Elle a fait son chemin. En tout cas la musique congolaise est certainement pami les plus dansées au monde. En tout cas en Afrique et dans toutes les diasporas africaines à travers le monde, on ne peut imaginer une seule manifestation sans la musique congolaise. Il ne manquait plus que l’humanité puisse faire le pas vers une reconnaissance mondiale. C’est aujourd’hui chose faite.

En effet, la Rumba congolaise vient de faire – officiellement – une entrée fracassante au patrimoine culturel immatériel de l’humanité. C’est ce qu’a annoncé, le mardi 14 décembre 2021, l’organisation des Nations unies pour l’éducation, la science et la culture (UNESCO), à l’issue de la session annuelle ouverte lundi 13 décembre à Paris afin d’étudier une soixantaine de candidatures issues de tous les continents.
Aussitôt annoncé, plusieurs chaînes de télévision à travers le monde ont souligné la pertinence de cette musique dans la vie quotidienne des populations des deux rives du fleuve Congo. Mais pas seulement. Estimant qu’il était plus que temps que l’UNESCO mette enfin cette culture sur le piédestal.

La candidature pour la reconnaissance de la rumba congolaise au patrimoine de l’UNESCO était défendue par Kinshasa et Brazzaville, qui ont mené une vaste action de lobbying depuis de nombreux mois.
À l’occasion de cette proclamation, la ministre congolaise de la Culture, Arts et Patrimoines, Catherine Kathungu Furaha, a qualifié la Rumba d’identité africaine, de richesse et de phénomène de ville dont Kinshasa et Brazzaville sont le foyer ». « Je salue la mémoire de nos peuples qui voient aujourd’hui l’invention des esclaves et de leurs descendants, revenir comme une science dans son milieu naturel. Cette inscription est la consécration de notre identité commune, d’un mode de vie, d’un état d’âme et d’un savoir-faire anthropologique », a-t-elle estimé.
Par la même occasion, elle a salué l’implication du bureau de l’UNESCO à Kinshasa pour son accompagnement, avant de rendre un vibrant hommage au génie créateur des ancêtres et des esclaves qui, dans leurs déportation n’ont pas perdu cette identité.

Une culture de partage et de plaisir

La rumba congolaise est cette culture de partage, de plaisir, de passion mais aussi de résistance qui débute bien avant les indépendances et qui va se perpétuer et évoluer avec les pères fondateurs de la musique congolaise.
La célèbre chanson « Indépendance tchatcha », de l’orchestre African Jazz de Kabasele Tshamala, est d’ailleurs considérée comme l’hymne des indépendances africaines des années ’60.
« C’est une nouvelle étape dans l’histoire déjà très riche de cette musique, qui a traversé les siècles et les frontières.

Elle est considérée comme une partie essentielle et représentative de l’identité du peuple congolais et de ses populations de la diaspora. Elle permet également la transmission de valeurs sociales et culturelles de la région, mais aussi la promotion d’une cohésion sociale, intergénérationnelle et solidaire », proclame l’Organisation des Nations unies pour l’éducation, la science et la culture sur son site.
La ministre de la Culture a profité de l’opportunité pour rendre hommage aux artistes musiciens des deux rives du fleuve Congo, toutes générations confondues, aux écrivains et poètes qui ont valorisé ce patrimoine et pérennisé son héritage.

On pense, dans le camp des artistes, à tous ces noms célèbres tels que Manuel Mayungu D’Oliveira, Wendo Kolosoy, Tino Baroza, Camille Feruzi, Antoine Mundanda, Adou Elenga, Rossignol Cantador, Keon Bukasa, Edo Clari.
Mais aussi – et ils sont nombreux – à Franklin Bukaka, Lucie Eyenga, Nino Malapet, le Grand Kalle Kabasele, Franco Luambo Makiadi, Rochereau Tabu Ley, Docteur Nico Kasanda et même Papa Wemba.
On ne peut non plus omettre des personnalités comme Lonoh Malangi, Manda Tchebwa ou le Prof Yoka Lye Mudaba et le sénateur Didier Mumengi, qui n’ont pas lésiné sur les moyens pour faire la promotion de cette culture.

Des origines de la rumba

À propos de la Rumba, le ministre congolais de la Communication et porte-parole du gouvernement, Patrick Muyaya, s’était prononcé, au cours d’une conférence de presse organisée en prélude à cet événement, que « cette richesse venue du Congo et exportée dans le monde entier constitue un des éléments de notre fierté ». Pour lui, « il est de notre devoir à tous de promouvoir la rumba.
Les spécialistes des deux Congo situent les origines de la rumba dans l’ancien Royaume Kongo, où l’on pratiquait une danse appelée Nkumba, signifiant dance du « nombril ».

Suite au commerce triangulaire, les Africains déportés ont emmené dans les Amériques leur culture et leur musique. Fabriquant eux-mêmes leurs instruments, ils vont contribuer à la naissance du jazz au nord et de la rumba au sud des Amériques, avant que cette musique ne soit ramenée en Afrique par les commerçants, sur des supports disques et guitares.
Selon le Pr. Yoka Lye Mudaba, DG de l’Institut national des arts (INA), la Rumba est « tentaculaire et présente dans tous les domaines de la vie nationale ».

Dans sa version moderne, elle a une centaine d’années et est une musique des villes et des bars, de métissage culturel et de nostalgie, à la fois de « résistance et de résilience », avec son mode de vie et ses codes vestimentaires.
Ce genre musical est marquée par l’histoire politique des deux Congo, avant et après l’indépendance
Sur la liste représentative de l’UNESCO, la Rumba congolaise rejoint sa sœur cubaine, inscrite en 2016, et, pour l’Afrique centrale, les polyphonies pygmées de Centrafrique (2003) ou les Tambours du Burundi (2014).
Plus d’un an après le dépôt du dossier conjoint du Congo-Kinshasa et du Congo-Brazzaville auprès de l’Unesco, l’optimisme règne sur les deux rives du fleuve Congo et au sein des diasporas congolaises.

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