoit la construction d’infrastructures (écoles, routes et hôpitaux) pour un coût de 3 milliards USD, en échange de l’exploitation d’immenses réserves de cuivre et de cobalt dans la province du Katanga, grâce à un investissement à concurrence du même montant.

Pour exécuter le contrat, une coentreprise a été créée, la Sino-Congolaise des Mines (Sicomines), dans laquelle la Gécamines, compagnie minière nationale de la RDC, détient 32 % de parts contre 68 pour les sociétés chinoises citées ci-haut.

Une volonté de tirer profit du cours du marché

Certains experts estiment que la détermination du chef de l’État congolais « s’explique aussi bien par une volonté de mieux tirer profit des ressources minières de son pays que par la situation actuelle sur le marché des matières premières ».

En effet, le cuivre et le cobalt, pour lesquels la RDC est l’un des plus grands fournisseurs au monde, font l’objet d’importantes demandes en raison de leur rôle dans la transition énergétique. Ce qui placerait Kinshasa en position de force pour négocier avec les investisseurs.

Pour rappel, le Congo, vaste de 2 345 409 kms carrés, avec un sol et un sous-sol regorgeant une large variété de ressources naturelles, a ainsi été amené à être logiquement qualifié de « scandale géologique ».

On sait par ailleurs que les Etats membres de l`Union Européenne, en ratifiant l`accord de Paris lors de la conférence sur le climat (COP 21), ont pris l’engagement de limiter le réchauffement climatique. Pour ce faire, les Etats signataires doivent réduire leurs émissions polluantes. Cela signifie que les Etats membres vont, dans leur bouquet énergétique, augmenter la part des énergies renouvelables au détriment des énergies fossiles.
L’Union Européenne s’est même donné pour objectif de développer une économie à zéro émission de gaz à effet de serre d`ici 2050.

La part de la RDC dans la reconversion énergétique

C’est ici que la RDC voudrait se mettre en ordre de marche au starting-block, afin de peser sur la nouvelle orientation de l’économie mondiale. Car le succès du « green deal » européen passera nécessairement par le recours à des technologies ne heurtant pas l’environnement.

En outre, la quasi-totalité des technologies utilisées pour la maitrise de l’énergie solaire, éolienne et l’électrification des transports requièrent une augmentation de la demande en matières premières. Pas moins de 23 minerais sont nécessaires, parmi lesquels figurent l’aluminium, le fer, l’argent, le zinc, le nickel, l’étain, le plomb, les terres rares, le lithium, le cuivre ou encore le cobalt.

S’agissant du seul cobalt, la RDC en détient 50% des réserves mondiales. Aussi, il n’est pas surprenant, à la suite de la reprise de l`économie chinoise d’une part, et de l’autre la présentation du plan de relance américain et la quête d’une économie verte, d’assister aujourd’hui à une flambée des cours des matières premières.

À titre d’exemple, le cuivre vient d’atteindre 10 253 dollars la tonne et ainsi battre son record historique datant de 2015.

Les raisons de la promulgation du nouveau code minier

Les parlementaires congolais, guidés principalement par « le manque de transparence et le faible profit que retire l’État congolais de l’exploitation des substances minérales de son sol et de son sous-sol », avaient décidé, par le truchement de la loi du 9 mars 2018, de modifier et compléter le code minier de 2002, avant la promulgation de ce qui est aujourd’hui connu comme « le nouveau code minier ».

Celui-ci décrète que le permis d’exploitation a une durée de validité maximale de 25 ans et ne saurait être renouvelé pour des périodes excédant 15 ans chacune. De même, il prévoit que l’octroi dudit permis est subordonné à la cession à l’État de 10% des parts ou actions constitutives du capital de la société requérante. Ces parts devant être libres de toutes charges et non diluables.

En principe, le titulaire est soumis au régime fiscal, douanier et taxes définis par le code. Le législateur garantit même que les dispositions du code ne pourront être modifiées qu’à condition que le code lui-même fasse l`objet d’une modification adoptée par le parlement.

La représentation nationale a pour sa part offert la stabilité fiscale, douanière et de change pour une période de 5 ans, à compter soit de l’entrée en vigueur du code (9 mars 2018) pour les droits miniers d’exploitation valides existants à cette date, soit de l’octroi du droit minier d’exploitation acquis postérieurement en vertu d’un permis de recherches valide existant à la date d’entrée en vigueur du code.
De son côté, le chef du gouvernement congolais avait décrété que le cobalt, le germanium et la colombo-tantalite (coltant) sont des substances stratégiques. La conséquence est que pour ces substances, le taux de la redevance minière est fixé à 10%.

La revisitation en question

C`est en 2007 que le terme « revisitation » a pris corps en RDC, avec l’ouverture des travaux d’une commission interministérielle à cet effet. L’opération consistait en la réouverture, la relecture, la renégociation et la résiliation si nécessaire de contrats de concession et conventions minières conclus par les entreprises publiques et sociétés d’économie mixte depuis 1996.

L’objectif de l’opération, qui a été réalisée en 2009, visait à se défaire de contrats léonins conclus en temps de guerre et ainsi permettre à l’État de recouvrer ses droits.

De même, depuis deux décennies, la RDC dispose d’institutions légitimes. Aussi, il est surprenant de voir surgir dans le débat public l’idée d’une nouvelle revisitation, d’autant plus que les concessions ont été abolies. Seul demeure le régime fixé par le code.

On peut imaginer que le débat relatif à la revisitation trouve son fondement dans l’euphorie des marchés financiers. Nous ne pensons pas que le gain immédiat d’une telle entreprise soit de nature à justifier que l’État se dédise.

Une revisitation serait synonyme d’instabilité sur la chaîne d’approvisionnement des matières premières, qui hypothèquerait les chances de réalisation des objectifs de la COP21 et, partant, le bonheur des générations futures.

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