Le coordonnateur du Cadre de Concertation nationale, dans une interview à Onésha Afrika, revient sur « la situation catastrophique due aux décennies de guerres et de violences » à laquelle les communautés du Kivu sont confrontées et qui, finalement, devient comme un cycle infernal.
Dans cette situation où des milices, des groupes armés étrangères et locaux font la loi, Me Bashombe reconnaît qu’il y a eu différentes initiatives gouvernementales pour essayer de normaliser la situation, mais qui se sont toutes soldées par des échecs.
Des complicités de ripoux et d’anciens rebelles mixés dans l’armée régulière
À son avis, les diverses tentatives n’ont pas porté de fruits à cause de complicités dans le chef de certains éléments de l’armée nationale, de certains autres qui provenaient de mouvements armés ou de rébellions et qui ont été mixés dans l’armée régulière.
Mais aussi, ajoute-t-il, des pays étrangers et des multinationales ont investi pour que le Kivu demeure un ventre mou, de manière à ce que les minerais stratégiques du Congo soient pillés et alimentent ensuite les groupes armés dans la région.
Les conséquences ont été inhumaines pour la population civile. Plusieurs femmes ont été victimes de violences sexuelles, souvent de gravité innommable.
« J’ai eu personnellement à accompagner une centaine d’entre elles devant la Justice pour qu’elles rentrent dans leurs droits et que leurs bourreaux soient condamnés », relève Me Bashombe.
Malheureusement, du fait que certains présumés auteurs de ces crimes sont dans l’armée ou dans les groupes armés, la Justice a été incapable de dire la loi, à cause de protections.
Déplacements forcés et destruction du tissu socio-économique
Rappelant les conséquences des conflits dans l’est, le Coordonnateur du Cadre de Concertation de la Société civile de la RDC a épinglé les déplacements forcés des populations, obligées de quitter les villages pour se mettre sécurité dans les cités urbaines et peri-urbaines, provoquant ainsi une fâcheuse détérioration du tissu socio-économique et l’écosystème des milieux d’accueil.
Cette situation est exacerbée par le déficit de l’autorité de l’État, comme d’ailleurs dans d’autres coins de la RDC, où les entités décentralisées n’accèdent pas à leurs moyens financiers, devant provenir de la rétrocession, en vue d’exécuter certains projets de développement.
Me Bashombe entrevoit une lueur d’espoir avec l’avènement du Président Félix Tshisekedi en ce qui concerne la paix car, dit-il, « il s’y est investi comme une question prioritaire, en mobilisant l’armée, la police et les services de sécurité ».
Il faut un réel plan de paix
Parmi les solutions pour une paix durable, le Coordonnateur du Cadre de Concertation nationale de la Société civile est convaincu qu’il faut absolument définir un plan de paix, qui servirait comme une architecture dans laquelle seraient logées les interventions de tous genres.
À son avis, « la paix est comme une construction. Et on ne peut imaginer un architecte construire une maison sans plan ». Et dinsister :
« Nous devons développer un plan, sous une forme de protocole. Désormais, lorsque la paix est troublée, on sait approximativement quelle thérapie utiliser pour ramener rapidement la cohésion de façon durable ».
Me Bashombe estime que l’un des déficits au rétablissement de la paix provient également du fait que la plupart de ceux qui géraient les services de sécurité ont été nommés par l’ancien régime.
« Je crois qu’avec la maîtrise aujourd’hui du secteur de sécurité par Félix Tshisekedi, l’état de siège qu’il vient de décréter va apporter des solutions définitives pour le retour de la paix », souligne-t-il.
Proposer au gouvernement une stratégie nationale de cohésion
En tout cas, se félicite-t-il, la population salue non seulement la bonne foi du chef de l’État, mais surtout sa détermination à résoudre une fois pour toutes la question de l’insécurité, qui n’a fait que trop durer. Par ailleurs, les Congolais doivent, selon lui, se mobiliser tous derrière leur président pour que cette mesure exceptionnelle porte ses fruits.
« Au cas contraire, je ne vois pas à quoi va ressembler le pays », craint cet activiste de la Société civile qui demande aux compatriotes égarés de déposer les armes car, pour lui, « rien ne peut justifier que l’on prenne des armes contre sa propre patrie ».
À ce sujet, il appelle les partenaires techniques et financiers à disponibiliser des moyens suffisants afin d’appuyer le programme de Démobilisation et Réinsertion communautaire (DDRC), mis en place pour la réinsertion socio-économique des combattants démobilisés.
Dans ce chapitre, il déplore que maintes fois, par manque de moyens d’accompagnement, des démobilisés ont malheureusement déserté les camps pour reprendre les armes.
Me Bashombe demande également à la Justice de faire son travail pour que certains crimes ne demeurent pas impunis, mais aussi, il suggère que l’on développe, au niveau de chaque communauté, un mécanisme pour renforcer la cohésion sociale.
« Il est ahurissant de constater que lorsque vous êtes dans les régions comme les Hauts Plateaux d’Uvira et de Fizi ou d’Itombwe dans le Mwenga, vous avez l’impression que les communautés ne jurent qu’à se faire la guerre »
Ce « déficit de cohésion » exaspère les tensions sociales entre les communautés, certaines allant jusqu’à armer leurs frères et leurs enfants contre d’autres, note-t-il.
Me Bashombe fait savoir qu' »au niveau de notre plateforme Dynamique communautaire pour la Cohésion sociale et le développement (DYCOD), nous avons développé une stratégie nationale de cohésion sociale que nous allons proposer d’ici là au gouvernement », dans le but de renforcer la cohésion tant à travers le Congo qu’entre les communautés aux niveaux locaux.
Victor Olembo