L’entretien, qui a été organisé le mardi 10 août au siège du parlement belge, a tourné principalelebt sur des sujets d’actualité en République démocratique du Congo et était conduit par l’éditeur du magazine, Victor Olembo Lomami, accompagné de son rédacteur en chef Jean Cornelis Nlandu.

C’est une personnalité toujours portée sur les contacts humains empreints de respect mutuel que nous avons rencontrée dans son bureau de travail pour cette entrevue qui s’est déroulée dans une atmosphère de parfaite cordialité.

Déjà avant 1980 en effet, André Flahaut est dans les sillages de Leburton, président du Parti socialiste belge puis Premier ministre et président de l’assemblée. Ensuite, entre 1980-1995 et après, il oeuvre aux côtés des différents présidents du Parti socialiste belge: André Cools, Philippe Busquin, Di Rupo, Paul Magnette et Thierry Gillet.

Mais c’est surtout les 12 années passées avec Guy Spitaels qui vont marquer son destin et forger sa connaissance et son intérêt pour l’Afrique et le Congo, tel qu’il le reconnaît lui-même. Pour rappel, Guy Spitaels est autour de la table, en 1960, pendant les négociations en vue de l’indépendance du Congo.

André Flahaut restera ensuite ministre pendant 12 ans et demi dans le gouvernement fédéral et 4 ans dans l’Exécutif de la Communauté française, avant d’être président de l’Assemblée quatre ans durant, de 2010 à 2014, participant ainsi à toutes les coalitions qui ont dirigé la Belgique.

Une Défense au service de la paix

Au cours de l’entretien, il nous a assuré que c’est surtout en tant que ministre de la Défense, fonction qu’il occupe pendant huit ans, de 1999 à 2007, qu’il va effectuer un travail d’envergure, qui reste une référence encore aujourd’hui, en mettant en place des stratégies et des politiques durables.

André Flahaut confie: « C’est à partir d’un concept que je lance, et dont je discute avec le Premier ministre à ma nomination, que je base toute mon action, à savoir: chaque fois que la Défense n’utilisera pas son personnel, ses infrastructures et son matériel pour les opérations militaires, il faut que tout ce dispositif soit mis à la disposition de la Société civile pour la paix et la solidarité à l’intérieur et à l’extérieur de la Belgique ». Tout un programme.

« Pendant les huit ans et demi à la tête de la Défense, j’ai décliné cette phrase dans tous les aspects », explique André Flahaut qui précise qu’on a vu défiler en Belgique pendant cette période des militaires en provenance de toute l’Afrique, des Béninois, Gabonais, Congolais, Rwandais ou encore Burundais, en formation à l’École royale militaire. Et ce fut, selon lui, « des occasions de compréhension, d’intégration et de partenariat respectueux des spécificités de chacun ».

À son avis, « si l’Union européenne avait adopté un programme similaire, on aurait eu une Europe de la Défense qui ne serait pas dépendante des autres, notamment des États-Unis ».

Garder le contact avec les acteurs du terrain

Le ministre d’État André Flahaut est certainement parmi les hommes politiques belges qui ont foi en une Afrique pleine d’avenir. Il se dit d’ailleurs « afro-optimiste » et croit fermement qu’il faille privilégier les groupes d’amitié comme ressources précieuses à utiliser dans les relations de partenariat entre les nations.

Il révèle qu’après le drame qui s’est joué au Rwanda en 1994, la Belgique s’est retrouvée « tétanisée » et le contact fut pratiquement rompu avec l’Afrique centrale.

« Pendant mes premiers mois comme ministre de la Défense, j’ai du raccoler les morceaux pièce par pièce, prenant plusieurs contacts avec les acteurs politiques de tous bords. Mais en toute discrétion ».
Il était en effet convaincu, à l’en croire, qu’il fallait parler à tout le monde et tenir le même discours, indépendamment de la personne et de sa qualité. C’est cette approche de contacts directs, respectueuse de tous et loin de la transposition de modèle, qui va guider toute l’action politique du ministre d’État Flahaut.

Une nouvelle approche de partenariat

Dans une communiqué qu’il nous a remis au cours de l’entrevue et intitulé « Pour un autre regard sur l’Afrique », André Flahaut conseille d’ailleurs que « pour éviter de détruire complètement la confiance que nos voisins d’Afrique portent encore à l’Europe, je suis convaincu qu’il faut promouvoir une approche de partenariat fondé sur le respect des Histoires, des singularités et des réalités africaines sans chercher à imposer nos modèles d’existence ».

Dans le même chapitre, il a annoncé qu’il se rendra en République démocratique du Congo fin octobre-début novembre de cette année, afin de conserver les liens avec la classe politique congolaise dans son ensemble.

Quant aux élections prevues en République démocratique du Congo en 2023, notre interlocuteur estime que « les responsables politiques devraient parfois oublier les échéances et mettre en place des plans devant aider à relever les grands défis que commande l’immensité du territoire ».

À son avis, les partenaires du Congo, de leur côté, devraient considérer les aspects positifs afin d’évoluer dans le bon sens et non s’ériger en « contrôleurs extérieurs ». Dans le même registre, croit-il, ceux-ci ne devraient pas agir en « observateurs des élections mais en accompagnateurs » et sillonner le pays du nord au sud et de l’est à l’ouest pour qu' »au lieu de donner des leçons, bien calfeutrés dans leur bureaux climatisés, ils se rendent compte de visu du « travail colossal que cela demande dans l’organisation pour un pays sept fois plus grand que l’Allemagne et quatre-vingts fois la Belgique ».

« Il y aura bien des élections. Elles seront également contestées. Mais le plus important aujourd’hui est de nous employer ensemble dans les premières priorités que sont la sécurité evidemment, mais aussi l’éducation et la santé notamment », dit-il.

« Il faut laisser le jeu démocratique ouvert et éviter le repli sur soi »

À une question sur le projet de loi initié récemment et devant exclure certains Congolais des postes régaliens, André Flahaut est catégorique. « Il s’agit là d’une démarche excessivement dangereuse, qui va à contre-courant de l’ouverture sur le monde ».

Et d’ajouter: « Le Congo ne peut se replier sur lui-même. Le monde est devenu un village. Je suis désolé mais il faut laisser le jeu démocratique ouvert ».
Il se dit par ailleurs convaincu de voir la sagesse des personnes engagées sur le terrain s’attaquer avant tout aux préoccupations de la population, c’est-à-dire aux problèmes les plus urgents et redonner la fierté aux Congolais sur l’échiquier continental ».

Il a enfin loué les efforts déployés par le président Félix Tshisekedi qui a également compris que le Congo doit rester en bonne intelligence avec ses voisins. « Ça c’est le premier goal marqué par le président congolais », a reconnu le ministre d’État André Flahaut qui ajoute: « Il est venu dernièrement en visite officielle en Belgique, pays colonisateur. J’ai remarqué par ses choix et ses réflexes quant aux symboliques que c’est un véritable chef de l’État ».

Mais la dernière symbolique, c’est lorsque, à l’issue de cet entretien de plus d’une heure, le ministre d’État belge se lève et prend l’ascenseur avec l’éditeur et le rédacteur en chef d’Onésha Afrika, pour les accompagner jusqu’aux portiques, à la sortie du parlement belge. Tout un symbole en effet.

Victor Olembo et J. Cornelis Nlandu

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